PMA : pour qui et pourquoi?
L’Espace éthique azuréen a consacré sa dernière rencontre à la thématique de la procréation médicalement assistée (PMA). Un sujet d’actualité dont de nombreuses questions restent posées
L’année 2018 devrait être celle du nouveau projet de loi sur la bioéthique. Un texte crucial dans de nombreux domaines, notamment celui de la PMA (procréation médicalement assistée). Le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a rendu, le 27 juin dernier, un avis favorable pour ouvrir ces techniques aux femmes seules et aux homosexuelles en couple. Cependant, le débat est loin d’être clos dans la population tant ces thématiques suscitent de réactions. Le dernier « café éthique » de l’Espace éthique azuréen, présidé par le Dr Gilles Bernardin, était justement consacré à ce sujet. Deux experts ont animé le débat, d’un côté le Dr Véronique Isnard, médecin gynécologue au centre de reproduction du CHU de Nice l’Archet, de l’autre le philosophe Pierre-Yves Quiviger. Tous deux se connaissent bien car ils ont collaboré au sein de la commission éthique du centre de reproduction. Ils ont évoqué l’état du droit mais aussi l’avancée des réflexions, de la pratique. De nombreuses questions se sont posées ces dernières années, d’autres se poseront probablement encore. « L’aide à la procréation est une spécialité qui traduit en permanence l’évolution de la société. La prochaine loi de bioéthique va-t-elle ouvrir la PMA aux femmes seules et à celles homosexuelles en couple? Difficile d’apporter une réponse car ce débat est passionné, y compris dans mon service. Il y a beaucoup de choses qui nous emmènent loin du rationnel, de la réflexion tranquille », souligne le Dr Isnard. Cette dernière rencontre chaque jour des individus aux parcours singuliers.
Un papa âgé ?
« Le vrai problème, c’est que personne ne fait les enfants au bon moment. À 35 ans, la fertilité chute. La PMA n’a rien changé à la physiologie : passé la quarantaine, les chances de grossesse sont minces.
Malgré le grand espoir que constitue la PMA, l’âge de la femme demeurera un facteur limitant. » Et pour les hommes, quel impact a l’âge du futur père? À la différence des mères, ils peuvent procréer jusqu’à leurs vieux jours. Le centre de reproduction est amené à examiner des dossiers dans lesquels monsieur est sensiblement plus âgé que madame. Le Dr Isnard explique comment s’établit le consensus compte tenu de l’absence de législation précise et des divergences d’opinion : « Nous acceptons de recourir à la PMA si le père a moins de 60 ans. Entre 60 et 65 ans, nous en discutons au sein du comité éthique. Au-delà, nous refusons ». Seulement, elle admet que « dès qu’on veut être normatif, on ouvre des abîmes de questionnements ». Elle évoque ainsi certains exemples comme celui où l’un des parents souffre d’une pathologie qui risque d’entraîner son décès à plus ou moins court terme. «Un espoir de vie dans une situation pareille, est-ce répréhensible ? » D’autres cas peuvent se présenter. Si par exemple un couple peine à
faire un enfant parce qu’il a une libido peu démonstrative, « doit-on considérer qu’il s’agit d’un problème médical et qu’il est donc fondé à solliciter la PMA ? », interroge la gynécologue. Les médecins n’ont d’ailleurs pas toujours toutes les cartes en main. Comment peuvent-ils connaître l’intimité de chacun ? « Si un couple, un homme et une femme, se présente. Comment savoir par exemple qu’ils sont homosexuels et se sont arrangés avec leurs conjoints respectifs ? Peut-être cette situation nous est-elle présentée à nous sans que nous le sachions. Qui sommes-nous pour mesurer l’amour entre deux personnes ? », admet le Dr Isnard. Les échanges dans l’assemblée ont été nourris. Une conclusion s’est naturellement imposée à tous. Dans une thématique comme celle de la PMA, difficile d’adopter une position dogmatique tant chaque parcours est singulier. Les débats dans les mois à venir s’annoncent tout aussi riches.