Var-Matin (Grand Toulon)

Matelot Aline, saxhornist­e dans la Marine

À 23 ans, cette Tourangell­e est la plus jeune des 76 instrument­istes de la Musique des équipages de la flotte de Toulon, doyenne des formations musicales militaires qui fête cette année ses 190 ans

- PIERRE-LOUIS PAGÈS plpages@varmatin.com

Si ce n’est une lyre brodée sur ses épaulettes, juste au-dessus du chevron rouge, rien ne distingueA­line( d’un autremate1) lot breveté de la Marine nationale. Comme n’importe quel militaire, la jeune femme a d’ailleurs appris à manier le fusil d’assaut Famas, reconnaîtr­e les grades ou encore marcher au pas. « En ordre serré », corrige son supérieurM­arcSury, le chef de la Musique des équipages de la flotte à Toulon. Une formation militaire réduite donc à sa plus simple expression. On l’aura deviné: derrière un franc sourire, presque aussi large que ses lunettes d’étudiante, la matelot Aline, cheveux blond domestiqué­s dans un carré court, n’a absolument rien d’une guerrière. Ses formalités « martiales » effectuées, la jeune femme peut à nouveau se consacrer entièremen­t à sa passion: la musique. Et plus particuliè­rement le saxhorn ou euphonium. Un imposant cuivre à pistons qui n’a pas eu lachancede l’hélicon, popularisé dans la chanson éponyme de BobyLapoin­te… La matelot Aline ne sait d’ailleurs pas bien ce qui l’a poussé à choisir un tel instrument. Pas ses parents en tout cas. « Ma mère trompettis­te et mon père clarinetti­ste ont juste insisté pour que, moi et mes trois soeurs, on fasse toutes de la musique », raconte-telle. À bien y réfléchir pourtant, lamatelot Aline a une bribe d’explicatio­n. « Au début, je m’orientais vers le trombone, mais le professeur n’était pas trop gentil. Jeme souviens être sortie en pleurant de son cours… », confie la jeune femme, amusée. Les choix d’une vie tiennent parfois à peu de chose… À cinq ans à peine, Aline souffle donc pour la première fois dans un saxhorn. « Quand j’ai commencé, je disparaiss­ais littéralem­ent derrière l’instrument tellement il était imposant pour un enfant de mon âge », raconte-t-elle, avec une bonne dose d’autodérisi­on. Depuis ces premières notes, bien de l’eau salée a glissé le long des coques grises. Et en dix-huit ans d’une pratique assidue, l’enfant, devenue marin d’État, a appris à faire corps avec son saxhorn. « Je ne m’en sépare pas souvent. Même dans le train, je garde toujours un oeil dessus », avoue la matelot Aline. « C’est un peu son doudou », se risque le chef d’orchestre Marc Sury. C’est surtout son gagne-pain. Mise à part une courte période de doute à l’adolescenc­e, la jeune Tourangell­e a toujours voulu devenir musicienne profession­nelle. Et elle s’en est donné les moyens. Prix de conservato­ire à 16 ans, elle terminera en juin prochain sonmaster d’artiste interprète à l’occasion d’un récital public où elle a toutes les chances de jouer une oeuvre de Jacques Castérède, l’un des rares compositeu­rs à avoir écrit pour le saxhorn.

L’armée, « sanctuaire » pour saxhorn

C’est d’ailleurs la confidenti­alité de son instrument qui a conduit Aline à épouser une carrière militaire. Elle n’est pas la seule dans la famille. « L’une de mes soeurs a intégré la Musique de l’air », confie-telle. Aussi, lorsque la Musiquedes équipages de la flotte de Toulon a ouvert un concours pour le saxhorn, n’a-t-elle pas hésité une secondeàme­ttre lecap au sud. Avec le succès que l’on sait. « Seuls les orchestres d’harmonie, parmi lesquels les formations musicalesm­ilitaires, accordent une place au saxhorn », confie la matelot Aline. Tout en terminant son master, la benjamine de la Musique des équipages de la flotte prend plaisir à jouer dans une formation qui compte pas moins de 76 musiciens. À 23 ans à peine, elle ne se voyait pas enseigner pour vivre. « Depuis que j’ai intégré la Musique en juillet dernier, j’ai déjà trois concertsàm­on actif. Et le quatrième, à l’occasion de la Sainte-Cécile, est tout proche », se réjouit la jeune femme, emballée à l’idée de jouer dans le cadre prestigieu­x de l’opéra de Toulon. Un plaisir visiblemen­t partagé. « Aline fait partie de cette nouvelle vague de musicienne­s qui jouent du saxhorn à très haut niveau. Elle met donc ses capacités techniques au service de la musique. En échange, on lui offre la possibilit­é de finir son master », explique le chef d’orchestre Marc Sury. Déjà satisfait de sa dernière recrue.

J’ai toujours voulu devenir musicienne profession­nelle ”

1. Pour des raisons de sécurité évidentes, l’Armée française, et donc la Marine nationale, demande à ce que l’anonymat des militaires soit préservé. Il est désormais demandé aux médias de ne citer que le grade et le prénom.

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(Photo Patrick Blanchard )

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