Deux oubliés de l’Histoire rendus à la lumière
Une plaque a été dévoilée hier au lycée Bonaparte, en hommage à Micheline Maurel jeune résistante pendant la guerre. Les élèves ont aussi découvert Addi Bâ, exhumé de l’oubli
Quand des lycéens croisent des portedrapeaux dans leur cour, ils sont un peu impressionnés, beaucoup intéressés et tout à fait curieux. Comme si l’Histoire s’invitait à leur porte. « Est-ce que je peux vous serrer la main ? » demande une lycéenne « Vous pouvez venir porter le drapeau avec nous aux cérémonies », lui est-il proposé. Un autre élève se montre ému, «j’ai la légion d’honneur de mon grand-père… que je n’ai pas connu. Il avait les mêmes décorations que vous ».
En miroir
L’Histoire n’est pas si lointaine, la journée d’hier l’a montré. Elle n’a cessé de tendre un miroir. Celui d’abord de Micheline Maurel et la photo de son sourire bouleversant, alors que la jeune femme retrouvait la vie, la liberté et les siens après vingt-deux terribles mois de déportation en Allemagne. Micheline Maurel avait presque leur âge, lycéenne au début des années 1930. Ici même, « une brillante élève » du lycée Bonaparte. Toulonnaise, jeune résistante pendant la guerre, membre d’un réseau clandestin, arrêtée par la Gestapo. Dans la cour de «Bona», une plaque rappelle son nom, son histoire, son visage. Elle est décédée en 2009. « Les actions des femmes engagées dans la Résistance ont été trop souvent minimisées et moins reconnues. » Au pupitre, la parole de Michel Magnaldi, délégué dans le Var de la Fondation de la France libre et inspirateur de l’événement. Plusieurs élèves, dont un petit-fils de Micheline Maurel, se partagent la lecture de l’un de ses poèmes. Encore un miroir. Les mots sont glaçants. Micheline Maurel les adresse à ses « Soeurs de Neubrandenburg, compagne des appels ; Soeurs des neiges, du vent, de la faim et des pierres ». Suite de la matinée dans une
‘‘ Les femmes, souvent moins reconnues ”
salle du cinéma Le Royal. Un presque-oublié de l’Histoire prend vie sur l’écran. L’histoire vraie de l’adjudant Addi Bâ, tirailleur des colonies, fait prisonnier, enfui, caché, aidé et devenu grand résistant des Vosges. Voilà le personnage principal du film Nos patriotes, sorti au printemps dernier et projeté hier matin. Quand la lumière revient, Marc Zinga, son interprète, entre et reçoit une salve d’applaudissements. Il est le visage, le corps d’Addi Bâ à l’écran. Et devant les élèves, il est une voix qui dit combien « ce personnage qui va au sacrifice de sa vie, parce qu’il a choisi la France » l’a touché. Et combien «le fait de témoigner et de transmettre, c’est sacré ».
Comprendre
La France a mis soixante ans à reconnaître Addi Bâ, fusillé en 1943. Soixante ans pour l’honorer de la Médaille de la Résistance. Sans le travail du journaliste Étienne Guillermond, cette reconnaissance n’aurait pas été partagée au plus grand nombre. L’auteur «a documenté son histoire pendant dix ans, fouillé dans les archives, retrouvé des personnes qui l’avait connu, et essayé de comprendre pourquoi il s’était engagé ». Les élèves aussi essaient de comprendre. Pourquoi un temps si long pour venir dans la lumière de la mémoire. La réponse est complexe, multiple. Micheline Maurel, une femme, Addi Bâ, un homme noir, ont été sortis « des oubliettes de l’Histoire », où beaucoup ont été jetés. - De Micheline Maurel : Un camp très ordinaire, Éditions de Minuit et Danse au bord du précipice , Éditions L’Harmattan. - Addi Bâ, Résistant des Vosges, d’Étienne Guillermond, Éditions Duboiris