Var-Matin (Grand Toulon)

, Alpes-de-Haute-Provence : première exploratio­n du Verdon

- ANDRÉ PEYREGNE Visites de novembre à mars de 10 heures à 17 heures : 4,50 euros plein tarif avec possibilit­é de tarif réduit. Plus de renseignem­ents auprès de l’office de tourisme au 04.90.18.41.20.

LLe 11 août 1905, alors que tout est calme dans ce coin de Provence, écrasé de soleil, crépitant de bruits d’insectes, un groupe d’hommes se dirige vers le petit village de Rougon, au-dessus des gorges du Verdon, à930 mètres d’altitude, dans les Alpes-deHaute-Provence. Ce groupe a un chef: Édouard-Alfred Martel. Né en 1859 cet avocat parisien, passionné de Jules Verne, a mené à bien quelques exploratio­ns souterrain­es dans le Gard et la Lozère et est devenu celui que l’on considèrec­ommele père de la spéléologi­e moderne. S’il se trouve aux abords du Verdon, c’est que le ministère de l’Agricultur­e a sollicité ses compétence­s spéléologi­ques pour aller étudier la résurgence de Fontaine-L’évêque – située sur la rive gauche du Verdon, à l’extrémité du départemen­t du Var – et cela dans le but d’envisager un meilleur approvisio­nnement en eau en particulie­r de Toulon et Marseille.

L’enfer à l’Estellier

Le groupe est composé de douze hommes. Parmi eux se trouvent Armand Janet, compagnon de toujours d’ÉdouardMar­tel, et Isidore Blanc, l’instituteu­r du village de Rougon. Ils disposent de trois barques de bois et de toile, des cordes et des échelles. L’expédition commence. Elle durera quatre jours, du village de Rougon à l’actuel lac de Sainte-Croix – un parcoursd’une quinzaine de kilomètres situé entièremen­t dans les Alpes-de-Haute-Provence en lisière norddudépa­rtement du Var. Partis de Rougon, les hommes descendent vers le couloir Samson. Quatrecent­s mètresde falaises dominent ce passage étranglé. Mettant leurs barques à l’eau, ils sont aussitôt en difficulté. Ballottés par le courant, heurtés par les rochers, précipités à l’eau, renversés, blessés, dès le premier soir ils se sentent épuisés. Une barque est détruite. Leur premier campement est établi au fond des gorges en un endroitnom­mé « Baume-aux-Pigeons ». Le second jour, ils poursui- vent leur progressio­n au pied de falaises vertigineu­ses, si profondes qu’elles leur cachent la vue du ciel. Elle les conduit, tant bien que mal, jusqu’à l’endroit où la rivière de l’Artuby rejoint le Verdon au fond des gorges. Leurs muscles, leurs vêtements, leur matériel et leur courage sont mis à mal. À cet endroit, le Verdon, fait un coude inattendu, comme s’il avait été brisé dans son élanpar le mur des falaises. À la nuit, ils arrivent à l’endroit nommé Estellier. Ils se croient aux portes de l’enfer. C’est Martel qui le racontera par la suite. Ils nomment ce lieu le « Styx » – du nom du fleuve de l’enfer, dans l’Antiquité. Repartant à 4 heures du matin le 12 août, ils reprennent courage. Ils ont l’impression d’êtredans une prison rocheuse. Certains commencent à désespérer. Le groupe, mal en point, chutant, claudiquan­t, poursuit jusqu’à l’Imbut (« l’entonnoir » en provençal). Là, la rivière disparaît sous terre. On trouve un siphon naturel. Des galeries aboutissen­t à une grotte de près de trente mètres de haut. Des bruits de fantôme hantent le lieu, des odeurs d’humidité semblent monter du fond de la terre et des âges. Les hommes se croient per- dus. Certains veulent abandonner.

Plusieurs abandons

Le 13 août, ils se retrouvent au fond du canyon. Ils progressen­t encore. Le courage leur fait mettre un pied devant l’autre. Ils s’accrochent aux parois et à l’espoir. Heureuseme­nt – humour! - ils se sont mis Martel en tête! Un troisième campement est établi à l’endroit nommé « les Cavalets ». Le 14 août, la nature leur opposeune armée ennemie de troncs d’arbres, deblocs rocheux. Àbout de force, ils livrent bataille. Cette fois-ci, plusieurs hommesaban­donnent. Ils n’iront pas plus loin. Dommage! Il ne restait plus long à parcourir. Le jour même, Martel et Armand Janet arrivent au « Pas du Galetas », près du pont d’Aiguines– aujourd’hui englouti par les eaux du lac artificiel de Sainte- Croix. Autour d’eux, le paysage s’est élargi. Les gorges sont terminées. Ils se prennent dans les bras: la première exploratio­n du grand canyon du Verdon est accomplie! Nous sommes le 14 août 1905 Dès l’année suivante, le Touring clubde France s’emparera du lieu, fera aménager un premier chemin. Aujourd’hui, le sentier des gorges porte le nom de BlancMarte­l – après s’être appelé « sentier Martel », tout court jusqu’en 2005 – rendant ainsi hommage à l’instituteu­r de Rougon et à l’inventeur de la spéléologi­emodernequ­i, les premiers avaient osé aventurer ici leurs pas.

 ??  ?? Édouard Martel, père de la spéléologi­e moderne a accompli la première exploratio­n du grand canyon du Verdon, en partant de Rougon, village des Alpes- de-HauteProve­nce.
Édouard Martel, père de la spéléologi­e moderne a accompli la première exploratio­n du grand canyon du Verdon, en partant de Rougon, village des Alpes- de-HauteProve­nce.
 ?? (Photos DR) ?? Les explorateu­rs ont utilisé de modestes barques, dont une sera détruite dès le premier jour de cette expédition.
(Photos DR) Les explorateu­rs ont utilisé de modestes barques, dont une sera détruite dès le premier jour de cette expédition.
 ??  ?? Un sentier ( une petite portion du GR ) portera dès  le nom de Martel. Il a été rebaptisé, en     , « sentier BlancMarte­l » en hommage à Isidore Blanc, l’instituer de Rougon qui était aussi de l’aventure.
Un sentier ( une petite portion du GR ) portera dès  le nom de Martel. Il a été rebaptisé, en     , « sentier BlancMarte­l » en hommage à Isidore Blanc, l’instituer de Rougon qui était aussi de l’aventure.

Newspapers in French

Newspapers from France