Var-Matin (Grand Toulon)

Nadjet Benzohra: «Personne ne croyait en nous»

La fondatrice du restaurant d’insertion Le Petit Prince a été choisie par la préfecture pour témoigner de son expérience, à l’occasion du Tour de France de l’égalité

- M. G. mguillon@nicematin.fr

Une femme pugnace, qui a connu un parcours tel un MacGyver au féminin. Elle a bravé toutes ses peurs et toutes ses difficulté­s. Elle a tout fait pour atteindre son objectif . » Le commentair­e est signé Chantal Molines, déléguée départemen­tale aux droits des femmes et à l’égalité. Et cette femme présentée comme « emblématiq­ue » n’est autre que la Seynoise Nadjet Benzohra, fondatrice de deux restaurant­s et d’une boulangeri­e-pâtisserie d’insertion, à La Seyne puis à Toulon. Et parce que l’expérience de créatrice d’entreprise de cette résidente de la cité Berthe peut avoir valeur d’exemple, la Seynoise a été sollicitée pour présenter son parcours dans le cadre du Tour de France de l’Égalité (1). « Lancée début octobre par le Premier ministre et la secrétaire d’État en charge de l’Égalité entre les femmes et les hommes, cette opération a pour but de recueillir la parole de femmes et d’hommes sur l’égalité au quotidien, les difficulté­s rencontrée­s, les propositio­ns formulées. Mais aussi pour faire émerger les bonnes pratiques, identifier les nouveaux chantiers à ouvrir et les actions à mener par le gouverneme­nt», ainsi que le résume la sous-préfète Astrid Jeffrault. Dans ce cadre, des ateliers thématique­s sont organisés dans toute la France et, dans le Var, le coup d’envoi a été donné hier avec une rencontre, à la Villa Brignac (Ollioules), sur le thème de l’entreprena­riat au féminin dans les quartiers.

« Le problème de confiance «

Parmi les sept femmes qui ont exposé leur parcours de création, Nadjet Benzohra a expliqué : « Il nous aura fallu six ans entre le début du projet et l’ouverture au public du restaurant d’insertion (en 2001). Car avec le groupe de femmes qui m’accompagna­ient, nous avons eu beaucoup de difficulté­s. On nous disait notamment: “Vous êtes d’origine étrangère, vous ne réussirez pas.” En plus, nous ne voulions pas sortir de Berthe car le but était, justement, de faire venir des gens de l’extérieur dans le quartier. » Parmi les obstacles rencontrés, celle qui a été responsabl­e de l’associatio­n “Femme dans la cité” de 1994 à 2001, évoque notamment «le problème de confiance ». « En fait, je n’avais personne derrière moi pour me servir de caution. Et comme j’étais la seule diplômée du groupe, tout reposait sur moi. Sauf que mon diplôme d’ingénieur agronome spécialisé­e en économie et gestion, obtenu en Algérie, n’était pas reconnu en France. J’ai fini par obtenir une équivalenc­e (bac +4), mais personne ne croyait en nous. Même les services qui nous ont délivré l’agrément nous disaient “c’est d’accord, mais à condition que les fondations que vous sollicitez (Vivendi, Générale des Eaux et Caisse d’Epargne) apportent au moins 80 % des fonds. Finalement, ces dernières ont apporté 100 % des fonds. »

 salariés, dont  hommes

Et Le Petit Prince a fini par voir le jour, démontrant que le projet d’un groupe de femmes issues d’un quartier présenté comme “difficile” pouvait tenir la route. Et durer, en créant des emplois. Toutefois, relate Nadjet, «quand le restaurant a ouvert, on a mis un point d’honneur à n’embaucher que des femmes. Et puis… on s’est dit qu’on n’allait pas, nous aussi, faire de la discrimina­tion. Aujourd’hui, sur 22 salariés à La Seyne et à Toulon, nous avons 4 hommes. » Et la plus grande satisfacti­on de son initiatric­e, décorée de l’Ordre national du mérite, est « d’avoir réussi à entraîner beaucoup de femmes avec moi, leur permettant de trouver une place dans le monde du travail ». « Mme Benzohra fait partie de ces femmes qui ont envie d’avancer et qui en ont marre d’être des stéréotype­s, observe Chantal Molines. Elles sont d’ailleurs les premières à faire passer le message en faveur de l’égalité. Elles soulignent aussi l’importance du rôle de leur expérience vis-àvis des plus jeunes. Au niveau national, leur témoignage pourra permettre d’améliorer les dispositif­s existants et de faire remonter les difficulté­s. Notamment dans les quartiers prioritair­es où la discrimina­tion à l’embauche revient souvent »… 1. Lire également en page 14.

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(e (Photo doc RPM) Nadjet Benzohra en partant de la droite), le mois dernier au Petit Prince, où un banquet était organisé à l’occasion du départ d’Aloïsia Hervé, qui a travaillé durant huit ans à Femme dans la cité.

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