Var-Matin (Grand Toulon)

Le cours du beurre flambe dans le Var

Le cours de la matière première pénalise les profession­nels des métiers de bouche qui l’utilisent pour fabriquer leurs produits. Au bout de la chaîne, les consommate­urs vont trinquer

- VÉRONIQUE GEORGES vgeorges@nicematin.fr

Avec 8 kg par an, les Français sont les plus gros consommate­urs de beurre dans le monde. La hausse de ce dernier a donc un impact fort pour les ménages, lesquels ont vu le prix des tablettes de 250 grammes légèrement monter pour l’instant… Car l’avenir risque de changer la donne. Pour les profession­nels aussi, l’augmentati­on du cours de cette matière première est une triste réalité, quels que soient les produits qu’ils fabriquent. En première ligne, les boulangers pâtissiers font l’effort de rogner sur leurs marges. Mais cela risque de ne pas durer et l’on verra sans doute de nouvelles étiquettes pour les fêtes ou au moment de l’épiphanie…

Les vrais artisans pénalisés

Gérard Pellati, président du syndicat des patrons boulangers et boulangers pâtissiers du Var, aujourd’hui retraité après 46 ans autour d’un pétrin, résume : « La profession subit la hausse du prix du beurre et des matières premières qu’ils utilisent, notamment les produits semi-finis. L’augmentati­on est significat­ive. Pour l’instant, je n’ai pas encore constaté de répercussi­on sur les prix pour les consommate­urs… » Pour Guillaume Girard, pâtissier à Draguignan, le sujet est sensible. «J’utilise environ 35 à 50 kg de beurre par semaine car je fais moimême mes viennoiser­ies, ditil. Le surcoût est très important. J’ai fait des essais sur plusieurs margarines car c’est plus intéressan­t, mais je n’ai pas été convaincu. J’ai abandonné car je privilégie le goût et la qualité avant tout. » Ce choix le dessert fortement. « Au final, les viennoiser­ies, c’est énormément d’heures de travail mais ce n’est plus très rentable, regrette cet artisan. Énormément de profession­nels les achètent congelées, les font pousser et cuire sur place, et pour eux, ça a moins augmenté. Ceux qui résistent et se battent sont pénalisés. Ce n’est pas normal. » Pour l’instant, le pâtissier n’a pas augmenté ses prix, mais «si ça continue, je le ferai après les fêtes ».

La moitié du prix d’un croissant

Ses confrères artisans affrontent le même problème et se posent les mêmes questions. «Le beurre est en ce moment entre 7,50 et 7.80 le kilo et n’arrête pas de monter. Il y a sûrement une forte demande mais aussi de la spéculatio­n sur les marchés financiers », révèle Jean-François Musso, du Provençal, au centre-ville de Fréjus. Le problème n’est ni varois, ni français, mais internatio­nal comme il le constate : « On a ouvert une autre pâtisserie en République Tchèque, où ma femme se trouve actuelleme­nt, et là aussi, le prix du beurre augmente.» Il est inquiet pour son commerce. « Le beurre représente la moitié du prix d’un croissant. Outre le feuilletag­e des viennoiser­ies, j’en utilise dans les crèmes. Pour l’instant, on tient les marges à la baisse. Mais pour combien de temps? Car nos charges, elles, sont incompress­ibles: la main-d’oeuvre, l’électricit­é, les assurances… Tout rentre en ligne de compte. Si on augmente les prix pour les fêtes de fin d’année, on va effrayer les clients. Si on ne les augmente pas, c’est la trésorerie de l’entreprise qui sera en difficulté ».

De ,€ à ,€: € de plus en un an

Toujours à Fréjus, Christophe Adam, boulanger pâtissier, souligne: «le beurre a prix trois euros en un an, j’ai regardé mes factures, il est passé de 5,50 à 8,50 Et selon mon fournisseu­r, c’est 172 % depuis vingt mois. La hausse devrait continuer jusqu’au premier semestre 2018. » Lui en utilise 10 à 20 kg par semaine pour ses grosses brioches Nanterre, pains aux raisins… Comme ses confrères, il songe à augmenter ses tarifs : « Pour l’instant, je n’ai rien répercuté et je rogne sur ma marge. Mais je vais le faire avant les fêtes puisque c’est la période où je consomme le plus de beurre dans les bûches et le feuilletag­e des galettes. Cela sera de l’ordre de 5 centimes sur la viennoiser­ie, 10 centimes sur les grosses brioches de 500 grammes et le reste. Il va falloir qu’on l’explique à nos clients. Notre syndicat va faire ce qu’il faut. » Dépité, il conclut: «Les fabricants de beurre jouent sur les cours et attendent qu’ils montent pour fournir. Mais l’État ne protège pas l’artisanat. »

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(Photo Dylan Meiffret) À Draguignan, le pâtissier Guillaume Girard utilise beaucoup de beurre pour les feuilletés des viennoiser­ies. Il devra augmenter ses prix si celui de la matière première poursuit sa hausse.

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