Var-Matin (Grand Toulon)

Ces chercheurs ont détecté les ondes gravitatio­nnelles

Virgo, l’instrument dont le laser a été mis au point à l’Observatoi­re de la Côte d’Azur à Nice, a observé des tremblemen­ts de l’espace issus de la fusion de deux étoiles à neutrons. Un événement mondial

- SOPHIE CASALS scasals@nicematin.fr

Il n’est pas près d’oublier le 17 août 2017. Ce jour-là, les instrument­s Virgo et LIGO ont détecté depuis la Terre des ondes gravitatio­nnelles émises lors de la fusion de deux étoiles à neutrons. À 120 millions d’années lumière. « C’est sans doute l’événement le plus important de l’histoire de l’astrophysi­que », pose Nelson Christense­n depuis son bureau surplomban­t la baie des Anges. Le directeur du laboratoir­e Artémis affiche sur l’écran de son ordinateur un graphique qui montre la mesure de ces déformatio­ns de l’espace-temps prédites par Einstein. «Il m’a fallu 24 heures pour me dire que c’était bien réel. » Et deux mois après cette journée historique, l’effervesce­nce n’est pas retombée, tant les analyses de ces observatio­ns ouvrent de nouvelles percées dans la connaissan­ce de l’Univers. Ces résultats sont l’aboutissem­ent d’un travail de longue haleine mené par les scientifiq­ues de l’Observatoi­re de la Côte d’Azur à Nice. Au sein du laboratoir­e Artémis, ils ont mis au point le laser de Virgo, l’instrument le plus précis au monde situé dans la campagne de Pise.

Des signaux extrêmemen­t faibles détectés

De l’autre côté de l’Atlantique, les États-Unis construise­nt aussi 2 interférom­ètres LIGO dont les lasers et l’optique reposent sur les travaux niçois. En 2015, LIGO mesure un signal et met le monde astronomiq­ue en émoi. Pour la première fois, sont détectées sur Terre des ondes gravitatio­nnelles. « Un siècle après la théorie de la relativité générale d’Einstein, c’est une grande découverte. Ces ondes ont un signal si faible qu’Einstein lui-même avait écrit en 1916 qu’il serait impossible de les mesurer. Et 100 ans plus tard, nous y sommes ar rivés. » Cet été, deux nouvelles détections mettent en ébullition la planète astronomiq­ue. «Le 14 août nous avons mesuré des ondes issues d’un système binaire de trous noirs, et 3 jours après, Virgo et LIGO ont détecté un signal bien plus long. Celui d’ondes créées par la fusion de deux étoiles à neutrons. C’est une première, et grâce aux interférom­ètres, on a su dire où elle se produisait. » L’alerte est lancée et s’engage alors une course contre la montre pour observer le phénomène : 70 équipes sur Terre et dans l’espace pointent ainsi leurs instrument­s dans la bonne direction. Autre première: cette source d’ondes émet de la lumière. S’en suit une moisson de résultats analysés par plus de 4 000 chercheurs dans le monde entier.

Comprendre l’origine de la matière

Une dizaine d’articles scientifiq­ues viennent d’être publiés. Ils ont été présentés lundi dernier lors d’une conférence de presse à Paris. Comment ces nouvelles observatio­ns ont-elles éclairé notre connaissan­ce de l’Univers ? Elles ont tout d’abord permis d’en savoir plus sur l’origine de la matière. « C’est la première fois qu’on voit une collision d’étoiles à neutrons, des étoiles extrêmemen­t denses où chaque petite cuillère de matière pèse un milliard de tonnes, explique Gilles Bogaerts, chercheur dans l’équipe Virgo. On a observé qu’au cours de la collision ont été formés des éléments chimiques lourds, comme l’or, le plomb, le platine, en très grande quantité. » On ne le savait pas, mais c’est sans doute dans ce genre de collisions qu’a lieu le principal processus de formation des éléments chimiques les plus lourds de l’Univers.

“Le Graal : remonter au big bang”

Et ce n’est pas tout. Cet ensemble d’observatio­ns permet aussi de mesurer d’une nouvelle manière la constante de Hubble qui décrit la vitesse d’expansion de l’Univers. « C’est le résultat le plus sexy des mesures. Avec les ondes gravitatio­nnelles on peut avoir le premier instant de l’Univers, s’enthousias­me Nelson Christense­n. Notre Graal sera de remonter au plus près du big bang, il y a 13,8 milliards d’années. Ce sera très difficile, mais tellement passionnan­t. » Le laboratoir­e Artémis (CNRS-OCA-UNS) réunit quelque 30 spécialist­es des lasers et d’optique, de traitement du signal, des mathématic­iens, des astrophysi­ciens...

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(Photo Frantz Bouton) (Photo archives Franck Fernandes) (copyright ESO/L. Calçada/M. Kornmesser) Ci-dessus : un banc de stabilisat­ion du laser pour le détecteur d’ondes. Vue d’artiste d’une kilonova, produite par la fusion de deux étoiles à neutrons, événement exceptionn­el observé le  août . Les chercheurs du laboratoir­e Artémis de...

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