Il·elle·s sont devenu·e·s fou·olle·s
Ami·e·s lecteur·rice·s, rassurez-vous. Je ne vous infligerai pas la lecture de cet article en « écriture inclusive ». Trop pénible à lire. Et à écrire, donc ! Chapeau aux auteur·e·s et correcteur·rice·s de l’honorable maison Hatier qui sont venus à bout de ce travail de bénédictin·e·s consistant à rédiger un ouvrage entier dans cette étrange novlangue néo-féministe, selon les préceptes du Haut Conseil à l’égalité entre les hommes et les femmes (HCEFH). Signe des temps, c’est sur twitter que Hatier a fait connaître la nouvelle : « Très fier·ère·s d’avoir publié le premier manuel scolaire en écriture inclusive ! » L’annonce a fait grand bruit et soulevé forces polémiques, comme chaque fois que l’on touche à l’orthographe, ce point névralgique de l’identité française. Rappelons de quoi il s’agit. L’écriture inclusive vise à purger la langue des stéréotypes sexistes que véhiculent et perpétuent les règles de grammaire et d’orthographe, héritages de longs siècles de domination patriarcale. Pour en finir avec le machisme sournois qui se cache dans le Lavisse, on veillera à appliquer les règles suivantes :
Féminiser les métiers, titres et fonctions. On dira et écrira une charpentière, une auteure (ou autrice), une mairesse, une présidente (et non Madame le Président). Soit. La langue est le reflet de la société. Il n’y a pas de raison de maintenir des usages remontant à un temps où, de fait, ces emplois et ces titres étaient l’apanage des hommes. Il n’y a plus guère que les académiciens pour refuser de se découvrir devant une cheffe.
Bannir le mot « homme » dans son acception universelle (les humains), car les femmes, justement, ne sont pas des hommes comme les autres. On parlera donc d’humanité, d’espèce humaine, etc. On ne dira pas les droits de l’homme mais les droits humains. À proscrire aussi le mot « femme » employé comme générique (« la journée de la femme »), car porteur « d’images réductrices ».
Abolir plus généralement l’odieuse règle selon laquelle le masculin l’emporte sur le féminin. En lieu et place du masculin pluriel faisant office de neutre, on aura recours, au choix, à trois procédés. Le plus banal : l’usage de termes dits « épicènes », c’est-à-dire unisexes, tels que « propriétaires », « fonctionnaires »... Ne pas dire « les collaborateurs » mais « les membres de l’entreprise ». Plus original, on utilisera, grand sujet de fierté des promoteurs de l’écriture inclusive et inépuisable objet de moquerie pour ses adversaires, cette trouvaille typographique qu’est le « point médian », permettant de compacter les deux genres en un seul mot. Dans le manuel Hatier, cela donne : « Grâce aux agriculteur·rice·s, aux artisan·e·s et aux commerçant·e·s, la Gaule était un pays riche. » Ayons ici une pensé émue pour les enfants de CM confrontés à ce genre d’énoncés... Enfin, pour ceux que l’innovation rebute, reste la bonne vieille méthode chère aux politiciennes et aux politiciens, la « double flexion », comme disent les grammairiens : « Les électrices et les électeurs », « Les parisiennes et les parisiens ». Aussi laide que redondante, mais politiquement correcte. Mais attention, une double flexion revue et corrigée ! Dans le strict respect de l’égalité des sexes, on fera primer l’ordre alphabétique : on dira « les maçonnes et les maçons », mais « les décorateurs et les décoratrices ». Certains voudraient aller plus loin et édicter une règle générale : l’adjectif se rapportant à une énumération s’accorderait non au masculin (s’il y a lieu) mais avec le mot le plus proche. Ce qui donnerait des énoncés tels que : « Les verres et les bouteilles sont cassées » .Oumieux: « Que les hommes et les femmes soient belles ! » (titre d’une pétition de ). Allez jusqu’au bout d’une logique et elle devient folle. Le Manuel d’écriture inclusive inspiré par les recommandations du HCEFH ne retient pas cette cocasse proposition. On en viendrait presque à le regretter.