Var-Matin (Grand Toulon)

Act up : « Cette colère a été nourricièr­e»

- PROPOS RECUEILLIS PAR VALÉRIE PALA

Le film 120 battements par minute, Grand prix du jurydeCann­es 2017, a rendu sensible au plus grand nombre le combat mené par Act up dans la lutte contre le sida. Didier Lestrade, auteur d’Act up, une histoire, cofondateu­r de cette associatio­nqui a transformé l’obélisqued­e laConcorde en préservati­f géant en 1993, déposé de la viande avariée dans un labo pour en dénoncer les pratiques en 1994… nous rappelle aujourd’hui, qu’« en France, on a encore 6000 personnes qui sont contaminée­s tous les ans » et qu’ « onn’arrive pas à descendre en dessous de ce seuil ».

En , vous dites qu’on ne comprend pas votre lutte, que les médias braquent davantage leurs projecteur­s sur un écrivain comme Hervé Guibert, qui ne penserait la maladie qu’à travers sa propre personne. Pourquoi la majoritéde­s Français ne comprenait pas votre combat? Je crois que si la majorité des Français ne comprenait pas notre combat, c’est parce qu’on était un groupe minoritair­e et l’associatio­n la plus radicale de la lutte contre le sida. Mais dès notre création en , on a eu un grand soutiendes médias. Alors que nous avions une vision globale de la lutte contre le sida, non seulement en France, mais aussi à l’étranger, moi je crois en fait que cet intérêt médiatique envers Guibert cachait une incapacité de voir le sida d’une manière plus large. On se focalisait sur Guibert, parce que c’était plus facile…

Dans votre récit, on touche du doigt la tension induite par l’enjeu vital d’obtenir l’accès aux traitement­s… Si le film est un tel succès, c’est parce qu’on a oublié le drame de cette épidémie, ce que ça a changé dans la société. C’est aussi la dernière crise sanitaire importante avec l’affaire du sang contaminé. Je crois qu’on a oublié pourquoi on était si en colère: parce qu’on voyait bien que l’État ne faisait pas ce qu’il fallait faire. Je crois que cette colère a été nourricièr­e. C’était la peur de mourir, de tomber malade, la tristesse de voir des personnes tomber malade ou mourir autour de soi qui a fait que ce groupe a été si actif. À Act upParis, on attirait beaucoupde jeunes. La première personne décédée en  avait  ans. Cela a forcément marqué énormément la trajectoir­e politique d’Act updès le début. Le désespoir qu’on avait à cette époque-là était tel qu’on peut difficilem­ent l’imaginer aujourd’hui. Quelle a été votre action la plus forte pour vous? Ou votreplus grand succès lorsque vous accélérez la mise sur le marché de médicament­s, dont on parlait peu à l’époque… Si. Lesmédias ont vraiment parlé de ça, la difficulté d’avoir des traitement­s pour tous. Le fait qu’on devait tirer au sort comme il n’y en avait pas assez... C’est là où l’on a vuque le sida était un reflet de ce qui se passait dans le reste de la société, pour d’autresmédi­caments. Les actions du  décembre m’ont le plus marqué. C’était là où on voyait que beaucoup de monde nous rejoignait le soir, enplein hiver… jusqu’à   personnes.

En , onprometta­it déjà un vaccin. Pourquoi il n’y en a toujours pas? Il est incroyable­ment complexeàm­ettre au point parce qu’il y a plusieurs souches de virus à travers le monde. De plus le virus n’arrête pas de muter. Maintenant, on réalise qu’on peut avoir, avec le traitement, une efficacité qui est supérieure à celle que pourrait nous donner un vaccin, qui ne protège pas à %. On n’a plus besoin de vaccin, même si c’est un engagement scientifiq­ue… On a dépensé depuis  ans énormément d’argent sur les vaccins, et il n’y en a pas un seul qui a marché. De mon point de vue, on aurait pu dépenser cet argent de manière plus efficace pour s’assurer que les personnes qui n’ont pas accès à un traitement puissent y avoir accès.

La maladie pose aussi des problèmes en matière de précarisat­ion. Lorsque vous montez les marches à Cannes, vous dites que vous n’avez plus la Sécurité sociale. Vous avez vécu avec leRSA… Il y a beaucoup de gens qui sont dans ma situation. Je le dis parce que je pense aux personnes qui sont encore plus dans la merde que moi. Je pense qu’il est important de rappeler qu’il y a des gens qui sont touchés depuis longtemps par cettemalad­ie et qu’ils ont du mal à survivre. On est confronté à des problèmes de vieillisse­ment et de toxicité des médicament­s qui est importante… Scènelitté­raireaujou­rd’huide16hà1­6h45 avecDidier­Lestrade. (éd. Denoël).

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(Photo DR) Didier Lestrade, cofondateu­r d’Act up.

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