Vous avez dit « zigoto » ?
Le zigoto vous salue bien. Le zigoto, François Hollande donc, puisqu’il paraît que c’est ainsi qu’Emmanuel Macron se plaît à qualifier en privé celui qu’il désigne en public comme son « prédécesseur », bref l’ancien Président a retrouvé de la voix. Le devoir de réserve, c’est fini. Passée une courte période d’abstinence, François Hollande signe son retour dans le débat public en s’invitant, depuis Séoul, dans la querelle sur la réforme de l’ISF : « Une fiscalité allégée pour les riches et alourdie pour les plus modestes ou pour les classes moyennes. » A en croire ses proches, il a d’autres flèches en réserve. Les occasions ne lui manqueront pas, dans un agenda fourni en voyages, rencontres et conférences. Parallèlement, il se consacre à la rédaction d’un livre de réflexions sur son quinquennat et l’exercice du pouvoir. Et de son bureau de la rue de Rivoli, où il reçoit, écoute et conseille beaucoup, il suit avec gourmandise les travaux de reconstruction du Parti socialiste et les manoeuvres en vue du congrès. Hollande tel qu’en luimême, disert, d’humeur inaltérable, et fort peu porté à l’autocritique, comme si l’abdication de l’automne avait glissé sur lui. Besoin d’exister d’un homme dont la politique est toute la vie et qui n’imagine pas de prendre sa retraite à ans ? Il ya de ça, bien sûr. Et aussi un sentiment d’injustice, le désir de défendre un bilan dont il estime n’avoir pas à rougir. Et encore une irritation croissante devant l’ingratitude de ce successeur qui fut son collaborateur et qui, non content de railler la « présidence bavarde » de son prédécesseur, s’emploie méthodiquement à défaire ce qui avait été fait (ISF, fiscalité des revenus du patrimoine, prélèvement à la source…). Mais au-delà de la querelle d’égos entre deux hommes qui n’ont plus de contact direct et ne communiquent que par vacheries médiatisées, il y a là un enjeu politique réel : l’avenir de la social-démocratie à la française. C’est-à-dire de la gauche de gouvernement. Le PS est en déshérence. La plupart de ses dirigeants aux abonnés absents, ou à la casse. Les finalistes de la primaire, Hamon et Valls, sont partis. La relève ? On la cherche. Du parti qui gouverna la France pendant ans entre et aujourd’hui, il ne reste plus qu’un appareil déplumé et un immeuble à vendre. Ni projet, ni leader, ni stratégie. Trois fois rien. Un cadavre bon à porter en terre ? C’est l’analyse de Benoît Hamon, qui prononçait, hier, dans Le Monde son oraison funèbre : « La social-démocratie, dans le rôle qui était le sien, celui d’une force politique qui organisait le compromis entre le capital et le travail, ce rôle-là s’est éteint. La loi El Khomri et le CICE illustrent l’extinction de ce courant politique et philosophique. » Bref, la social-démocratie est morte et c’est Hollande qui l’a tuée. Ce diagnostic, Hollande le refuse et le réfute, convaincu au contraire qu’il y aura toujours place demain, au terme de l’actuelle phase de décomposition-recomposition, pour une gauche de gouvernement rénovée. Pour peu qu’elle sache résister à la fatale attraction du macronisme et du mélenchonisme. Refuser la dérive libérale de l’un et l’illusionnisme populiste de l’autre. Bref, défendre son terrain en tapant sur les deux. C’est ici que les desseins de Hollande et de Macron s’opposent radicalement. Car la radicalité de Mélenchon en fait, vu de l’Elysée, un opposant idéal. Le chef de l’Etat redoute de voir se libérer un espace politique entre la gauche anticapitaliste et sa majorité. Il ferait volontiers sienne, en l’actualisant, la fameuse sentence de Malraux : « Entre les communistes et nous (les gaullistes), il n’y a rien. » Rien, c’est rien. Trois fois rien, comme disait Raymond Devos, c’est déjà quelque chose. Assez pour donner espoir à un incorrigible optimiste.
« Hollande tel qu’en lui-même, disert, d’humeur inaltérable, et fort peu porté à l’autocritique, comme si l’abdication de l’automne 2016 avait glissé sur lui. »