Le commerçant bipolaire obligé de se soigner
À cause d’un incident a priori insignifiant, un réparateur de téléphones, souffrant de troubles psychiatriques, a insulté et frappé un policier. Le tribunal lui impose des soins
Un long monologue confus, débité sans pause d’une voix fatiguée, s’échappe du box des accusés et envahit la salle d’audience désertée. Alors que le tribunal s’est retiré pour délibérer sur son cas, un prévenu ne cesse pas une seconde de marmonner. Interpellant les gendarmes qui l’escortent sur le fonctionnement de leur gilet par balles ou hélant son avocate dans un demi-délire, il ne semble pas avoir conscience que son avenir est en train de se jouer. Après l’avoir interrogé, les juges se sont en effet retirés pour se pencher sur les faits de violence qu’il a commis en août à l’encontre de policiers. Les magistrats s’interrogent aussi – et surtout – sur la santé mentale du prévenu. S’il comparaissait hier devant le tribunal, c’est en effet pour un vaste disjonctage. Tenant une boutique de réparation de téléphones dans l’aire toulonnaise, le prévenu n’a pas supporté qu’à l’occasion d’un marché d’été, un commerçant itinérant installe un stand devant sa vitrine. Appelée pour contenir sa colère, la police municipale intervient et peine à éponger le premier flot d’injures adressées sans distinction aux uniformes et aux élus. Elle transmet, dans la foulée, l’incident à la police nationale. Résultat : le commerçant est convoqué au commissariat. C’est là que la colère se transforme en folie.
Dix-huit mois de prison
Il vocifère, insulte et frappe le policier qui tente de l’interroger. Pire, il parvient à le pousser dans l’escalier du commissariat. Des violences qui valent trois semaines d’arrêt au fonctionnaire. Des menaces de mort complètent le tableau. Présenté à la justice et hospitalisé en attendant son jugement, fin août, il fait alors l’objet d’expertises psychiatriques. Une « lourde pathologie bipolaire » est diagnostiquée. Le parquet constate « l’altération du discernement » mais retient que le jeune homme est accessible à une sanction pénale et qu’il a d’ailleurs déjà été condamné pour des faits identiques. « Il refuse d’entendre qu’il est malade mais représente un danger pour la société », tonne le parquet en requérant dixhuit mois de prison assortis d’obligation de soins. De son côté, la défense martèle que l’incarcération n’est pas adaptée à sa situation. « Il a besoin de soins, y compris s’il faut en passer par une hospitalisation d’office ». Des arguments entendus par le tribunal. Il prononce une peine de dix-huit mois de prison mais intégralement assortie d’un sursis mis à l’épreuve avec l’obligation de se soigner, d’indemniser la victime et de résider chez ses parents.