¿Adiós España?
Après avoir déclaré l’indépendance, le Parlement catalan a été dissous et le président Carles Puigdemont destitué, hier soir, par le Premier ministre espagnol qui a annoncé la tenue d’élections le 21 décembre
L e chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy a annoncé, hier soir, la destitution du président catalan Carles Puigdemont et de son exécutif, et la convocation d’élections le 21 décembre en Catalogne, quelques heures après la déclaration d’indépendance de la région. « Ce sont les premières mesures que nous mettons en marche pour éviter que ceux qui étaient jusqu’à maintenant responsables de [l’exécutif catalan] puissent poursuivre leur escalade
de désobéissance », a-t-il déclaré à l’issue d’un Conseil des ministres convoqué après le feu vert du Sénat à la mise sous tutelle de la Catalogne. En Catalogne, la liesse s’est emparée de dizaines de milliers de personnes en Catalogne ayant le sentiment de vivre un moment historique. La déclaration d’indépendance va cependant à l’encontre du souhait d’une bonne moitié des Catalans. Rappelant cette réalité, la maire de Barcelone, Ada Colau, était sévère hier soir, assurant que les indépendantistes au pouvoir avaient « avancé
à une vitesse de kamikaze », imposée par des « intérêts partisans ». Lors des dernières régionales en 2015, les indépendantistes avaient obtenu 47,8 % des suffrages. Symbole de cette fracture, la résolution déclarant l’indépendance a été adoptée en l’absence de l’opposition – qui avait quitté l’hémicycle – par 70 voix pour, dix voix contre et deux abstentions. « Ce papier que vous avez rédigé détruit ce qu’il y a de plus sacré, la coexistence » en Catalogne, avait auparavant déclaré en brandissant la résolution qui allait être votée Carlos Carrizosa, élu du parti anti-indépendantiste Ciudadanos. Le texte proclame « la République catalane, comme Etat indépendant et souverain, de droit, démocratique et social ».
Une heure après son adoption, le Sénat espagnol a validé le déclenchement de l’article 155 de la Constitution, permettant une mise sous tutelle de la région, un événement sans précédent en Espagne depuis le retour de la démocratie en 1977. Dans la foulée, Mariano Rajoy a convoqué un Conseil des ministres extraordinaire et a décidé de destituer le gouvernement régional et de provoquer des élections pour le 21 décembre. Il a également été acté de destituer le directeur de la police régionale catalane, les représentants du gouvernement catalan à Madrid et à Bruxelles, et de procéder à la fermeture des « représentations » catalanes dans le monde, hormis à Bruxelles.
« Restaurer l’ordre constitutionnel »
Les conséquences de la déclaration d’indépendance comme de la mise sous tutelle sont incalculables. Face à l’insécurité juridique, plus de 1 600 sociétés ont déjà décidé de transférer leur siège social hors de Catalogne, agitée depuis des semaines par des manifestations pour et contre l’indépendance. Les banques catalanes accentuaient leur chute, hier, à la Bourse de Madrid, Banco Sabadell en tête (4,85 %). La principale organisation patronale en Espagne, la CEOE a dénoncé, le vote du parlement catalan, craignant des conséquences « très
graves » notamment pour l’économie. Les partis séparatistes présentent comme un « mandat » les résultats – invérifiables – du référendum d’autodétermination interdit du 1er octobre, qui avait été émaillé de violences policières : 90 % de « oui » à la sécession, avec 43 % de participation. L’article 155, délicat à appliquer, suppose un recul important qui rappellerait la dictature de Francisco Franco (1939-1975) pendant laquelle la Catalogne avait été privée de cette autonomie. Madrid affirme cependant qu’il en fera un usage a minima pour « restaurer l’ordre constitutionnel ». Mais la mesure choque. Les puissantes associations indépendantistes ANC et Omnium Cultural ont déjà prévenu qu’elles mobiliseraient leurs dizaines de milliers d’adhérents pour «
défendre la république ». Des « Comités de défense de la république » se disent également prêts à « résister pacifiquement ».
Jour après jour, l’Espagne et la Catalogne s’enfoncent inexorablement vers l’inconnu.