Le Premier ministre rassure les Régions
Projet de loi de finances, impôt sur la fortune, dotations aux collectivités : à la veille de son déplacement dans le Var aujourd’hui, le Premier ministre a accepté de répondre à nos questions
Il est venu l’été dernier, à Bormes, sur le front des incendies : le Premier ministre Édouard Philippe est « heureux de venir dans le Var» , aujourd’hui, département où il a fait son service militaire : « À l’artillerie à Draguignan. J’y ai conservé d’excellents souvenirs et quelques amitiés solides ». Cette fois, c’est le chantier du porte-avions Charles-deGaulle, dans la base navale de Toulon, qui recevra la visite du Premier ministre accompagné de Florence Parly, ministre des Armées. Tous deux embarqueront ensuite à bord du Mistral, pour une présentation à la mer des capacités du bâtiment, qui accueille actuellement l’état-major français de commandement de la force aéromaritime de réaction rapide dirigeant un exercice Otan.
Vous venez d’annoncer la hausse du budget de la Défense. Ainsi s’achève la polémique qui a suivi la coupe budgétaire du printemps dernier, et la démission du chef d’état-major des armées ? La hausse du budget de la Défense – + , milliard l’an prochain – est autrement plus sérieuse qu’une quelconque polémique. Nous augmentons le budget des armées dans des proportions jamais vues depuis . Dans le monde dans lequel nous vivons, la mobilisation de notre capacité militaire doit être à la hauteur des enjeux si nous voulons protéger les Français. Ces dernières années, on a demandé aux armées de s’adapter et on a profondément transformé le modèle militaire en le professionnalisant. Il faut maintenant répondre au défi capacitaire et à l’aggravation des menaces. Cela exige des moyens supplémentaires. C’est un vrai choix, très engageant parce que nous devons pour cela baisser les dépenses ailleurs, mais parfaitement assumé par le président de la République et par le gouvernement que je dirige.
Êtes-vous favorable à un deuxième porte-avions ? Je suis moins soucieux de la question de tel ou tel instrument que de la réflexion globale à mener pour déployer nos militaires sur les différents théâtres extérieurs et leur permettre d’accomplir efficacement leurs missions. C’est très bien d’avoir de beaux équipements, mais il faut aussi penser à la doctrine d’emploi, aux munitions, aux équipages, à leur formation. Une revue stratégique a été engagée et confiée par le président de la République au député européen Arnaud Danjean. C’est à lui qu’il appartient aujourd’hui de formuler des propositions sur ces enjeux. Je ne veux pas prendre position tant qu’il n’aura pas rendu ses conclusions.
Selon un sondage publié jeudi, seuls les Français les plus aisés s’estiment satisfaits du projet de loi de finances. N’avez-vous pas le sentiment d’accentuer la fracture sociale ? Cessons les caricatures. Le budget vise autant à libérer qu’à protéger. C’est l’inaction qui a accentué la fracture sociale. Nous vivons dans une France que nous aimons profondément, mais qui a besoin d’être réparée. Nous voulons apporter les bonnes réponses aux problèmes du chômage de masse, de la dérive des finances publiques, de l’éducation... La suppression de l’impôt sur la fortune (ISF), remplacé par un impôt sur la seule fortune immobilière, contribuera à restaurer l’attractivité de notre pays et l’investissement dans notre économie. Savez-vous combien de contribuables ont quitté le territoire national à cause de l’ISF ? Ce sont des impôts en moins pour l’État et des investissements en moins pour nos entreprises. Notre objectif est de faire repartir la machine tout en protégeant les plus faibles. C’est ce que nous faisons en augmentant le minimum vieillesse, la prime d’activité, en revalorisant l’allocation aux adultes handicapés, en supprimant la taxe d’habitation pour les classes populaire et moyenne, etc.
Mais quelles garanties avez-vous que l’argent qui ne sera pas prélevé au nom de l’ISF sera réinvesti dans l’économie française ? C’est un pari très risqué. Ça fait quinze ans qu’on fait le pari inverse et que cela ne marche pas, et nous sommes les seuls à faire ainsi. Sur la même durée, nous sommes le seul grand pays européen qui n’a pas réussi à trouver de solution au chômage de masse. Il est temps d’en tirer les enseignements, non ? Il faut assumer les choses et les dire : on a besoin que le capital reste en France, pour qu’il soit investi dans la PME de Bretagne, dans la startup toulonnaise, dans l’industrie de l’Est de la France ou de la Vendée. Et puis, un budget, ce n’est pas un seul instrument, c’est un équilibre, une cohérence. On supprime l’impôt sur la fortune et dans le même temps, on augmente le pouvoir d’achat des actifs, on investit dans les armées, la justice, la police, l’éducation, l’écologie. On diminue les prélèvements obligatoires et le déficit public. On va diminuer la dette sur l’ensemble du quinquennat. Les réformes fiscales, la réforme du droit du travail, la priorité que nous allons accorder à la formation et à l’apprentissage : tout cela me paraît de nature à faire baisser le chômage de masse. C’est mon objectif, et je suis d’autant plus déterminé que ces réformes suivent le cap fixé par le président de la République.
Pour les salariés du privé, vous baissez les prélèvements sociaux pour compenser la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG). Or les prélèvements sociaux sont déductibles du salaire imposable, ce qui n’est pas le cas de la CSG. Cela signifie donc une hausse du revenu net imposable pour les salariés ? La baisse des cotisations salariales sera bien plus forte que la hausse de la CSG : nous allons rendre milliards d’euros de pouvoir d’achat aux Français. C’est colossal. La partie de la CSG qui sera prélevée sera déductible de l’impôt sur le revenu. J’ajoute que nous n’augmentons pas la CSG pour les petites pensions de retraites, soit % des retraités. S’il y a une chose à retenir de ces mesures techniques c’est que le salaire net de tous les salariés français augmentera dès le mois de janvier .
Une « petite pension de retraites », c’est donc en dessous de euros pour un retraité seul, euros pour un couple. C’est être « privilégié » selon vous, comme l’a laissé entendre Emmanuel Macron ? Le Président ne l’a jamais formulé de la sorte, et je ne le pense pas non plus. Nous avons voulu que la hausse de la CSG ne touche pas les plus petites pensions, soit % des retraités. Ces derniers bénéficieront d’ailleurs de la suppression de la taxe d’habitation pour % des Français. Les plus aisés des retraités contribueront un peu plus au financement de la protection sociale pour que les actifs, ceux qui financent les retraites, puissent aussi avoir une augmentation du pouvoir d’achat. Au total, quand on prend en compte l’ensemble de nos mesures fiscales, ainsi que la hausse du minimum vieillesse, le quart seulement des retraités les plus aisés sera mis à contribution. % environ des retraités seront gagnants.
Les présidents de région ont claqué la porte de la conférence des territoires pour protester contre les nouveaux coups de rabot budgétaires. Ces baisses ne viennent-elles pas remettre en cause leur libre administration ? Pas du tout. J’ai moi-même été longtemps un élu local, c’est la raison de mon engagement politique initial. Je comprends les logiques locales et je les respecte. Mais les respecter, c’est aussi dire les choses franchement et clairement. Les dotations aux collectivités territoriales, toutes les collectivités territoriales, augmenteront l’an prochain. C’est la première fois depuis longtemps ! Les régions auront plus d’argent l’an prochain qu’elles n’en ont eu l’an dernier. Nous avons même accepté de respecter un engagement contracté par nos prédécesseurs : transformer une importante dotation qu’on appelle la DGF [dotation globale de fonctionnement, ndlr] en une affectation d’un point de TVA. Ce qui veut dire qu’année après année, avec la dynamique de la TVA, les conseils régionaux verront leurs recettes augmenter beaucoup plus vite qu’avec le système précédent. Les présidents de région le savent parfaitement. Les décisions que nous avons prises ne satisfont pas les régions mais sont compatibles avec les lignes que nous nous sommes fixées, notamment en matière de maîtrise de la dépense publique. Quand je m’engage sur des mesures, des objectifs, c’est pour les tenir. Les chèques en bois qui ont pu être signés par des gouvernements précédents, je ne m’en estime pas comptable. Il en va de l’intérêt des Français. J’ai entendu la réaction des présidents de région hier. Je tiens à leur dire que je suis toujours dans une logique de discussion.
On a besoin que le capital reste en France”