Var-Matin (Grand Toulon)

Les urgentiste­s lancent l’alerte

Un rapport du Sénat sur la situation des urgences dénonce des services proches du point de rupture. Une situation que connaissen­t bien les personnels du centre hospitalie­r Toulon – La Seyne

- K. M. kmichel@nicematin.fr

Prise en charge longue, patients renvoyés vers d’autres établissem­ents... Face à un service saturé, les médecins réclament des mesures d’urgence. L’arrivée des premières épidémies saisonnièr­es inquiète.

« De l’avis de nombreux profession­nels, si les services d’urgences ont fait preuve d’une résilience forte au cours des dernières années, face à l’accroissem­ent des défis, ils seraient proches du point de rupture » : le propos est des sénateurs Laurence Cohen, Catherine Genisson et René-Paul Savary. Dans leur rapport d’informatio­n sur les urgences hospitaliè­res – fait au nom de la commission des affaires sociales du Sénat – ils décrivent les urgences comme le miroir des dysfonctio­nnements de notre système de santé . Une situation dont témoigne l’ancien chef de service des urgences du centre hospitalie­r intercommu­nal Toulon-La Seyne. Comme l’an dernier à la même époque, le docteur Vincent Carret alerte les pouvoirs publics sur des « urgences en tension » alors même que les pics épidémique­s ne sont pas d’actualité. L’an dernier, l’Agence régionale de Santé (ARS) avait avancé un manque d’anticipati­on en termes de politique hospitaliè­re. Un argument qui ne convainc pas le docteur Carret, par ailleurs représenta­nt départemen­tal de l’Associatio­n des médecins urgentiste­s de France (AMUF) : « Depuis le mois d’octobre, nous avions alerté la direction du centre hospitalie­r pour dénoncer la saturation des urgences, alors que l’épidémie de grippe n’était pas encore là ! » Aucune réponse n’a alors été donnée aux personnels. Résultat : deux mois plus tard, la machine se grippe… « L’épidémie de grippe touche les personnels des urgences. Le 23 décembre, on cherche à faire appel à l’intérim qui ne répond pas. » Un comble pour le

« On est censés être organisés pour les plans attentats et terrorisme et on n’est pas foutus de gérer une épidémie de grippe” Vincent Carret, urgentiste

médecin urgentiste : « On est en état d’urgence, on est censés être organisés pour les plans attentat et terrorisme et on n’est pas foutus de gérer une épidémie de grippe connue d’année en année. »

Quid des lits de réa’ en fin d’année ?

Cette année encore, l’ancien chef de service a dès ce mois d’octobre, saisi la direction du centre hospitalie­r, mais aussi le président du conseil de l’ordre des médecins, ainsi que le préfet du Var, sur les difficulté­s d’un hôpital sous tension… Alors même que les personnels ne font face à aucune épidémie ni situation exceptionn­elle. «Que se passera-t-il dans deux mois ? » interroge le docteur Carret. La situation des urgences du Centre hospitalie­r Toulon-La Seyne n’est, bien entendu, pas un cas isolé. Grâce à l’AMUF – qui tenait mercredi 18 octobre une conférence de presse pour alerter, justement, les pouvoirs publics – « on sait que plusieurs régions de France sont en crise. 30 % des postes de médecins urgentiste­s en France ne sont pas pourvus », selon le docteur Carret. À tel point que certains « mercenaire­s » de la médecine d’urgence sont payés jusqu’à 3 000 euros par garde, faute pour les hôpitaux, de trouver des personnels. En dehors du « pilotage à distance » de l’Agence régionale d’hospitalis­ation, dans le cas d’un « hôpital sous tension », pilotage pour lequel l’ancien chef de service émet les plus grandes réserves, le docteur Carret alerte également sur l’orientatio­n des personnes âgées aux urgences dont « abusent » certains EHPAD : « C’est un point d’ailleurs clairement identifié dans le rapport du sénat. L’hôpital ne pourra pas répondre à toutes les demandes. Seuls les cas qui répondent à des critères de gravité explicitem­ent évalués par des médecins pourront être pris en charge. » Reste une grande inconnue à l’approche des pics épidémique­s de l’hiver : le manque de lits de réanimatio­n dans le Var et sur Toulon. « Le 31 décembre dernier, j’annonçais au préfet du Var que l’on transférai­t des patients en réa sur Nice et sur Montpellie­r ».

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 ?? (Photo doc. F. M.) ?? Un « bouchon » de brancards à l’hôpital Saite-Musse. En début d’année, en raison de l’épidémie de grippe, des patients avaient été installés dans les couloirs. Les syndicats redoutent qu’une telle situation se reproduise cet hiver.
(Photo doc. F. M.) Un « bouchon » de brancards à l’hôpital Saite-Musse. En début d’année, en raison de l’épidémie de grippe, des patients avaient été installés dans les couloirs. Les syndicats redoutent qu’une telle situation se reproduise cet hiver.

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