Un pas décisif pour les chercheurs
Pour que la science devienne populaire, il faut vulgariser. Si cette idée est ancienne, il a fallu que les chercheurs dépassent bien des appréhensions pour oser « se livrer » à la presse
Longtemps, très longtemps, les chercheurs ont conduit leurs travaux à l’abri du regard du public. Et leurs succès, couronnés par la publication des résultats dans de prestigieux journaux scientifiques étaient discutés entre pairs, jamais ou seulement très rarement portés à la connaissance du plus grand nombre. Ces temps sont révolus. Même si pour certains, l’exercice reste difficile, lesté par la peur d’être « trahi » par le journaliste, les scientifiques ne rechignent plus à informer le public sur leurs recherches, et à annoncer dans les médias leurs découvertes. Il faut préciser qu’ils y sont aussi fortement « encouragés » par leurs tutelles ( Inserm/CNRS/Université) instituts de recherche, mais aussi les fédérations ou associations qui les soutiennent. L’enjeu est double : redorer l’image de la recherche, souvent écorchée, mais aussi garantir la survie de certains champs de recherche asphyxiés par les coupures dans leurs financements. Nombre de chercheurs azuréens ont ainsi accepté de diffuser des informations sur leurs études dans les pages Santé. Retour d’expériences avec Patrick Auberger, directeur d’un des plus gros instituts de recherche azuréens, le C3M (Centre méditerranéen de médecine moléculaire).
Quelles étaient vos craintes lorsque vous avez commencé à communiquer dans la presse ?
La principale crainte était que des découvertes, certes importantes et ouvrant à long terme des espoirs de traitement, soient comprises par le lecteur et surtout le «patient lecteur» comme la certitude d’un nouveau traitement à court ou moyen terme. On ne doit pas générer de faux espoirs. J’en ai moi-même fait l’expérience : lors d’une réunion organisée par une association de patients atteints de cancer, j’ai été interpellé par un malade au sujet d’un article publié dans les pages Santé. Le titre évoquait un remède; même s’il comportait un point d’interrogation, les patients l’avaient pris comme une vérité. Le chercheur et le journaliste doivent, tous les deux, être très prudents lors de la restitution vulgarisée de données scientifiques. Il ne faut pas laisser penser aux patients que les découvertes scientifiques, d’amont surtout, vont forcément déboucher sur la mise en place de traitements.
Si vous deviez donner des conseils précis aux uns et aux autres ?
Il faut rester humble dans la présentation des résultats et surtout ne pas céder au sensationnalisme. Les données présentées dans la presse doivent être lisibles par tous, le journaliste devant veiller à une parfaite compréhension. Nous avons la chance qu’une confiance mutuelle
se soit installée entre nous chercheurs, et vous journalistes, qui suivez régulièrement nos travaux, et savez vous montrer critiques le cas échéant.
En dépit des risques, vous êtes très favorable à la communication dans la presse. Pourquoi ?
Les patients et les familles de patients sont en attente constante des résultats de la recherche. Mais, au-delà, on s’aperçoit que les articles portant sur la recherche intéressent énormément la population de façon générale et qu’ils sont très lus. Pour l’anecdote, j’ai découvert que mes voisins connaissaient mes travaux ou tout du moins mon métier, grâce aux pages Santé de Nice-Matin Varmatin !
Tout ceci explique à mon avis le succès considérable, et qui ne se dément pas, de cette rubrique. Mais cette adhésion n’aurait pas lieu si les pages Santé n’étaient pas si attractives et aussi bien traitées, avec un effort important en termes de nombre de pages dédiées.
Pas de faux espoirs aux malades