Eyraud doit fendre l’armure
Définitivement baptisé par sa première crise, Jacques-Henri Eyraud, président de l’OM depuis un an, apprend vite même s’il est encore un peu coincé par des réflexes du monde de l’entreprise
Structuration, formation, qualification (pour l’Europa League). « JHE », en charge depuis le 17 octobre 2016, avait commencé par un sans-faute. Mais le sourire du président en baskets, fan de rap et des Clash, s’est un peu crispé au fil du temps. « Quand il est arrivé il était souriant et décontracté, maintenant qu’il est entré dans le dur, il est plus sur la défensive », confie un salarié de l’OM. Par exemple lors de la présentation aux salariés d’un logiciel, l’homme d’affaires est revenu sur la tempête traversée lors des deux défaites contre Monaco (6-1) et Rennes (3-1) en expliquant à ses équipes qu’il ne fallait « pas être traumatisé par ça ».
« Je suis impatient »
« Mais on a l’impression qu’il le disait surtout pour lui-même, pour conjurer, glisse le salarié, parce que ceux qui travaillent ici depuis plus de dix ans ont déjà vécu bien des fois ces soubresauts. » Le président choisi par le propriétaire Frank McCourt apprend à s’extravertir un peu, pour coller à ce rôle en pleine lumière, mais il a gardé de ses fonctions précédentes un solide sang-froid. « Il faut tout faire pour gérer ce club dont on dit qu’il rend fou, comme une entreprise comme une autre », expliquait-il en juillet. « Évidemment le foot a ses spécificités, je les rencontre tous les jours, mais c’est aussi en se disant souvent que le foot n’est pas une activité économique comme une autre qu’on commence à faire des erreurs et dévier de sa trajectoire », poursuivait-il. Lui suit la sienne comme un fondeur kenyan. « Je veux aller vite, je suis impatient », répète-t-il souvent à ses interlocuteurs à Marseille. « Mais il a ouvert trop de chantiers en même temps, juge un de ses collaborateurs. Le stade, le centre de formation, le marketing, le sportif... » Il a avancé sur beaucoup d’entre eux. Un accord devrait être trouvé pour intégrer l’OM à la gestion du stade Vélodrome, le club va acheter les terrains du Cesne, à Marseille Sud, pour son centre de formation, et les partenariats publicitaires se développent. Eyraud a aussi bien avancé la restructuration en interne d’un club parfois byzantin et fourmille d’idées sur la politique numérique et les fans connectés. Il parle souvent de « l’OM de dans dix ans » pour expliquer qu’il ne faut pas seulement penser au résultat du prochain match.
Le fameux « off »
Il arrive aussi à Eyraud de brusquer un peu les choses. Sa façon de brûler la politesse à Arema en annonçant un accord OM-mairie incluant la gestion du Vélodrome. Bruno Botella, patron de cette entreprise gestionnaire du stade, en aeu« les poils »qui« se sont hérissés », comme il l’a confié à RMC Sport. Comme patron, il n’est pas toujours tendre. Selon un ancien collaborateur du temps de Sporever, JHE « peut être arrogant et cassant dans les relations au travail, et aussi de mauvaise foi. Il lui est arrivé par exemple de promettre une augmentation à un bon élément le lundi et de soutenir le mardi qu’il ne l’avait jamais fait. » Avec les journalistes, il peut céder à un ton un peu professoral pour contester un article, en privé, ou déprécier une question en conférence de presse. Mais Eyraud n’est pas borné, il a changé d’approche et il lui arrive désormais de pratiquer le fameux « off » dont les médias sont friands.
Tisane et CAC
« Il n’est pas d’une nature arrogante, assure un salarié de l’OM. Si cela lui arrive, c’est plus par manque de confiance, comme l’histoire de la tisane où il a voulu un peu maladroitement couper l’herbe sous le pied de ses détracteurs. » JHE conseillait aux impatients du mercato d’en boire un peu, un trait d’humour qui s’est retourné contre lui. « Mais vis-à-vis des salariés on ne sent pas d’arrogance. Par exemple, pour annoncer le plan de 25 départs volontaires, plusieurs personnes concernées m’ont assuré qu’il avait fait preuve de la hauteur nécessaire pendant l’entretien. » De la hauteur, JHE en aura besoin pour diriger, comme il le dit luimême, « une PME avec la caisse de résonance d’une entreprise du CAC40 ».