Var-Matin (Grand Toulon)

Poirot, la rage au coeur

Incontourn­able pilier gauche du XV de France, le joueur de Bordeaux-Bègles n’a pas eu un parcours facile mais il est animé d’une telle volonté...

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Le coq sur le coeur et dessous la rage. Devenu pilier gauche incontourn­able du XV de France, opposé samedi à la Nouvelle-Zélande, Jefferson Poirot s’est construit tout seul en Périgord, dans un environnem­ent parfois hostile. Mobile, puissant, costaud: Poirot, 25 ans et 11 sélections, possède toute la panoplie du pilier moderne. A laquelle on peut ajouter la volonté, qui l’accompagne depuis ses premiers pas ovales à Lalinde, près de Bergerac, où il arrive avec sa mère alors qu’il n’a que huit ans, en provenance du Val-d’Oise. Pas évident de débarquer dans ce terroir lorsqu’on est différent de culture et de peau, pour Jefferson, métissé par son père, un Nigérian installé à Londres, avec qui le contact est plutôt distendu mais qui lui a légué son côté anglo-saxon. « C’est inconscien­t, je prends les choses de façon carré. Peut-être que ça vient de mon père nigérian qui est un peu comme ça, ce n’est pas volontaire et réfléchi mais c’est comme ça aussi que je me rassure et que j’arrive à avancer », dit-il. Dans ce climat périgourdi­n où sa couleur de peau vaut parfois à Poirot d’être ostracisé, c’est le rugby, un sport avec lequel sa famille n’a pourtant aucun lien, qui va lui ouvrir des portes, lui permettre de nouer des amitiés durables.

Esprit de revanche

« Lalinde, ce sont des histoires où les racines sont soit profondes, soit en surface. Pour moi, avec ces gens-là, elles sont profondes et je n’ai pas envie d’arracher tout ça. Mes amis resteront toujours mes amis, les parents de mes amis aussi avec qui je garde des liens très forts », raconte le joueur de Bordeaux-Bègles, qui leur rend visite dès qu’il le peut pour se ressourcer. « Ce sont des personnes qui m’ont accepté alors que je me souviens de parents qui n’acceptaien­t pas que leurs enfants trainent avec moi. Avec le recul, je trouve que c’est hyper grave », poursuit-il. A n’en pas douter, une de ses plus grandes victoires, c’est « quand certaines personnes qui ne m’appréciaie­nt pas quand j’étais plus jeune viennent me féliciter. Du coup, je suis un peu dur avec eux mais inconsciem­ment, ces personnes m’ont fait avancer car j’ai voulu prouver, montrer.» «Ça m’a donné la rage pour progresser et arriver à ce niveau. C’est une fierté et un peu aussi un esprit de revanche par moments », concède « Jeff ». Se faisant rapidement un nom dès son plus jeune âge grâce à son physique imposant, redouté, le pilier part au centre de formation de Brive à 16 ans. Ambitieux mais sans griller les étapes avec des sélections de jeunes pour valider sa progressio­n et son potentiel.

Dusautoir, le modèle

C’est l’UBB qui raflera le colosse en 2012, au terme d’une année noire pour le club corrézien, relégué, et marquée pour Poirot par une prestation majuscule en demi-finale du Challenge Européen à Biarritz. Depuis, cet admirateur de Thierry Dusautoir, Périgourdi­n d’adoption comme lui, « modèle d’intégratio­n mais surtout de réussite, toujours exemplaire, qui dégage des valeurs de simplicité, qui a l’air humain », a tracé sa route. Jusqu’à revêtir quasi naturellem­ent le maillot bleu, dans le Tournoi des six nations 2016, et affronter enfin les mythiques All Blacks. « Ces matches, on rêve tous de les jouer », souligne-t-il. Surtout lui, qui était tombé l’automne dernier deux semaines avant de les affronter, touché à l’épaule par la rudesse des Samoa. « Là, je ne pense qu’à ça », confirme le gaucher, dix fois titulaire lors de ses onze sélections. « Lors de la préparatio­n cet été, quand j’étais dans le dur sur le terrain, qu’on en chiait tous les cinq (avec les internatio­naux de l’UBB Baptiste Serin, Loann Goujon, Clément Maynadier et Nans Ducuing), le seul truc que j’avais dans la tête, c’est novembre. Tu t’accroches à ça pour repartir le lendemain. C’est là où j’ai envie d’être, contre qui j’ai envie de me tester ».

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(Photos AFP) Jefferson Poirot avec les petits de Marcoussis.

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