Var-Matin (Grand Toulon)

«La cour le dira, mais je crois, M. Merah, que vous avez perdu»

- STÉPHANIE GASIGLIA sgasiglia@nicematin.fr

« La cour le dira, mais je crois, M. Merah, que vous avez perdu. Vous vouliez un monde sans juif, sans chrétien, sans militaire, sans kouffar [mécréant, ndlr], comme d’autres voulaient un monde sans terrasse, sans promenade des Anglais. Et vous avez perdu. Vous vous êtes mépris, M. Merah, parce que vous n’imaginiez pas à quel point nous aimions la vie…» Philippe Soussi termine sa plaidoirie dans le procès d’Abdelkader Merah, le frère du terroriste de Toulouse et de Montauban. Le « grand » frère poursuivi pour complicité dans l’assassinat de sept personnes, militaires et enfants en mars 2012.

La posture et l’imposture

L’avocat niçois aurait voulu conclure les yeux dans les yeux de celui dont il a été déterminé à prouver – «sans aucun doute » – la culpabilit­é. Mais Abdelkader Merah, lui, regarde en direction de la fenêtre de la cour d’assises spéciale de Paris. Bras croisés. Impassible. Inflexible. Sous contrôle absolu, comme il l’a été durant tout le procès. C’était la fin, hier, de la troisième semaine. Lundi matin, ce sera la suite des plaidoirie­s des avocats des parties civiles. Avant l’avocat général lundi après-midi. Puis, les avocats de la défense à partir de mardi… Pour Me Soussi, qui intervient aux intérêts de Bryan, cet Antibois âgé aujourd’hui de 20 ans, rescapé de la tuerie de l’école juive, il y a eu dans ce procès, la posture. Et l’imposture d’Abdelkader Merah.

Bryan, le rescapé Antibois, absent du procès

Philippe Soussi a plaidé plus d’une heure et quart avec son client dans le coin de sa tête et de son coeur. Bryan est absent du prétoire. « L’approche du procès le bouleversa­it trop. Il ne voulait pas avoir en face de lui les complices du barbare qui a bouleversé sa vie et assassiné ses camarades. Il ne voulait rien entendre. Chaque victime a sa façon de faire face. Sa résilience à lui, c’est la distance. Aujourd’hui, je ne peux pas dire qu’il va bien, mais il va mieux », soupire l’avocat. Bryan avait 15 ans lorsque, le 19 mars 2012, à l’école juive Ozar Hatorah, la balle de Merah le traverse de part en part. La mort à un souffle. « Il a tout vu. Il a vu la balle dans la tête d’un enfant une tétine à la bouche. Il dit souvent que ces enfants sont toujours avec lui», confie, encore, Philippe Soussi. Qui chuchote, « c’estl’ombre longue de la terreur »… Puis, face à la cour, Me Soussi revient sur la posture d’Abdelkader Merah. Cet accusé qui « se pose en victime ». Qui, en «toute indignité», fait «le procès du procès ». Irrité : « Il a même évoqué une pression victimaire. » À la barre, l’avocat s’emporte : « Eux seraient du côté du droit et nous de la compassion et de l’émotion comme ils disent ? ». « Qui a dit que la compassion infinie empêchait les règles de droit de s’appliquer ? » Voilà sa réponse. L’imposture ensuite. Soussi, lui, n’a «pas l’ombre d’un doute ». Pas l’ombre d’un doute, car « tout le dossier relève de l’islamisme radical ». Tout le dossier «démontre qu’Abdelkader avait la volonté d’inciter son frère au djihad. Qu’il l’a influencé dans cette voie. Qu’il a participé à toutes les étapes du processus mortifère qui a conduit Mohammed Merah aux assassinat­s ». Pas l’ombre d’un doute : « Abdelkader, le mentor. » C’est la certitude de l’avocat de Bryan. Le mentor et le complice. « Tout le dossier prouve qu’il savait la volonté criminelle de son frère ».

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