Var-Matin (Grand Toulon)

Madrid la met sous tutelle

«On a gagné c’est notre liberté »

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Des hourras. Des embrassade­s. Des cris de joie. Des yeux embués… Et des centaines d’Estelada – le drapeau indépendan­tiste catalan – qui s’agitent avec force dans les airs. Hier, le Barcelone indépendan­tiste a fait éclater sa joie dans les rues. «Indépendan­ce! » hurlaient, des milliers de manifestan­ts sécessionn­istes, réunis à l’extérieur du parc qui abrite le Parlement catalan au coeur de la deuxième ville d’Espagne. Ils viennent de vivre sur écran géant un moment historique. Carles Puigdemont vient de déclarer l’indépendan­ce.

Dans les rues, « cava » et poings levés

Alors, pour ces militants, peu importe les représaill­es du chef du gouverneme­nt central, Mariano Rajoy. Peu importe la mise sous tutelle. Peu importe ! Rien ne pouvait altérer la liesse de ceux qui voulaient plus que tout que leur destin ne soit plus indéfectib­lement uni à celui de l’Espagne. De l’extrême gauche au centre droit, les militants de l’indépendan­ce catalane, ceux qui ont voté lors du référendum déclaré illégal par la Cour constituti­onnelle d’Espagne, voulaient savourer ce qu’ils appellent leur victoire. Conscients, pour beaucoup, que tout ne sera pas si simple dans les prochains jours. Dans les rues, certains dégustaien­t même le « cava », le mousseux catalan, en entonnant avec une grande ferveur l’hymne de la Catalogne. Le poing levé.

« Je n’ai pas peur des affronteme­nts »

« Ça nous a tellement coûté d’arriver

à ce moment», témoigne Judith, travailleu­se sociale de 38 ans. Elle pleure à chaudes larmes. «Jesuis très émue d’aller enfin de l’avant, de pouvoir construire une République, un pays nouveau, à partir de zéro ». Avec son tee-shirt « fem pais », [« faisons un pays »], elle ne craint pas, dit-elle, l’applicatio­n de l’article 155 qui permet au gouverneme­nt espagnol de prendre le contrôle de la région. Andreo, étudiant en histoire de 22 ans, est, lui aussi, fou de joie. « C’est un jour de fête pour nous. Puigdemont est un héros. Il a remporté son bras de fer contre la dictature

du pouvoir central. On a tous gagné avec lui». Et l’étudiant est prêt à manifester encore et encore.

« Je n’ai pas peur des affronteme­nts. Je n’ai pas peur de descendre dans la rue. Je n’ai pas peur de prendre mon destin en main. Rajoy nous a méprisés. Il nous méprise depuis des années. Il ne nous a pas pris au sérieux. S’il persiste, le peuple lui fera entendre raison. C’est notre liberté qui est en jeu. » À bout de souffle d’avoir trop crié, l’étudiant catalan lance : « Ce n’est pas politique, c’est populaire. On ne tient pas tête au peuple bien longtemps. Vive l’indépendan­ce ! ». « La rue ne doit pas devenir un champ de bataille » Paula, elle, est restée chez elle. Un peu sonnée. Avec ses amis, cette étudiante en droit de 19 ans, était à la manifestat­ion du 12 octobre, jour de la Fête nationale espagnole. La manif de ceux qui ne voulaient pas de l’indépendan­ce... Paula est dans le camp des unionistes. «Ils ont voulu aller jusqu’au bout. Ils détruisent l’Espagne. On va encore se déchirer alors que notre destin est commun et qu’on est plus forts tous ensembles », raconte-t-elle. Paula veut garder la tête froide :

« Nous sommes pacifiques, nous sommes mesurés. La rue ne doit pas devenir un champ de bataille ». La jeune femme le craint pourtant :

« J’espère que tous, indépendan­tistes comme unionistes, nous allons réussir à nous calmer dans les jours qui viennent. » S.G. (avec AFP)

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(Photo EPA) A Barcelone, clameur de joie de dizaines de milliers d’indépendan­tistes.

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