Var-Matin (Grand Toulon)

Assises: l’évadé toulonnais face à son ex-compagne

La jeune femme est revenue sur ces longs mois d’hospitalis­ation, où elle s’est battue pour ne pas laisser ses enfants orphelins. Quant à l’ex-homme de sa vie, elle a décidé de tourner la page

- G. D.

On a pu la dire ambivalent­e, quand elle a quitté l’hôpital Sainte-Anne de Toulon en décembre 2015, deux mois après avoir reçu dans la poitrine une balle, tirée par l’homme de sa vie et père de ses deux enfants. Hier devant la cour d’assises du Var, Céline, 28 ans, est apparue fermement déterminée à passer à autre chose. Et à la question de savoir ce qu’elle attendait de ce procès, la partie civile a répondu sans détour: « Qu’il paye. Qu’il se ronge. Que ça le hante. Je ne suis pas dans un esprit de vengeance, mais presque. »

L’abnégation jusqu’au drame

La psychologu­e qui avait rencontré la jeune femme, après une longue hospitalis­ation, l’avait décrite «sur le fil », partagée entre la gravité de sa situation et l’affection qu’elle éprouvait toujours pour Mario Matteucci, «dans lequel elle ne reconnaiss­ait pas le “fou” qui lui avait tiré dessus ». Il fallait y voir les effets d’une jeunesse où elle avait porté à bout de bras sa famille, dont elle était un peu le maillon fort. Elle était toujours dans cette «abnégation de soi au bénéfice de l’autre », qui avait prévalu dans ses cinq ans de vie commune à huis clos avec un fugitif.

La force de continuer

Une abnégation que Céline avait poussée loin, supportant les coups de son compagnon, de plus en plus fréquents au fil des mois d’enfermemen­t. « J’étais jeune. Je pensais que ça allait s’arranger. Je ne suis pas une personne qui abandonne les gens dans le désespoir. Mais le 21 octobre 2015, ça a été les coups de trop. » Mise à la porte de son domicile avec ses deux enfants de trois ans et dix mois, Céline est allée se plaindre au commissari­at de Toulon, après avoir averti son compagnon. Mais elle l’a aussi alerté de l’arrivée des policiers, pour qu’il ait le temps de fuir. « Je ne voulais pas qu’il aille en prison. C’est le père de mes enfants. J’aurais préféré qu’il aille chez sa mère. » Cette abnégation, c’est fini. Le déclic s’est produit en décembre dernier, quand une prothèse artérielle s’est rompue, engageant à nouveau son pronostic vital. Céline a dû retourner à l’hôpital, pour une opération de treize heures, dont elle ne s’est vraiment remise que cinq mois plus tard. « Je refais ma vie. J’ai une force morale qui me dit que si je suis arrivée à m’en sortir, j’arriverai à continuer.»

Sans retour

Dans le box, Céline a trouvé que le discours de Mario Matteucci sonnait faux, «comme s’il voulait qu’on s’attendriss­e sur ses difficulté­s psychologi­ques pour expliquer son geste ». Aux intérêts de la jeune femme, Me Virginie Lucas a pris en compte l’enfance difficile de Mario Matteucci. « Mais si ça n’a pas été facile pour lui, Céline n’y est pour rien. Elle a été la seule personne à être là pour lui. Voilà la récompense qu’elle en a eue. « Elle revient de très loin. Elle s’est battue pour ses enfants. Depuis qu’elle a coupé les ponts, elle ne les emmène plus au parloir. Mais lui n’a jamais cherché à entrer en contact avec ses enfants. Aujourd’hui, elle passe à autre chose, et il a du mal à l’entendre. » Ce matin l’audience reprendra avec le réquisitoi­re de l’avocat général. L’accusé encourt la perpétuité.

 ?? (Croquis d’audience Rémi Kerfridin) ?? Face à Mario Matteucci, Me Virginie Lucas a plaidé la cause de Céline. L’avocat général Manon Duthoit prendra la parole ce matin.
(Croquis d’audience Rémi Kerfridin) Face à Mario Matteucci, Me Virginie Lucas a plaidé la cause de Céline. L’avocat général Manon Duthoit prendra la parole ce matin.

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