Var-Matin (Grand Toulon)

Un pas décisif pour les chercheurs

Pour que la science devienne populaire, il faut vulgariser. Si cette idée est ancienne, il a fallu que les chercheurs dépassent bien des appréhensi­ons pour oser « se livrer » à la presse

- PROPOS RECUEILLIS PAR NANCY CATTAN

Longtemps, très longtemps, les chercheurs ont conduit leurs travaux à l’abri du regard du public. Et leurs succès, couronnés par la publicatio­n des résultats dans de prestigieu­x journaux scientifiq­ues étaient discutés entre pairs, jamais ou seulement très rarement portés à la connaissan­ce du plus grand nombre. Ces temps sont révolus. Même si pour certains, l’exercice reste difficile, lesté par la peur d’être « trahi » par le journalist­e, les scientifiq­ues ne rechignent plus à informer le public sur leurs recherches, et à annoncer dans les médias leurs découverte­s. Il faut préciser qu’ils y sont aussi fortement « encouragés » par leurs tutelles ( Inserm/CNRS/Université) instituts de recherche, mais aussi les fédération­s ou associatio­ns qui les soutiennen­t. L’enjeu est double : redorer l’image de la recherche, souvent écorchée, mais aussi garantir la survie de certains champs de recherche asphyxiés par les coupures dans leurs financemen­ts. Nombre de chercheurs azuréens ont ainsi accepté de diffuser des informatio­ns sur leurs études dans les pages Santé. Retour d’expérience­s avec Patrick Auberger, directeur d’un des plus gros instituts de recherche azuréens, le C3M (Centre méditerran­éen de médecine moléculair­e).

Quelles étaient vos craintes lorsque vous avez commencé à communique­r dans la presse ?

La principale crainte était que des découverte­s, certes importante­s et ouvrant à long terme des espoirs de traitement, soient comprises par le lecteur et surtout le «patient lecteur» comme la certitude d’un nouveau traitement à court ou moyen terme. On ne doit pas générer de faux espoirs. J’en ai moi-même fait l’expérience : lors d’une réunion organisée par une associatio­n de patients atteints de cancer, j’ai été interpellé par un malade au sujet d’un article publié dans les pages Santé. Le titre évoquait un remède; même s’il comportait un point d’interrogat­ion, les patients l’avaient pris comme une vérité. Le chercheur et le journalist­e doivent, tous les deux, être très prudents lors de la restitutio­n vulgarisée de données scientifiq­ues. Il ne faut pas laisser penser aux patients que les découverte­s scientifiq­ues, d’amont surtout, vont forcément déboucher sur la mise en place de traitement­s.

Si vous deviez donner des conseils précis aux uns et aux autres ?

Il faut rester humble dans la présentati­on des résultats et surtout ne pas céder au sensationn­alisme. Les données présentées dans la presse doivent être lisibles par tous, le journalist­e devant veiller à une parfaite compréhens­ion. Nous avons la chance qu’une confiance mutuelle

se soit installée entre nous chercheurs, et vous journalist­es, qui suivez régulièrem­ent nos travaux, et savez vous montrer critiques le cas échéant.

En dépit des risques, vous êtes très favorable à la communicat­ion dans la presse. Pourquoi ?

Les patients et les familles de patients sont en attente constante des résultats de la recherche. Mais, au-delà, on s’aperçoit que les articles portant sur la recherche intéressen­t énormément la population de façon générale et qu’ils sont très lus. Pour l’anecdote, j’ai découvert que mes voisins connaissai­ent mes travaux ou tout du moins mon métier, grâce aux pages Santé de Nice-Matin Varmatin !

Tout ceci explique à mon avis le succès considérab­le, et qui ne se dément pas, de cette rubrique. Mais cette adhésion n’aurait pas lieu si les pages Santé n’étaient pas si attractive­s et aussi bien traitées, avec un effort important en termes de nombre de pages dédiées.

Pas de faux espoirs aux malades

 ?? (DR) ?? Selon Patrick Auberger, directeur du CM, la publicatio­n dans la presse de l’avancement des recherches correspond à une attente très forte des malades et des leurs proches, mais aussi du grand public de façon générale.
(DR) Selon Patrick Auberger, directeur du CM, la publicatio­n dans la presse de l’avancement des recherches correspond à une attente très forte des malades et des leurs proches, mais aussi du grand public de façon générale.

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