Var-Matin (Grand Toulon)

Mam’zelle Nitouche : tout le monde la connaît, sans le savoir

Interview Pierre-André Weitz, scénograph­e des spectacles d’Olivier Py, a mis en scène cette opérette d’Hervé. Une création événement à l’opéra de Toulon, qui ouvrira la saison vendredi

- PROPOS RECUEILLIS PAR VALÉRIE PALA

Pierre-André Weitz est l’indissocia­ble scénograph­e des spectacles du bouillant et parfois controvers­é directeur du Festival d’Avignon Olivier Py. Il révolution­ne aujourd’hui l’opéra de Toulon avec une opérette du compositeu­r Hervé en ouverture de saison : Mam’zelle Nitouche (1883). L’opéra est coproducte­ur de cette nouvelle version, dont la première nationale sera donnée vendredi. Une opérette ! Même une « comédie-vaudeville », selon Pierre-André Weitz, ou du «théâtre musical » selon Olivier Py, où le chant mêlé au théâtre n’en est que plus prouesse. Un spectacle qui chante la joie de vivre, mais qui, pour le metteur en scène, s’attaque aussi à des questions de société. Une collaborat­ion différente également entre les deux hommes, dans laquelle Olivier Py est interprète.

Que représente cette oeuvre pour vous ? Pierre-André Weitz : C’est un petit peu comme Carmen. C’est une oeuvre française que tout le monde connaît et que personne ne connaît. On connaît les dictions « Ah quelle sainte Nitouche ! ». Bien sûr, ça vient de là. On connaît Hervé, sans connaître Hervé. « Ni vu, ni connu, je t’embrouille », c’est lui. Il fait partie de notre patrimoine sans qu’on le sache. Je voulais savoir que ce Mam’zelle Nitouche pouvait raconter de notre époque. C’est une histoire absolument magnifique, parce qu’elle parle de la condition de la femme. Elle parle aussi de la vocation. Qu’est-ce qui fait que, d’un seul coup, une jeune fille décide d’être photograph­e, ou d’être journalist­e, ou chanteuse ? Ça parle de la France de , où la solution pour une femme se situe entre le couvent et le mariage, même si elle a droit au divorce et au travail. C’est aussi quelque chose qui entre en résonance actuelleme­nt : la liberté.

Hervé a été éclipsé par Offenbach. Pour vous, il est le véritable créateur de l’opérette... P. A. W. : Tout à fait.

On a l’impression vous cherchez à rétablir une vérité historique. Il y a un peu de militantis­me dans cela ? P. A. W. : Il y a une vérité chez Hervé : c’est un hommeorche­stre, c’est un feu d’artifice, il va dans tous les sens. C’est quelqu’un de très joyeux et c’est un comique très très français. D’ailleurs, quand nous avons joué Les Chevaliers de la table ronde à Venise, le directeur l’Opéra de Venise nous a dit : je comprends enfin le style français ! Et pour moi, c’était quelque chose de très fort. Tout le monde m’a dit “vous devriez monter Mam’zelle Nitouche, afin qu’on puisse le redécouvri­r, et d’une autre façon”. Hervé parle d’une chose très importante dans notre société : il y a l’être et le paraître. Il gagne sa vie comme organiste à SaintEusta­che, mais la nuit, il est travesti et il compose des oeuvres légères, qu’il va lui-même appeler des opérettes. C’est aussi pour dire qu’on a tous un habit, qui ne correspond pas forcément à qui on est de façon intime. On est aussi dans des mondes très cloisonnés, hommes et femmes (le premier acte se passe dans un couvent, le troisième dans une caserne militaire). Et j’ai voulu un peu montrer ça et dire aussi que genre est bien différent qu’une apparence. Olivier Py ajoutera plus tard : C’est peut-être chez Hervé, l’oeuvre la plus profonde, parce qu’il parle beaucoup de lui, de la façon dont il a été assassiné par la société bourgeoise, parce qu’il était trop fou. Il est intéressan­t parce qu’il est marginal.

Comment retrouve-t-on cela dans la mise en scène ? P. A. W. : C’est du théâtre. Donc il y a des costumes de théâtre, il y a

Comment avez-vous travaillé la scénograph­ie ? Vous avez déjà joué sur les duos de couleurs par le passé... P. A. W. : J’ai travaillé la scénograph­ie avec des clichés français : le blanc pour le couvent, le rouge pour le théâtre et le bleu pour l’armée française. J’ai décliné aussi ces couleurs à travers les costumes. Et puis je voulais raconter la coursepour­suite d’une journée exactement comme avec Le chapeau de paille d’Italie de Labiche. Donc pour ça, j’ai fait un manège qui permet de changer de décor à toute vitesse, comme si c’était une course-poursuite. Donc la scénograph­ie est ellemême dramaturgi­que, c’est-àdire que le décor, même s’il est réaliste ne représente pas forcément les lieux, mais ce que les gens pensent au moment où il change. Lorsque Denise de Flavigny chante dans le couvent, d’un coup, il se transforme en théâtre...

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Hélène Dos Santos) Olivier Py interprète trois rôles dans la comédie-vaudeville de son complice.(Photo

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