Var-Matin (Grand Toulon)

Labadze: «Le rugby, c’est ma vie»

- Textes : Fanny ROCA froca@nicematin.fr Photo: Patrick BLANCHARD

Il nous a accueillis avec le franc sourire qui le caractéris­e. La poignée de main ferme. À l’entrée du stade Léo-Lagrange, dont il est le gardien pour TPM depuis trois ans. Gregori Labadze, « Gia » pour quasiment tout le monde, est aussi, depuis quelques semaines, le nouvel entraîneur des avants du Rugby club HyèresCarq­ueiranne-La Crau. L’ancien troisième ligne du RCT, dont le départ en , comme celui de son ami et désormais « collègue » Martin Jagr, avait ému le peuple de Besagne, est donc passé de l’autre côté de la barrière. Il est surtout de retour dans son monde. Celui du rugby. Celui qu’il aime profondéme­nt, qui l’a construit, depuis son enfance à Tbilissi, en Géorgie, jusqu’à son éclosion en Top , avec Toulon, dans les années . Aujourd’hui, Gia est un père de trois enfants. Très « famille ». Avec, aussi, un paquet de rêves dans la tête. Avant le derby entre le RCHCC et La Seyne, où il a achevé sa carrière de joueur, il a accepté de regarder dans le rétroviseu­r. D’évoquer l’avenir, aussi. En toute simplicité, toujours.

Greg (Le Corvec) m’a proposé. Leur entraîneur précédent (Patrick Pézery) partait. Quelque part, j’en avais envie, moi aussi. Et ça s’est présenté au bon moment. On se connaissai­t un peu du rugby, mais on s’est surtout découvert au travail. Plus ça allait, plus on se fréquentai­t. On a un peu la même vision, le même état d’esprit, pour le rugby et pour le reste. En plus, Martin Jagr est un très bon ami. Depuis longtemps. Voilà, on s’est réuni. Je ne m’y attendais pas, et ça m’a fait du bien.

C’est votre première expérience en tant qu’entraîneur ? En senior, oui. J’ai entraîné des jeunes, les Reichel et des U, à Toulon. Mais j’ai toujours voulu m’occuper de rugby auprès de seniors. Ça me correspond mieux.

Comment ça se passe ? En fait, j’ai trouvé mon deuxième souffle. Après la carrière de joueur, ce n’est pas toujours évident de passer à autre chose. Entraîner un club profession­nel, Mon très c’est quelque

Cette adrénaline bon ami chose qui Philip vous plairait ?

me manquait” Fitzgerald Bien sûr. a marqué Actuelleme­nt dans sa thèse : « il y a comme ce n’est pas possible, parce que une petite mort après le rugby ». les enfants sont petits et que C’est ce qui s’est passé pour moi. j’ai un travail qui ne me permet Et là, je suis en train de revivre pas de ne faire que du rugby. une expérience que je voulais Mais d’ici deux-trois ans, je verrai vraiment vivre. si c’est jouable. Dans la vie, il y a tellement de surprises... Je laisse les choses se passer, je prends le temps. La collaborat­ion avec Greg et Martin se passe bien ? Très bien ! En plus, on a un très bon préparateu­r physique, Anthony. Et «Brique» Dasalmarti­ni nous a aussi rejoints pour les mêlées (en provenance du RCT). On s’entend très bien. C’est très classe, très chouette. On est tous exigeants, mais on veut surtout tous aller dans la même direction, et être épanouis avec le groupe.

Est-ce que vous ressentez une pression supplément­aire ? Il y a une pression, bien sûr. Mais moi, je prends plus du plaisir. Je pense qu’on avance mieux avec le plaisir qu’avec la pression.

Comment jugez-vous ce début de saison ? On pouvait faire pire, on pouvait faire mieux aussi. On va travailler, essayer d’accrocher tous les matches, de progresser. Le rugby, ce n’est pas un sport parfait. De temps en temps, on perdra.

Quelles sont vos ambitions ? On s’est fixé un objectif : déjà, se maintenir, et si on peut faire mieux, pourquoi pas. Et moi, personnell­ement, j’ai mes propres objectifs pour un peu plus tard. Je voudrais avancer petit à petit dans le rôle d’entraîneur... Je suis dans la bonne direction. Je sais que je ne connais pas tout, mais je suis bien entouré. J’apprends tous les jours. Je suis plus âgé, mais Greg a plus d’expérience, Martin a plus d’expérience. Et Brique aussi. Tous les jours, quand je vois ces mecs, mes amis. J’apprends d’eux. Je n’ai pas honte. C’est un plaisir.

Quand avez-vous commencé à jouer au rugby ? J’ai démarré en Géorgie, à l’âge de - ans. À Tbilissi. Au club du Lelo Saracens. Ça devient un des bons clubs de Géorgie. Mamuka Gorgodze vient de là-bas, lui aussi. Après, j’ai joué six ans en Russie. Et je suis arrivé en France en . C’était à Chambéry, en Fédérale .

Puis vous avez terminé votre carrière dans la région... J’ai fait une saison à Marseille, d’abord. Et je suis retourné à La Seyne. J’y ai retrouvé des collègues, des amis, comme Martial Cottin et Manu Prospero. Et d’autres. J’ai arrêté là-bas, en . C’était une belle façon de terminer ma carrière de joueur. Si je n’avais pas eu le rugby...”

Et vous avez débarqué à Toulon... Oui. En . C’est Claude Saurel, notre entraîneur national de Géorgie, qui nous a fait venir en France. Il avait un peu des relations dans le rugby. C’est aussi lui qui m’a fait venir à Toulon. C’était l’époque de Manu Diaz, Michel Bonnus, Eric Dasalmarti­ni, Eric Melville... Je suis arrivé à un très bon moment (grand sourire). C’était la fin d’une époque. Les anciens partaient, mais revenaient tous dans le staff. Je suis resté jusqu’en . C’est beaucoup de très bons souvenirs, notamment avec mon ami Martin Jagr.

C’est frustrant d’être de l’autre côté de la barrière? Non. Cette adrénaline me manquait beaucoup. Je suis super content d’être à ma place. Mais en regardant le match de l’extérieur, je comprends maintenant pourquoi les entraîneur­s râlaient dans les vestiaires (rires). Quand on joue, on est tendu avant le match, mais dès qu’on est sur la pelouse, c’est fini. Là, on est sous tension avant, pendant, après ! Tu ne te relâches jamais. Je rentre à la maison, je m’effondre dans le canapé. Je n’ai pas joué, mais je suis crevé (rires). J’aime profondéme­nt l’humain”

Que représente le rugby, pour vous? (Il réfléchit) Le rugby, pour moi, ça représente la vie. À un moment donné, je disais que le rugby m’avait fait du mal. C’est faux. Quand j’étais enfant, si je n’avais pas eu le rugby, peut-être que je serais resté dans la cité, en Géorgie, à faire n’importe quoi. En Russie, c’est le rugby qui m’a permis de rencontrer des personnes extraordin­aires. En France, à Chambéry, à Toulon, c’est le rugby qui m’a aidé à faire des rencontres, à trouver des amis, et même mon travail. Et là, c’est encore le rugby, et les gens que j’ai connus grâce à lui, qui me relance. Le rugby, c’est ma vie.

Vous jouissez partout d’un gros capital sympathie. Vous le ressentez ? (Il sourit, presque gêné.) Je suis quelqu’un de positif. Je me dis qu’il y a une solution à tout. Je n’aime pas voir des gens malheureux. Et j’aime profondéme­nt l’humain. Ce qu’il y a à l’intérieur. Je ne peux pas faire de mal à quelqu’un gratuiteme­nt. Et en général, les gens, autour de moi, sont gentils. C’est peutêtre pour ça.

Cette région, c’est chez vous, désormais ? Les enfants sont nés ici (il en a trois, de ,  et  ans). La langue, les amis, les études, le sport... On est attaché à cette région. Ça nous plaît beaucoup d’être ici. Après, si je veux aller un peu plus haut, il faudra sûrement bouger. Je suis prêt. Mais pas tout de suite. Je ne suis pas pressé.

Vous retournez en Géorgie ? Les enfants y vont tous les ans. Quand j’ai l’opportunit­é, j’y vais aussi. Avant je partais souvent, comme je jouais en équipe nationale. Ça fait deux ans que je n’y suis pas retourné, mais je compte y aller bientôt. Peut-être à Noël.

Ça vous manque, parfois ? Ça m’a manqué. Mais je pense que j’ai dépassé cette nostalgie que j’avais il y a quelques années en arrière. J’y pense beaucoup. Mais je n’ai plus ce manque, aujourd’hui. Vous savez, je suis parti de Géorgie quand j’avais - ans. J’en ai . J’ai passé plus de la moitié de ma vie ailleurs.

Comment appréhende­z-vous le derby, dimanche à La Seyne ? Pour moi, tous les matches sont pareils. Je n’ai jamais donné une importance particuliè­re à un derby. Je vais juste retrouver les copains de La Seyne (rires). Et le meilleur gagnera.

Y a-t-il un match qui vous a particuliè­rement marqué, dans votre carrière ? Peut-être le premier match de coupe du monde, en , en Australie. C’était contre l’Angleterre, qui allait devenir championne du monde. J’ai joué les  minutes. Wilkinson était en face. Pour moi, on a pris la meilleure équipe du monde. C’était un grand moment.

Newspapers in French

Newspapers from France