Var-Matin (Grand Toulon)

Dans les coulisses de la mine d’or blanc à Isola 2000

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« Je suis comme un gars sur une île, il vaut mieux ne pas oublier le sel », se bidonne Georges Marguet, le plus ancien restaurate­ur d’Isola 2 000. Sa première saison, c’était en 1973. Nous l’avons rencontré cette semaine, mercredi exactement, au pied des pistes. En proie à une difficulté technique : dameuse en panne, et impossibil­ité de rejoindre ses deux établissem­ents d’altitude. Sur la neige éclatante, on aperçoit la marque d’une fuite d’huile. Un joint a lâché. Pas de quoi affoler Georges. « On va réparer et on y va!» Au menu du jour, achever la remise en route de « La Valette » et du « Refuge solarium » pour le week-end d’ouverture. «Aujourd’hui on commence à ravitaille­r. J’attends la société qui me livre les machines à café. Elles étaient en révision. » Dans la benne de la dameuse, pour l’instant en carafe, s’entassent vins, cannettes de boisson, huile pour les frites. Tout a commencé pour Georges le 5 novembre dernier. C’était un dimanche, après une nuit de chutes de neige abondantes sur Isola, provoquées par un phénomène météo qu’on appelle ici un « coup de Lombarde ». Georges a saisi ses peaux de phoque et s’est hissé jusqu’à ses deux restaurant­s d’altitude. « Dès qu’il se met à neiger, je suis là pour préparer les restos. Il faut les déneiger au fur et à mesure. J’ai 800 m² de terrasse ; ça fait donc 800 m³ de neige, il faut nettoyer tout cela au fur et à mesure pour ne pas être embêté. » Le patron a déjà embauché des extras pour l’aider à faire face à ce beau début de saison. Pendant qu’on ausculte en ce mercredi la dameuse de Georges, un ballet incessant s’organise dans le grand hangar technique de la station. Le personnel vient à l’embauche, sourire aux lèvres. Ces chutes de neige providenti­elles de début novembre, qui ne sont tombées que sur Isola, offrent un week-end de boulot en plus et mettent du beurre dans les épinards. Au passage, chacun découvre les nouvelles tenues estampillé­es « Stations Nice Côte d’Azur ». Dans des râteliers, trônent les skis flambants du personnel des remontées mécaniques. Noël avant l’heure. Allure élancée, visage appliqué et souriant, c’est un triathlète accompli qui les accueille : JeanChrist­ophe Desens, 46 ans, est le nouveau directeur d’exploitati­on de la station. Vingt ans qu’il promène son physique de sportif dans les stations du Mercantour. Observateu­r météo, artificier, pisteur deuxième degré, bon gestionnai­re et coureur d’Iron Man à ses heures perdues, Jean-Christophe Desens a touché à tout. Il était auparavant en poste à La Colmiane. Lui aussi a bondi le 5 novembre dernier en apercevant la neige tomber sur Isola. Son premier réflexe, alors qu’au même moment, Georges enfilait ses peaux de phoque : envoyer les dameuses pour travailler la couche de neige. « Tous les engins étaient prêts, cela nous a permis d’être très réactifs », commente Jean-Christophe Desens. Il parle d’or. D’or blanc évidemment. Bien travailler la première couche, c’est l’assurance d’une bonne saison. « Nous avons ensuite envoyé la neige de culture par-dessus.» 430 enneigeurs, ou canons à neige, se sont alors mis de concert à cracher de la poudreuse légère pour parfaire le manteau blanc. Jean-Christophe, en fin technicien, a transformé

 enneigeurs se mettent alors à cracher la poudreuse

un coup de chance - une chute de neige providenti­elle - en assurance ski pour la saison. Bien travaillée, la sous-couche assure désormais Isola de pouvoir accueillir les skieurs tout l’hiver. Ce fondu de ski qu’est Jean-Christophe Desens a assisté au développem­ent des stations du Mercantour. Et notamment le virage

de 2003. « Christian Estrosi était président du départemen­t (des Alpes-Maritimes NDLR). Le syndicat mixte du Mercantour a engagé un plan massif d’investisse­ment. En quinze ans, 165 millions d’euros ont été injectés. Les nouvelles remontées, les enneigeurs, le matériel, tout ce qui a été investi nous permet aujourd’hui d’être ultra réactifs et de faire tourner l’économie régionale. » Dans le hall du hangar technique, de jovials éclats de voix traduisent cette vertueuse dynamique. Les 65 saisonnier­s recrutés en dernière minute pour assurer le week-end de pré ouverture croisent sans discontinu­er les 25 permanents de la station. « Cela soutient l’emploi. Je peux vous confirmer que ceux que j’ai reçus ce matin avaient le sourire », Après avoir mis sa station en branle dès le premier jour de chute de neige, Jean-Christophe Desens a pu constater avec plaisir que le public réagissait immédiatem­ent. Une brève de Varmatin sur son site Internet dès les premiers flocons, d’autres medias qui rentrent dans la danse, puis des posts intelligem­ment envoyés sur les réseaux sociaux par la station elle-même : le bouche à oreille 2.0 s’est mis en branle. Les skieurs se sont connectés aux six webcams de la station et le buzz s’est transformé en billetteri­e. D’un coup, dans les bureaux administra­tifs du parking P1, le téléphone n’a plus cessé de sonner. « Tout de suite, les gens ont voulu réserver leur forfait pour ne pas rater le week-end de pré-ouverture. » Conséquenc­e : + 35% de progressio­n sur la vente de forfaits par rapport à la précédente saison. Une bonne étoile flotte décidément au-dessus de la station et de la tête de Jean-Christophe Desens en ce début de saison. Plus haut, sur la pente, s’active Pierre Soncarrieu, 49 ans, adjoint au chef des pistes. Avec dix-huit saisons au compteur, ce pisteur chevronné connaît la station comme sa poche. Il est en plein rush. « Nous assurons toute la préparatio­n des pistes, la sécurité, l’installati­on des filets de protection, des matelas, le jalonnage, le balisage. Nous avons commencé il y a une semaine. Nous sommes une dizaine à travailler aujourd’hui. Ce week-end nous serons onze sur le terrain, et seize ou dix-sept pendant la saison. » Juste en dessous de l’endroit où nous devisons, serpente le Tony’s snowland. Un snowpark qui accueille boarder cross et lignes de bosses. Entièremen­t repensé, reprofilé par un spécialist­e. C’est l’une des grandes nouveautés de la saison. « Je peux vous garantir qu’ici certains vont y passer des journées entières», prédit JeanChrist­ophe Desens. L’autre nouveauté, ce sont les sculptures géantes que les skieurs ont pu découvrir hier, ainsi que les stations photo souvenir entièremen­t électroniq­ues. Sans oublier la sculpture géante «#ILoveNice » dont le succès est assuré. Retour à la station. Sur le front de neige, une dameuse est en action. Nous montons dedans aux côtés de William, 32 ans, le pilote. Dans le jargon du métier, il est chargé du bullage et de la finition. Il est affecté au secteur sud, Lombarde, Levant et front de neige et connaît chaque relief du terrain. « Avoir un secteur attribué, cela permet d’être plus efficace et de passer moins de temps sur la piste. » William travaille dans une société de travaux publics de Cagnes-surMer. Il parvient à se libérer pour assurer les cinq mois de saison. Avec les sept dameurs de l’équipe, il travaille la couche de neige au millimètre dans son Ratrac surpuissan­t. William travaillai­t cette semaine de jour, mais il est habituelle­ment, avec ses collègues, plutôt un oiseau de nuit. « Dès que la station sera ouverte, nous attaqueron­s nos journées à 17 heures pour les finir vers minuit, une heure du matin. » La mine d’or blanc est prête. Depuis hier, place aux skieurs. Et au plaisir !

Une bonne étoile flotte au-dessus de la station en ce début de saison

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(Photo Frantz Chavaroche)
 ?? (Photo F. Chavaroche) ?? Georges, plus vieux restaurate­ur d’Isola , scrute les cimes enneigées pendant qu’on répare sa dameuse.
(Photo F. Chavaroche) Georges, plus vieux restaurate­ur d’Isola , scrute les cimes enneigées pendant qu’on répare sa dameuse.
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(F.C.) Jean-Christophe Desens.
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(Photo Frantz Chavaroche)
 ?? (Photo F. C.) ?? Pierre Soncarrieu.
(Photo F. C.) Pierre Soncarrieu.
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(Photo Frantz Chavaroche)

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