Rencontre avec ces Français dont la voix n’atteint que très rarement Paris

Ranger bien au fond d’un tiroir certitudes et dogmes. S’extirper de la machine à laver – à broyer – médiatiquopolitique, bloquée sur essorage. Se reconnecter au vrai monde. Oser faire reset sur un système rodé autant que blasé. C’est, aujourd’hui, très audacieux. Autant qu’inconfortable. Gérald Andrieu, ancien journaliste politique à Marianne et

Nice-Matin est parti sur les routes, avec la frontière pour fil d’Ariane. Les routes périphériques. Pas celles qui voient passer les berlines noires avec chauffeur. Mais ces routes oubliées des caméras et des politiques. Délaissées par habitude et par commodité. Dans son livre, Le peuple de la frontière, le journaliste est allé à la rencontre des Français silencieux. Dont la parole, les espoirs, le cri n’atteignent que très rarement Paris. Nous sommes en pleine campagne présidentielle. Macron déchaîne les tweets, les médias et les chroniqueurs. Mais pas là-bas. Gérald Andrieu a côtoyé la France qui n’attendait pas Macron. Un peuple gris, non par atavisme. Par lassitude. Mais pour autant conscient des mutations du monde et de ses enjeux : chômage, emploi, Europe, identité, immigration, désertification... Le jeune routard, à la plume acérée, a écumé les bistrots blafards, les commerces exsangues, les usines à bout de souffle… Il a saisi les débuts de mois aussi difficile que les fins. Il a donné voix et vie à des hommes et à des femmes, jeunes et moins jeunes, dont l’horizon est à portée de main. Ces laissés pour compte d’un système formaté. Bien sûr c’est enrichissant. Mais c’est aussi touchant. Et pour ce périple, il a choisi la marche. De Dunkerque à Menton. Marcher pour souffler. Prendre le temps. Et avoir ce recul devenu presque obscène dans les rédactions. Il a vécu cinq mois d’un voyage intérieur en extérieur passionnant. Et qui remet les pendules du – des – pouvoirs à l’heure. Cinq mois comme un long dimanche de campagne.