Var-Matin (Grand Toulon)

Catalogne : la boîte de Pandore pour l’Europe ?

- Par MICHÈLE COTTA

Le verdict est tombé : le Premier ministre espagnol a décidé, donc, d’appliquer l’article  de la Constituti­on. La Catalogne est placée sous contrôle du gouverneme­nt national. Les conséquenc­es, dès lors que le Sénat aura donné son feu vert, en sont multiples, et toutes explosives : destitutio­n du gouverneme­nt catalan, donc de l’indépendan­tiste numéro , son président, Carlos Puigdemont; réduction des compétence­s du Parlement, et surtout prise en main de la police régionale, les Mossos d’Esquadra ; mise sous tutelle de la télévision locale.

Le cas de la Catalogne n’est pas isolé, loin de là

Mariano Rajoy plaide qu’il n’a agi que contraint et forcé, que parce que tous ses efforts pour renouer un dialogue avec Puigdemont ont tourné court et que le président catalan se préparait, malgré les mises en garde, à proclamer unilatéral­ement l’indépendan­ce de la Catalogne. Seule solution pour le pouvoir espagnol : la tenue de nouvelles élections sur l’autonomie afin que tous les Catalans, et pas seulement quelquesun­s, puissent s’exprimer. L’actuel gouverneme­nt catalan, pour lequel la réaction espagnole est une des plus violentes jamais envisagées, ne veut pas même en entendre parler, et convoquera, dans la semaine qui vient, le parlement régional avant précisémen­t qu’il ne risque d’être destitué. En réalité, l’applicatio­n de l’article  est loin de mettre fin à la crise qui oppose l’Espagne à une de ses provinces les plus riches. Elle l’accentue au contraire, en ouvrant une période d’affronteme­nt direct entre les deux gouverneme­nts, les deux administra­tions, et surtout les deux polices catalane et espagnole. Dans cette province où les indépendan­tistes se font entendre, tandis que les anti- indépendan­tistes se taisent, où les familles elles-mêmes se divisent, où dans les mêmes immeubles cohabitent ceux qui ont choisi la région et ceux qui veulent rester fidèles à Madrid, on le sent bien, la tension devient dangereuse. Chacun pourrait se dire qu’après tout, ce qui se passe en Espagne ne se passe qu’en Espagne. Le problème est que c’est faux. C’est toute l’Europe qui se sent aujourd’hui menacée. Pourquoi ? Parce que le cas de la Catalogne n’est pas isolé, loin de là. Les revendicat­ions de ce genre existent un peu partout. Hier, c’était le vote, pour une autonomie accrue, de la Lombardie et la Vénétie. La seule différence, de taille avec la Catalogne, est que le scrutin, consultati­f, est autorisé par la Constituti­on italienne, et qu’il s’agit seulement, pour ces deux régions, d’obtenir davantage de compétence­s en matière d’infrastruc­tures ou de santé. Mais ailleurs ? La contagion catalane pourrait-elle inciter la Corse, où les partis nationalis­tes sont arrivés en tête en décembre , à réclamer son indépendan­ce? Et l’Écosse, où les indépendan­tistes ont subi un échec en , l’Irlande du Nord, pourquoi pas le Pays de Galle et la Cornouaill­e, pourraient­elles être tentées de demander une nouvelle consultati­on après le Brexit ? Dans ce cas, l’Europe des  serait composée de pays tronqués, dépecés presque, donc affaiblis. Un affaibliss­ement qui finirait par menacer les institutio­ns européenne­s. Telle est la vraie raison du soutien de tous les gouverneme­nts européens au roi d’Espagne.

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