Catalogne : la boîte de Pandore pour l’Europe ?
Le verdict est tombé : le Premier ministre espagnol a décidé, donc, d’appliquer l’article de la Constitution. La Catalogne est placée sous contrôle du gouvernement national. Les conséquences, dès lors que le Sénat aura donné son feu vert, en sont multiples, et toutes explosives : destitution du gouvernement catalan, donc de l’indépendantiste numéro , son président, Carlos Puigdemont; réduction des compétences du Parlement, et surtout prise en main de la police régionale, les Mossos d’Esquadra ; mise sous tutelle de la télévision locale.
Le cas de la Catalogne n’est pas isolé, loin de là
Mariano Rajoy plaide qu’il n’a agi que contraint et forcé, que parce que tous ses efforts pour renouer un dialogue avec Puigdemont ont tourné court et que le président catalan se préparait, malgré les mises en garde, à proclamer unilatéralement l’indépendance de la Catalogne. Seule solution pour le pouvoir espagnol : la tenue de nouvelles élections sur l’autonomie afin que tous les Catalans, et pas seulement quelquesuns, puissent s’exprimer. L’actuel gouvernement catalan, pour lequel la réaction espagnole est une des plus violentes jamais envisagées, ne veut pas même en entendre parler, et convoquera, dans la semaine qui vient, le parlement régional avant précisément qu’il ne risque d’être destitué. En réalité, l’application de l’article est loin de mettre fin à la crise qui oppose l’Espagne à une de ses provinces les plus riches. Elle l’accentue au contraire, en ouvrant une période d’affrontement direct entre les deux gouvernements, les deux administrations, et surtout les deux polices catalane et espagnole. Dans cette province où les indépendantistes se font entendre, tandis que les anti- indépendantistes se taisent, où les familles elles-mêmes se divisent, où dans les mêmes immeubles cohabitent ceux qui ont choisi la région et ceux qui veulent rester fidèles à Madrid, on le sent bien, la tension devient dangereuse. Chacun pourrait se dire qu’après tout, ce qui se passe en Espagne ne se passe qu’en Espagne. Le problème est que c’est faux. C’est toute l’Europe qui se sent aujourd’hui menacée. Pourquoi ? Parce que le cas de la Catalogne n’est pas isolé, loin de là. Les revendications de ce genre existent un peu partout. Hier, c’était le vote, pour une autonomie accrue, de la Lombardie et la Vénétie. La seule différence, de taille avec la Catalogne, est que le scrutin, consultatif, est autorisé par la Constitution italienne, et qu’il s’agit seulement, pour ces deux régions, d’obtenir davantage de compétences en matière d’infrastructures ou de santé. Mais ailleurs ? La contagion catalane pourrait-elle inciter la Corse, où les partis nationalistes sont arrivés en tête en décembre , à réclamer son indépendance? Et l’Écosse, où les indépendantistes ont subi un échec en , l’Irlande du Nord, pourquoi pas le Pays de Galle et la Cornouaille, pourraientelles être tentées de demander une nouvelle consultation après le Brexit ? Dans ce cas, l’Europe des serait composée de pays tronqués, dépecés presque, donc affaiblis. Un affaiblissement qui finirait par menacer les institutions européennes. Telle est la vraie raison du soutien de tous les gouvernements européens au roi d’Espagne.