Jérôme Cordelier met de l’ordre chez les religieux !
Dans son livre Au nom des dominicains et des de Dieu et des hommes, le journaliste raconte l’histoire des franciscains, jésuites. Trois ordres toujours d’actualité dans la société
François d’Assise, Dominique de Guzman, Ignace de Loyola. Qu’est-ce-qui a donc pu pousser Jérôme Cordelier, journaliste du 21e siècle, à raconter l’histoire des franciscains, des dominicains, des jésuites ? Car c’est l’enquête à laquelle s’est livré le rédacteur en chef des éditions locales du Point dans son dernier ouvrage Au nom de Dieu et des hommes, édité chez Fayard. Une saga qui remonte loin : 13e siècle pour François et Dominique, 16e pour Ignace. Alors quoi ? Révélation ? Illumination ? Rien de tout cela. « Ce sont des hommes et des hommes modernes, explique l’auteur. Ce qui me fascine, c’est leur côté intuitif, visionnaire. Avec eux, on parle déjà d’écologie, de féminisme, de corruption par l’argent, de rapports avec l’Islam. Ils sont toujours d’actualité. » Toujours d’actualité dans la société contemporaine, notamment lorsque Jérôme Cordelier évoque frère Jean, un dominicain du Vieux Nice : « Landais « pur jus », ancien agriculteur (il avait repris la ferme familiale), ancien pilier gauche de rugby (on l’aurait deviné), l’homme a basculé sur le tard dans l’aventure dominicaine, à trente-huit ans… » Un passage délicieux et truculent. Comme le personnage devenu frère Jean en 2006, puis aumônier des prisons à Nice. Un type dans la vraie vie. Au coeur de Nice. Près des détenus. Des exclus. Bel exemple de contemplation et de ministère actif au service de la société des hommes. Une foi de proximité. Démocratique. Et c’est cela que Jérôme Cordelier a voulu exprimer dans son livre : ces trois ordres fondés au Moyen Âge ou à la Renaissance continuent d’imprégner notre temps.
Christianisme ouvert
Dans la démarche de Jérôme Cordelier, il y a tout de même un déclencheur : Pierre Ceyrac, jésuite missionnaire en Inde du Sud. Qui a connu Gandhi, Mère Teresa. « Je l’ai rencontré. Il prenait la vie sous toutes ses formes. C’est ce qui m’a frappé. » Second déclic : « On vit dans l’instantanéité, où tout se vaut, où il n’y a plus de hiérarchie, or, là, avec les ordres, on a des institutions avec des hommes qui sont dans le monde tout en incarnant une mémoire longue, se référant à des fondateurs, à des passeurs. Ils constituent un antidote à une société actuelle chahutée, appartiennent à un patrimoine humain, expriment un christianisme ouvert, opposé au repli identitaire. » Des êtres de dialogue pacifique : « Ce qui fait beaucoup le lit du terrorisme, aujourd’hui, c’est l’ignorance, or ces religieux combattent toutes les ignorances et diffusent le savoir. » En outre, un frère, ça passe mieux qu’un prêtre : « On a besoin de fraternité. À l’inverse des curés souvent isolés, ces religieux se déplacent deux par deux, adoptent un système de vie communautaire, s’intègrent dans une famille, sont de plain-pied dans la société. Bien des républicains laïcs puisent dans les principes jésuites de l’éducation. Des dominicains, fédérant énormément de jeunes, je retiens la puissance intellectuelle : Adrien Candiard, diplômé de Normale sup et de Sciences Po, qui se rapprochait de la rue Solférino, aurait pu avoir une brillante carrière politique.»
Deux ans d’enquête
Jérôme Cordelier reste journaliste même avec les saints : « J’ai mené deux ans d’investigations, auprès de gens qui se sont laissé approcher très facilement et qui avaient besoin de parler, communiquer, apporter un témoignage, car la société les a mis de côté. » Rien d’austère ni de rébarbatif dans ce bouquin immergé au coeur du monde réel. Une aventure alerte, écrite dans un style direct, mais solide sur le fond, conforté par un récit très documenté, par l’interview de grands experts théologiens ou philosophes. Une vision ? Oui, mais pas éthérée. Lucide : «Pour un journaliste, ces frères sont des hommes spirituels, de pouvoir, d’influence qui ont l’oreille des puissants tout en restant près des humbles… »