L’engrenage catalan
Un vent mauvais serait-il en train de souffler sur l’Europe ? La journée d’hier à Barcelone et à Madrid ouvre une période d’incertitudes et d’inquiétude sans précédent pour les pays de l’Union. Nul ne peut dire, en effet, où va conduire la déclaration d’indépendance votée hier par le Parlement de Catalogne et la réplique du Sénat espagnol et du gouvernement de Madrid avec la mise en oeuvre de l’article de la Constitution de l’Espagne plaçant sous tutelle la région catalane. Aucun scénario n’est écrit à l’avance car ce vendredi a été marqué par une radicalisation des deux camps. Certes, sur le papier, Madrid a pour lui l’État de droit. Tout ce qui a été entrepris depuis plusieurs semaines par les indépendantistes piétine les règles de l’Etat espagnol. Le soutien unanime de l’Union européenne au gouvernement de Mariano Rajoy après les événements d’hier témoigne de la légitimité de son attitude de fermeté. Mais une chose est l’État de droit, autre chose est l’enchaînement d’événements que l’on n’a pas su prévenir ou anticiper. On ne refait pas l’histoire , reste que cette déclaration d’indépendance vient d’une absence totale de dialogue entre Madrid et Barcelone. Depuis des années, le gouvernement espagnol est sourd aux revendications des Catalans. Il n’a pas voulu ouvrir la porte à des négociations sur une plus large autonomie. Volonté bien sûr de tenir le pays rassemblé mais sans doute était-il aussi obsédé par la crise économique ravageant le pays depuis la crise de . Occupé d’abord à réussir son redressement, soucieux dans cet effort de ne pas laisser la riche et prospère Catalogne compromettre ses chances de succès en s’éloignant, il y a laissé le désir d’indépendance prospérer. De leur côté, les indépendantistes ont exploité l’autisme de Madrid pour créer un mouvement populaire qui, de fait, rallie désormais au moins un Catalan sur deux mais divise gravement le corps social catalan. L’issue est difficile à présent à imaginer. Le gouvernement espagnol prend le pari d’organiser au plus vite une élection régionale qui permettra aux Catalans de s’exprimer. Nul ne peut en dire le résultat d’autant que cette voie démocratique a été repoussée par les indépendantistes. Nul ne peut non plus exclure des actes de violence. Les peuples sont si imprévisibles ! Qui aurait pu, d’ailleurs, imaginer que l’Europe, portée par la volonté de s’unir, finisse par réveiller des mouvements indépendantistes ! Pour l’Union européenne, le destin de l’Espagne et de la Catalogne n’est pas une affaire de politique intérieure. Elle est mise au pied du mur par cette crise qui remet en cause sa construction et peut par contagion atteindre d’autres Etats.
« Reste que cette déclaration d’indépendance vient d’une absence totale de dialogue entre Madrid et Barcelone. »