Var-Matin (Grand Toulon)

Procès Merah : le portrait d’une «famille effrayante »

Suite à partir d’aujourd’hui à Paris du procès du frère de Mohammed Merah, auteur de l’attentat de Toulouse et de Montauban. Ce matin, reprise de l’audition d’Abdelkader sur son engagement religieux

- STÉPHANIE GASIGLIA sgasiglia@nicematin.fr

Philippe Soussi est, vendredi, sorti un moment de l’audience. « C’était insupporta­ble », suffoque l’avocat niçois de Bryan, cet Antibois, aujourd’hui âgé de 20 ans, rescapé de la tuerie de l’école juive de Toulouse, le 19 mars 2012. « Insupporta­ble... » Abdelkader Merah, accusé de complicité dans les sept crimes de son frère, a témoigné sur son engagement religieux. Un point capital. « La question n’est pas celle de la pratique religieuse elle-même, mais de déterminer si ça l’a conduit à des actions violentes au nom de cette idéologie. Souhaite-t-il la faire triompher par le terrorisme ? », explicite Me Soussi.

« Il nous l’a joué peace and love »

Abdelkader Merah, toujours impassible, toujours sous contrôle, n’aura que cette réponse. Inlassable­ment : «Jene suis pas salafiste, je suis un musulman orthodoxe. Je suis un non violent ». «C’est de l’indécence», s’emporte Me Soussi. Qui enchaîne : « On ne lui reproche pas d’être salafiste. Lui dit qu’il ne l’est pas. Pour autant, il cite les 6 piliers de l’islam et non les 5. Seuls les salafistes révolution­naires en citent 6. Et le salafisme révolution­naire, c’est l’action armée. Le 6e pilier, c’est le djihad ». Philippe Soussi, agacé, rapporte les propos du frère Merah. « Il a beau maintenant dire à la barre que pour lui le djihad est intérieur, il faut se souvenir que devant le juge d’instructio­n il avait déclaré froidement: “Le djihad est la meilleure des oeuvres de l’islam. Celui qui meurt en martyr ne passe pas l’épreuve de la tombe, son âme se présente directemen­t sous le trône d’Allah ». « Il nous l’a joué peace and love. On aurait dit Martin Luther King à l’audience. Le niveau de délire a atteint des sommets. Ça a un côté affolant. Il débite son truc sans broncher », lâche-t-il, satisfait toutefois. Car, enfin, « vendredi, on est rentré sur les qualificat­ions pénales ! Et tout son système de défense s’effondre ».

Squarcini : « Armé tête et bras par son frère »

Et puis il y a eu Bernard Squarcini, directeur de la DCRI (direction centrale du renseignem­ent intérieur) en 2012. Soussi poursuit : « Squarcini est revenu sur sa sortie : le loup solitaire. Il a expliqué que pour lui, c’était clairement un terme opérationn­el, qui ensuite avait été déformé. Mais il a martelé à l’audience : Mohammed Merah a été armé bras et tête par son frère». C’est clair : « C’est bien Abdelkader qui l’a inspiré. C’est la tête pensante. Le guide spirituel ». Et puis il y a eu l’audition de la mère des deux frères Merah. Dérangeant­e. « Elle ment. Elle dissimule. Alors qu’elle sait, elle porte en elle une grande partie de la vérité. Son audition a été un grand moment de duplicité et de mensonge », souffle, incommodé, Philippe Soussi. Zoulikha Aziri, une mère qui défend son fils accusé. Vaille que vaille. Mais qui se contredit. Qui tient des propos trop souvent invraisemb­lables. « Tout ça dessine une famille entièremen­t tournée vers le salafisme révolution­naire, deux frères élevés dans la haine viscérale de la France, de l’Occident, des juifs. Le portrait d’une famille effrayante», conclut l’avocat niçois. Aujourd’hui, le procès reprend. Avec la suite de l’audition d’Abdelkader sur son rapport à la religion. Place, ensuite, aux psychologu­es et aux psychiatre­s qui ont rencontré l’accusé. Le procès va se poursuivre devant la cour d’assises spéciales de Paris jusqu’au 3 novembre.

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