Var-Matin (Grand Toulon)

À Nice, son ami, son fief, son bureau et sa cantine

Ils s’étaient connus adolescent­s. Sont restés proches pendant une bonne décennie. Et ne se sont jamais vraiment perdus de vue. Michel Maiffret, gérant d’Opéra Plage, à Nice, raconte ses belles années Johnny

- FRANCK LECLERC fleclerc@nicematin.fr

De belles années. Les plus belles peut-être. Celles de l’insoucianc­e et des expérience­s. Michel Maiffret, 73 ans, avait douze ans. Sa famille tenait déjà une institutio­n de la promenade des Anglais, Opéra Plage. Un adolescent du même âge venait régulièrem­ent s’y régaler d’un pan bagnat de sa grand-mère. «Il était tout jeune lorsqu’il a commencé à fréquenter l’établissem­ent avec son oncle et sa tante, qui l’élevaient. Lee et Desta. Lui était Américain, elle d’ascendance iranienne. Tous deux étaient des artistes de cabaret qui faisaient la saison sur la Côte, vivant alors dans un meublé situé derrière les Galeries Lafayette. Tout gamin, Jean-Philippe, qui ne s’appelait pas encore Johnny, faisait le tour des casinos et des musichalls pour chanter un titre avec eux, habillé en cow-boy.» Michel Maiffret le voyait tout l’été : «Lorsqu’il était à Nice, sa maison c’était la plage.» Une vraie complicité s’est nouée. « Jouant déjà de la guitare sur les escaliers de la plage, il charmait les filles qui le ‘‘badaient’’ déjà. On se baignait, on jouait au ping-pong toute la journée. C’était un sportif. Quelqu’un surtout de très gentil, très sympa.» Très vite, la notoriété est arrivée. «Notoriété dont j’ai un peu profité car il m’invitait à tous ses galas alors que, moimême, je l’emmenais jouer au rugby. Ce n’était pas encore une star. » Ce garçon «très avenant» quoique passableme­nt mélancoliq­ue, n’a pas changé d’un iota, même lorsque sa célébrité a explosé. «Au début, il n’avait pas de voiture. Je prenais la Versailles de mon père pour le conduire à ses tours de chant. Combien de fois je me suis retrouvé à garder une enveloppe qu’il me confiait, contenant tout son argent…»

« Sa cantine et son bureau »

À cette époque, aucun garde du corps. Tout était extraordin­airement simple. On trouvait dans la petite bande qui l’entourait Dick Rivers, Claude Ciari ou José Salcy. Plus tard Jean-Jacques Debout et Carlos, sans oublier Sylvie Vartan. « Opéra Plage était sa cantine et son bureau. Son fief, en quelque sorte. Dans un recoin de la cuisine, il a même composé une chanson avec Georges Garvarentz, le beau-frère de Charles Aznavour, sur une guitare que j’avais gagnée dans une fête foraine lors d’un déplacemen­t avec le Racing Rugby Club de Nice. C’est dire qu’il n’y avait pas le faste que l’on a connu par la suite.»

«Fou comme votre ami lui ressemble ! »

Michel Maiffret a vécu la « montée en puissance » de ce jeune homme qui n’a jamais perdu son sens de l’amitié. «Sa première voiture, une Triumph TR3, j’en avais les clés. Quand on sortait sur les collines avec le club de rugby, il voulait payer mais chacun donnait sa part, même si nous n’étions pas très riches.» Il y a aussi cette anecdote. Au début, tandis que sa mère tenait la plage, son père avait un magasin d’optique. Un jour où ce dernier était en retard dans ses dossiers, il a demandé à Michel de déposer les feuilles de maladie à la sécurité sociale. « J’avais prévu d’aller dans le Var avec Johnny, je lui ai dit que je ne pouvais plus. Il a décidé de m’accompagne­r et c’est lui qui est allé faire tamponner les papiers. Il a fait la queue, une employée lui a dit : ‘‘Qu’est-ce que vous ressemblez à Johnny Hallyday! Il m’a raconté la scène en rigolant. Quelque temps après, je suis retourné, moi, à la Sécu, et la même employée m’a lancé: ‘‘Vous avez un ami, c’est fou ce qu’il ressemble à Johnny! Je lui ai dit que c’était bien lui, elle ne m’a jamais cru…»

Devenu inaccessib­le

De cette jeunesse dorée, Michel Maiffret a longtemps gardé de nombreux clichés le montrant en compagnie de Johnny et de « jeunes starlettes» qui venaient le voir à la plage. Il a perdu beaucoup de photos lorsqu’une tempête a dévasté le restaurant. Puis le rocker est devenu inaccessib­le. « Il y a trois ans je crois, il nous a fait appeler par son secrétaire pour m’inviter à Saint-Tropez. Au bout de deux heures d’attente, je suis parti. Ce n’était plus pareil.» La faute, peut-être, à l’entourage faisant barrage. «Je sais tout de même qu’il a souvent demandé de mes nouvelles.» Aujourd’hui, Michel Maiffret pleure un pan de sa jeunesse. Et une idole? «Non, pas du tout. Je crois n’avoir aucune idole, à l’exception peut-être de mon père et de celui qui m’a donné un rein, puisque je suis greffé.» Johnny, c’était plutôt le bon copain. «On me demande parfois si je n’embellis pas la réalité. Non, c’est la vérité. Tous ceux qui l’ont côtoyé à cette époque ont en mémoire un garçon très simple et généreux.»

 ?? (Photos DR/Richard Ray) ?? Ci-dessus, Michel Maiffret avec Johnny, après un entraîneme­nt de rugby. Cicontre, à Opéra Plage ,à Nice.
(Photos DR/Richard Ray) Ci-dessus, Michel Maiffret avec Johnny, après un entraîneme­nt de rugby. Cicontre, à Opéra Plage ,à Nice.

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