Var-Matin (Grand Toulon)

Bruny d’Entrecaste­aux, ce varois parti à la recherche du capitaine La Pérouse

- ANDRÉ PEYREGNE

Au début du mois de juin 1792, deux navires, la Recherche et l’Espérance, se présentent au large de la Nouvelle-Calédonie, dressant au-dessus des vastes flots du Pacifique leurs trois hauts mâts et leur voilure majestueus­e. Ils ont quitté le port de Brest le 28 septembre 1791 et sont sous le commandeme­nt d’un capitaine varois, Antoine Bruny d’Entrecaste­aux. Né dans le village dont il porte le nom, il appartient à une famille noble dont le château a traversé les siècles. Antoine Bruny d’Entrecaste­aux a été envoyé dans le Pacifique par Louis XVI afin d’essayer de retrouver trace du capitaine La Pérouse, parti en expédition en 1785 à la demande du roi pour aller explorer scientifiq­uement l’océan Pacifique, et dont on n’a plus de nouvelle depuis trois ans.

Les maladies exotiques frappent

Le capitaine varois, âgé de 55 ans, a une belle carrière derrière lui. Il a participé aux expédition­s de l’astronome toulonnais Chabert en Atlantique et a combattu aux côtés de Suffren, célèbre bailli de Saint-Tropez. De 1787 à 1789, il a été gouverneur des îles Maurice et de la Réunion dans l’océan Indien – appelées à l’époque Île de France et Île Bourbon. En juin 1792, cela fait déjà huit mois qu’il sillonne les mers australes avec son équipage composé de marins et de savants. Ils ont traversé des tempêtes, croisé des corsaires, essuyé des coups durs. Lors de l’escale au Cap, ils ont perdu leur astronome Claude Bertrand, mort en chutant d’un sommet. Ils ont exploré les îles de l’Amirauté où, selon un capitaine anglais, des hommes vêtus d’uniformes européens avaient été aperçus. Mais, malgré l’accueil festif des indigènes, aucun indice sur le passage de La Pérouse ! Les maladies exotiques commencent à frapper. Le capitaine de l’Espérance meurt du scorbut. Peu après, l’aumônier et naturalist­e Louis Ventenat tombe malade.

Menacés par des indigènes

De novembre à février 1793, ils explorent en vain les côtes d’Australie et de la Nouvelle-Zélande. Fin mars, les voici aux îles Tonga. Le capitaine varois et ses hommes sont accueillis sous les cocotiers par les danses et les chants des filles du roi Toubau. Mais de trace de La Pérouse, aucune ! Bruny d’Entrecaste­aux décide donc de retourner en Nouvelle-Calédonie. Là, l’accueil est moins chaleureux. Les flèches des indigènes les attendent. Et si on leur palpe les épaules et les biceps, ce n’est pas pour leur faire l’accolade mais pour les manger : ils sont tombés sur un peuple d’anthropoph­ages ! Ayant effectué un repli rapide à bord de leurs navires, ils reprennent la mer et croisent au large de Vanikoro dans l’archipel de Santa Cruz. C’est alors qu’ils sont, sans le savoir, sur le point d’atteindre le but de leur voyage – retrouver les traces de La Pérouse. Là, en effet, a eu lieu en 1788 le naufrage de ses deux navires, l’Astrolabe et la Boussole. Ils gisent au fond de l’océan. Mais rien ne permet à Bruny d’Enrecastea­ux de le deviner. Il passe audessus sans s’en apercevoir et continue son périple maritime comme si de rien n’était. On ne localisera les épaves des navires de La Pérouse que trente ans plus tard, lors de l’expédition de Dumont d’Urville, partie de Toulon en avril 1826.

Son corps jeté à la mer

Le scorbut continue à faire des ravages. Cette fois-ci c’est Bruny d’Entrecaste­aux lui-même qui est atteint. Il n’en réchappera pas. Il meurt le 21 juillet 1793 au large de Java. Son corps est jeté à la mer. C’en est fini de la belle carrière et l’audacieuse aventure du marin varois. L’expédition va s’arrêter. D’autant qu’est parvenue avec six mois de retard la nouvelle de la décapitati­on du roi Louis XVI, commandita­ire de l’expédition. Sur les deux-cent-dix-neuf participan­ts à l’expédition d’Entrecaste­aux, il n’y en a plus que quatre-vingt-neuf en vie. Entrecaste­aux : ce nom ne sera pas oublié. Il est aujourd’hui porté par un détroit au sud-ouest du Pacifique, un archipel à l’est de la Nouvelle-Guinée, une île en Australie et une presqu’île aux Kergelen. Juste et lointain hommage à l’un de nos plus grands marins du Var !

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(DR) Missionné par Louis XVI afin de retrouver l’Astrolabe et la Boussole, Bruny d’Entrecaste­aux succombera du scorbut le  juillet .
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(DR) Les deux navires partis en expédition : la Recherche et l’Espérance . Le capitaine de ce dernier mourra du scorbut en . Bruny d’Entrecaste­aux appartient à une famille noble dont le château (visible ci-contre tel qu’il était autrefois) a traversé...
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