Alexandre Faure use de la liberté d’expression
Cet historien spécialiste de Vichy, devenu éditeur et installé à Ramatuelle depuis 1996, préside et anime l’association Le Crayon, lancée après les attentats contre la rédaction de Charlie Hebdo
L’éthique. Elle revient souvent dans le propos de Christian-Alexandre Faure, parce qu’elle le guide tout au long de sa vie. Au lendemain des attentats de janvier 2015, ce Ramatuellois d’adoption a créé l’association Le Crayon (1), dédiée à la défense et à l’illustration de la liberté d’expression. « C’est né d’un choc, se souvient-il. Charlie, l’épicerie casher, c’était un tout. L’élimination de toute une rédaction, l’assassinat d’immenses dessinateurs de presse, c’était intolérable. De tout temps, le rire a gêné les esprits intolérants. Avec Heliane Bernard, ma compagne, avec laquelle j’ai toujours travaillé, on a voulu défendre tout cela. » Le siège social est situé en mairie de Ramatuelle. « C’est symbolique. Mais ce soutien de la commune et de ses élus est important et courageux. » Le Crayon n’est pas arrivé par hasard. Le parcours de ChristianAlexandre Faure en témoigne. La publication de son sujet de thèse Le Projet culturel de Vichy fait grand bruit à sa sortie en 1989. « Mon père était résistant
(2) maquisard, j’ai été engagé très jeune ». Puis, il est recruté par la ville de Lyon pour travailler sur le projet de Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation (CHRD). Déjà une démarche de médiation. Quand le CHRD ouvre, il tourne la page, change de vie en créant avec sa moitié la revue Dada, première revue d’art pour enfants. Ils rejoignent les éditions Mango et lancent diverses collections de poésie, contes, théâtre, romans, livres disques militants, abécédaires, biographies (Mandela, Picasso, Prévert, Che Guevara), à la croisée entre photographie, graphisme, et textes. Ils coéditent aussi avec l’ONU en plusieurs langues la Déclaration universelle des droits de l’homme, pour son 50e anniversaire. « Je me suis toujours intéressé à l’image qui a du sens, elle n’est pas là seulement pour décorer les Geluck, Honoré, Deligne, etc. Et quand les villes dirigées par le parti frontiste ont refusé, comme Cogolin ou Fréjus, elle a été exposée dans des communes voisines. « Défendre la liberté d’expression est essentiel, insiste Alexandre Faure. Elle est menacée à différents titres. Le FN fait des procès aux caricaturistes, aux journaux. Certains ont la trouille. Cela encourage l’autocensure, qui est la pire des censures. » En 2018, l’exposition du Crayon sera consacrée à un autre combat : les droits des femmes. L’association, en quête de fonds pour ce projet, fera appel à des dessinateurs au-delà de nos frontières, « avec deux consignes, précise Alexandre Faure : il n’y a pas que la question du voile, et peu de mots pour une audience internationale la plus large possible ». Les nouvelles générations restent au coeur des préoccupations : « Pour nous c’est important. Chaque année, le Crayon initie un
concours en direction du jeune public, c’est une priorité ». Le thème du prochain s’intitule « Soyez polis ». « C’est le titre d’un poème de Prévert», poursuit-il. L’association développe aussi des ateliers pour eux. «On entend des horreurs chez certains, qui répètent ce qu’ils entendent à la maison. En dehors de cela, ils font de très bonnes analyses», souligne-t-il. En septembre, il était à Marseille « pour leur parler d’Europe et d’éthique, des valeurs communes, de tolérance, d’accueil des réfugiés. Je m’appuyais sur la caricature. » On lui a aussi demandé d’intervenir en prison. Parallèlement, Alexandre Faure travaille sur un roman historique écrit à quatre mains avec Heliane Bernard, sur le monde de l’art et de l’édition.
De tous temps, le rire a gêné les esprits intolérants ”
Pour nous, il est important de transmettre ”
1. www.lecrayon.net. Le Crayon, B.P. 14, 83350 Ramatuelle. Mail : alexandre.faure@lecrayon.net 2. Le projet culturel de Vichy de Christian Faure, Éditions Presses universitaires de Lyon et CNRS (1989).