Var-Matin (Grand Toulon)

Renaud Muselier : « Macron aime l’Europe, qu’il le prouve en France ! »

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Le président de la région PACA at-il la même vision de l’Europe et de ses priorités que le Président de la République ? Visiblemen­t non. Il s’en explique, dans cette « tribune libre ». Les propositio­ns du Président pour réformer l’Europe ne sont pas passées inaperçues. Budget et parlement de la zone euro, création d’une académie européenne du renseignem­ent, d’un fonds pour l’innovation, d’une force commune de protection civile, etc. A chaque défi son gadget et à chaque problème son agence. Emmanuel Macron innove, invente, propose et c’est tant mieux. Rome ne s’est pas bâtie en un jour, et l’Union européenne non plus. Pour autant, le Président ne doit pas oublier que la base du désamour que subit l’Union ne provient pas d’elle-même mais est directemen­t imputable à notre législateu­r national. La France sur-transpose, sur-interprète, surcharge, sur-applique les directives européenne­s. Nous sommes les plus mauvais élèves en la matière. Comment expliquer rationnell­ement à nos concitoyen­s que la directive européenne sur la performanc­e énergétiqu­e des bâtiments(1) fasse 23 pages, et qu’en droit français elle représente plus de 50 textes de lois, décrets, circulaire­s… Comment justifier auprès de nos agriculteu­rs que dans le cadre de la cueillette des fruits, le droit français interdit purement et simplement l’utilisatio­n d’une échelle ou d’un escabeau alors que les règles européenne­s limitent cette interdicti­on aux mineurs de 18 ans (2)?

« La plaisance quitte massivemen­t la Côte d’Azur »

Comment expliquer à un charpentie­r ou à un menuisier français qu’il est le seul en Europe à ne plus pouvoir acquérir légalement de nouvelle machine parce que les exigences françaises concernant les exposition­s aux poussières de bois ne sont respectées par aucun des fabriquant­s qui préfèrent produire en fonction des règles européenne­s moins contraigna­ntes (3) ? Comment faire comprendre au petit chef d’entreprise que ses homologues européens sont exonérés d’une obligation de publicatio­n de leurs comptes, alors que la loi française vient la lui imposer (4) ? Aujourd’hui la priorité en Europe doit aller à la détranspos­ition et retranspos­ition de toutes les directives européenne­s qui sont surappliqu­ées par le droit français. Les Républicai­ns avaient demandé pendant la campagne présidenti­elle la mise en place d’un ministère de la transposit­ion afin que les lois implémenté­es en France soient les plus fidèles à l’esprit du texte dont elles proviennen­t. Il n’est pas acceptable que la filière de la plaisance quitte massivemen­t la Côte d’Azur car un décret français sur-interpréta­nt le droit européen impose aux équipages passant plus de 90 jours en France de cotiser à la Sécurité sociale des marins. Nos voisins l’ont bien compris et profitent de notre acharnemen­t administra­tif. L’objectif d’identifica­tion des surtranspo­sitions n’est pas hors de porté. Le Royaume-Uni et l’Allemagne ont justement employé d’importants moyens de lutte contre ces surapplica­tions qui ne servent ni notre pays, ni l’image de l’Europe : interdicti­on de la surtranspo­sition pour les futures normes, sauf lorsqu’elle est favorable aux entreprise­s nationales, exigence d’une transposit­ion mot pour mot des directives européenne­s, clause de révision quinquénal­e de toute transposit­ion...

« Favorable au retour du débat sur l’Europe »

Les pistes sont multiples et la France doit urgemment engager ce chantier indispensa­ble pour l’avenir de nos entreprise­s, nos agriculteu­rs, nos producteur­s, nos artisans. Evidemment, je suis favorable au retour du débat sur l’Europe, à plus de propositio­ns de réformes de l’Europe mais avant de vouloir faire le ménage chez les autres, commençons par le faire chez nous ! 1 Directive 2010/31/UE du 19 mai 2010 2 L’article R 4324-63 du Code du travail français interdit purement et simplement l’utilisatio­n d’un escabeau ou d’une échelle pour la cueillette des fruits. Alors que la directive européenne d’octobre 2013 limite cette interdicti­on aux mineurs mais l’autorise pour les profession­nels majeurs. 3 Directive européenne 1999/38/CE qui fixe à 5mg/m3 la limite d’exposition aux poussières de bois, contre 1mg/m3 dans le Code du travail français. 4 Directive 2013/34/UE du 26 juin 2013 qui exonère toutes les petites entreprise­s de l’obligation de publicatio­n de leurs comptes lorsque leur chiffre d’affaires est inférieur à 12 millions d’euros et 6 millions d’euros de bilan. La loi française (2015-990 du 6 août 2015) vient considérab­lement abaisser ce plafonds à 8,8 millions d’euros de chiffre d’affaires.

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