Var-Matin (Grand Toulon)

« Je suis Niçois à vie ! »

L’inoubliabl­e Nenad Bjekovic est l’invité d’honneur de la soirée. Attention légende...

- PHILIPPE CAMPS

Celui qui n’a jamais vu Nenad Bjekovic partir au but n’a rien vu. Désolé les jeunes, mais ‘‘Bjeko’’ avait une classe folle. Il avait la grâce du guépard et le sang-froid du chasseur. Sa frappe claquait comme un coup de fusil. Buteur, il était de la race des seigneurs. ‘’Bjeko, Bjeko’’ chantait le Ray qui était fou de son ‘’Yougo’’. C’était le chant des partisans. Joueur, puis entraîneur, Nenad Bjekovic a marqué l’histoire de l’OGC Nice. Demain, il sera à l’Allianz Riviera invité d’un club qui a une bonne mémoire. En attendant une ‘’standing ovation’’ méritée, il est au bout du fil.

Comment va Nenad ? Très bien. Je vais avoir  ans. Tu imagines,  ans ! Mais je te rassure : je ne les fais pas (il se marre). Je suis resté un sportif. Je ne prends pas un seul médicament. Parfois, j’ai quelques maux de tête, souvenirs de ma blessure à Auxerre mais ce n’est pas grave. Je vis toujours à Belgrade avec mon épouse. Mon fils n’est pas loin. Ma fille, elle, habite en Allemagne. Tu n’as plus de rôle au Partizan Belgrade ? Non. J’ai failli devenir président, mais j’ai été battu, ou plutôt volé, aux dernières élections. Je n’ai pas dit mon dernier mot... Au Partizan, les dirigeants sont des politicien­s. Moi, je suis un homme de football. Je n’ai rien à voir avec eux. Pourtant, le Partizan, c’est ta vie... Au Partizan, j’ai été joueur, coach, directeur sportif et conseiller du président. J’ai deux familles : le Partizan et l’OGC Nice. Tu n’as jamais oublié Nice... Comment pourrais-je oublier Nice ! Cette ville, je l’ai dans la peau. Elle me manque. Je ne passe pas un jour sans penser à elle. La Prom’, le Vieux-Nice, la Piétonne, la mer, le Ray... Tout est dans ma tête. Et puis, il y a les amis. Là, je viens deux jours, mais il faudrait que je reste deux mois pour les voir tous. Eux aussi me manquent. Je suis Niçois à vie. À Nice, je n’ai jamais été un touriste et je ne le serai jamais. C’est aussi pour ça que les gens m’aiment. Je suis un des leurs. (Sa voix tremblote). Je suis toujours ému quand je parle de Nice. Nous avons vécu une grande histoire d’amour. Le Ray, c’était... Mon jardin. Et quelle ambiance ! Les spectateur­s chantaient ‘‘Bjeko, Bjeko !’’ Je les entends encore. Je les entendrai jusqu’à mon dernier jour. Je n’ai pas de mots pour expliquer ce que je ressens quand j’évoque le stade du Ray. L’Allianz Riviera ? Je connais, j’étais là pour l’ouverture. Ce stade est magnifique. Il parait que tu ne rates pas un match du Gym... Pas un seul. Je suis abonné à une chaîne (Arena Sports) qui diffuse les matchs du championna­t de France. Et je regarde... Nice ! Avec un oeil de spécialist­e et un oeil de supporter. Quand je suis devant le Gym, faut pas me chercher... J’aime voir jouer cette équipe. Son jeu est un régal. Elle a aussi du caractère. Elle l’a montré contre Angers. Le Gym va finir dans le top . Je prends les paris. Et va-t-il battre l’OM ? La réponse est oui. Balotelli, il te plaît ? Il est très fort. Il a l’air heureux à Nice. Alors, oui, il me plaît. Un souvenir d’un NiceOM? Pas d’un Nice-OM, mais d’un OM-Nice. Le stade Vélodrome était plein. Je pars à la limite du hors-jeu. Je m’avance vers le gardien marseillai­s et j’entends un coup de sifflet. Je stoppe ma course. De rage, je balance le ballon dans les tribunes. Et là, je comprends que ce n’était pas l’arbitre qui avait sifflé, mais un spectateur. J’ai pris un jaune. J’avais envie de tout casser ! Comme entraîneur, je me souviens d’un drôle de Nice-OM (-) au Ray. À la mi-temps, deux Marseillai­s (Di Meco et Germain) avaient été tirés au sort pour le contrôle antidopage. À la fin du match, ce sont deux autres joueurs (Thys et Papin) qui se sont présentés. Une histoire de fous. Aujourd’hui, on en rigole. À l’époque, ça ne m’avait pas fait rire... Le plus fort avec qui tu as évolué à Nice ? À Nice, j’ai joué avec Baratelli, Katalinski, Adams, Grava, Huck, Jouve, Guillou, Sanchez, Toko... Comment en sortir un ? Ce sont tous des joueurs de classe. On avait une équipe magnifique. Le plus méchant ? C’était parfois notre problème. On n’était pas assez méchant. Dans l’équipe, tout le monde voulait jouer au foot. Il n’y avait pas de casseur, de destructeu­r. Les coups, ce sont les autres qui les donnaient. J’ai eu Rio, Piazza, Domenech ou

Dans la vie, il y a deux choses que j’aime prendre : des responsabi­lités et des risques”

Courbis sur le dos. Ils m’ont bien arrangé. Remarque : je ne me laissais jamais faire... Je ne connais pas la peur. Rien ni personne ne m’a jamais fait trembler. J’oubliais, chez nous, Pedro (Ascery) n’hésitait pas à mettre la semelle. Et Katalinski ? ‘’Skija’’ n’avait pas besoin d’être méchant. Il impression­nait tout le monde. Katalinski était un super footballeu­r. Il était aussi mon ami. On habitait dans le même immeuble (l’Arcadia, bd Napoléon-III) .Moiaue,lui au e. On était tout le temps ensemble. Sa mort m’a dévasté. ‘’Skija’’ était mon frère, comme l’étaient tous mes coéquipier­s au Gym. Je me serais fait tuer pour eux. L’équipe qui te réussissai­t ? J’aimais jouer contre SaintEtien­ne. J’ai marqué pas mal de buts à mon pote Curkovic. C’est lui qui m’avait dit un jour que Piazza détestait me prendre au

marquage. À tel point que c’est Janvion qui se chargeait de moi. Un client celui-là. Un but ? Celui marqué à Monaco, en demie retour de coupe de France en . Les Monégasque­s me voient hors-jeu. Peut-être le croient-ils encore... J’égalise (-). Ce but nous emmène au Parc. Doit-on parler de cette finale contre Nancy... C’est le match qui a tout changé. On était archifavor­is. On perd (-) à cause de Platini. Cette défaite marque la fin d’une époque. La fin des ambitions. Si on avait gagné, l’histoire aurait été toute autre. Après la finale, je pars en vacances à Belgrade. Les dirigeants m’assurent qu’ils gardent tout le monde. Quand je reviens, il reste ‘’Kata’’ et Guillou. Baratelli, Huck, Jouve et Toko sont partis. Le club avait besoin d’argent. Il était presque d’accord avec Strasbourg pour me vendre : le maire de Nice, Jacques Médecin a dit non ! De toute façon, je ne serais pas parti. Puis, vous êtes revenu, comme coach... Dans la vie, il y a deux choses que j’aime prendre : des responsabi­lités et des risques. Alors, quand Mario Innocentin­i m’a proposé le poste, je n’ai pas hésité. Mais j’ai voulu aller trop vite. Je suis un révolution­naire. Et le changement fait peur. Avec moi, l’équipe est devenue très offensive. J’ai toujours préféré gagner - que -. J’alignais trois attaquants, parfois quatre. Je voulais avancer. J’étais un bulldozer. L’histoire s’est hélas mal terminée. Je me suis froissé avec le président. Bref, je suis mort avec mes idées. Mais les regrets sont là. J’ai manqué de souplesse, de sens de l’écoute. Il te tarde d’être là... Oh oui ! J’ai hâte de boire un petit pastis entre amis. Hâte de parler du Gym en mangeant des spécialité­s. Quand je jouais à Nice, on m’appelait le ‘‘petit monstre’’. Parce que je mangeais comme un ogre. Je dévorais. J’étais si heureux et si aimé à Nice.

Le 9 novembre 1980, il est victime d’un coup de coude au visage qui entraînera des problèmes de vision, le forçant à mettre un terme à sa carrière.

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