Le masculin continuera-t-il à l’emporter sur le féminin?
Un appel d’enseignantes et d’enseignants vient d’être lancé, pour que ne plus respectée la règle, selon laquelle le masculin l’emporte sur le féminin dans la grammaire française
Le masculin ne l’emportera pas sur le féminin». C’est le titre d’une pétition lancée hier en même temps que la publication d’un manifeste qui a déjà recueilli quelque 300 signatures d’enseignantes et d’enseignants, mais aussi de personnalités et d’élu(e)s. Un texte relayé dans les AlpesMaritimes. Lancé par Eliane Viennot, professeure de littérature de la Renaissance à l’Université de Saint-Étienne (1), son objectif est d’obtenir que la règle de la prédominance du masculin sur le féminin soit remplacée par celle de la proximité, du nombre ou du libre choix (voir l’infographie). Ce que préconise le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes depuis 2015 (2). Les hommes et les femmes sont égaux. Mais alors pourquoi les hommes et les femmes ne pourraient-elles pas être égales, se demandent en effet de plus en plus de femmes. Parce que la grammaire française l’interdit, leur répond-on. Cela n’a pas toujours été le cas, objecte le manifeste. Car dans la grammaire française, le masculin ne l’emporte sur le féminin que depuis le XVIIe siècle. Auparavant, on avait le choix et on appliquait souvent la règle de proximité. Pourquoi les choses ontelles changé au XVIIe siècle? « Pour des raisons politiques », accuse le manifeste. « Parce que le mâle est supérieur à la femelle », n’hésitait pas à affirmer Beauzée dans sa Grammaire générale de 1767. Une affirmation erronée et à l’opposé des valeurs de la République, souligne le manifeste. Le langage induit des représentations mentales, protestent ses auteures. Par exemple, quand on dit «Les ouvriers manifestent », on s’imagine des hommes, ce qui n’est pas le cas quand on le met au féminin, ou quand on dit «Les ouvrières et ouvriers manifestent ». Pourquoi le mot entraîneuse n’a-t-il pas du tout le même sens que son homologue masculin (entraîneur), comme l’a rappelé Michaël Youn dans un clip de Fatal Bazzoka qui a fait un tabac sur Internet ? Pourquoi n’y at-il pas de féminin au mot vainqueur, ni pour beaucoup de noms de professions? Le manifeste arrive en pleine campagne contre les violences faites aux femmes à la suite de l’affaire Weinstein, et alors que la polémique sur le manuel scolaire utilisant l’écriture inclusive édité par Hatier à la dernière rentrée n’est toujours pas retombée. Derrière tout cela, demeure la question de l’égalité des sexes et de la place des femmes dans la société française. 1-Auteure de plusieurs livres, dont