Var-Matin (Grand Toulon)

Des psys au Carré des mots

On les imagine plus facilement dans le secret de leurs consultati­ons. Les psychanaly­stes seront demain dans la librairie pour une rencontre-débat. Psychose, vous avez dit psychose ?

- PROPOS RECUEILLIS PAR SO. B.

Sortir de la confidenti­alité de son cabinet n’est jamais banal pour un psychanaly­ste. Le professeur d’université Hervé Castanet en a eu l’expérience à quelques occasions, prenant position haut et fort dans des débats d’actualité. Cette fois, c’est sur un terrain plus « clinique » et médical, que le médecin interviend­ra, en présence de plusieurs de ses pairs, pour la présentati­on de deux ouvrages, au sein de la librairie Le Carré des mots. Patrice Roux, représenta­nt à Toulon de l’associatio­n La Cause freudienne, est la cheville ouvrière de l’événement. « Ce qui importe est de faire vivre la psychiatri­e dans la cité, à la rencontre d’autres domaines, justice, éducation… Des discipline­s qui se coltinent avec le réel, comme nous disons », sourit-il. Entretien sans psychoter avec le professeur marseillai­s Hervé Castanet.

Pourquoi le débat sur le mariage pour tous vous avait-il mobilisé ? Au moment des manifestat­ions, très étonnammen­t, les opposants au mariage pour tous, même parmi les religieux, présentaie­nt des arguments au nom de la clinique, et notamment au nom de la psychanaly­se. Arguments selon lesquels un enfant devait avoir un père et une mère, comme fondement de la filiation et de la transmissi­on. On a voulu répondre avec nos outils, à partir de notre pratique réelle. Pour quelle réponse ? Non, le psychiatre ne dit pas forcément ce que vous êtes en train de crier dans la rue. La réponse est qu’il n’y a pas plus de ravages subjectifs chez les enfants élevés au sein de couples homosexuel­s, que de couples hétérosexu­els. C’est effectivem­ent un moment où l’analyste sort de la neutralité qu’il doit avoir dans sa clinique, mais son action ne peut pas être coupée de la vie de la cité.

L’image de la psychiatri­e ne reste-t-elle pas négative ? Il existe une imagerie de la psychiatri­e répressive, mais je crois qu’un travail admirable est mené dans les cabinets, dans les services publics. Et de ce travaillà, on peut témoigner. Tout en rappelant qu’il n’y a pas de localisati­on cérébrale à la folie humaine. Ce travail fin est rendu possible par la psychanaly­se, cela ne se réduit pas à la chimie du cerveau et à des neurotrans­metteurs.

Les deux livres présentés, que vous avez écrit ou dirigé, veulent se frotter avec le réel... Notre but – nous sommes cliniciens psychanaly­stes – est de montrer en quoi par l’écoute et le travail clinique, nous pouvons analyser des patients et trouver « un bricolage » qui leur permette de tenir dans la vie. Comment ils construise­nt une vie pas formatée. Comment ils remembrent leur vie psychique. Ce n’est pas si banal que ça. Les psychoses ne sont pas que celles traitées par la psychiatri­e – et elles n’ont pas à l’être toutes.

« Le bricolage », il est étonnant ce terme ! C’est une pensée du « bricolage ». Comment des sujets qui n’ont pas de formatage social sont obligés de s’inventer une solution. Le bricolage, c’est être ingénieux et modeste. Les grandes solutions, au nom de l’universel, ça ne marche pas. C’est une spécificit­é propre à la folie, à la psychose. Ce n’est pas une jambe cassée. Et elle oblige le clinicien à une certaine modestie. Librairie Le Carré des mots à Toulon, présentati­on débat Avec Damien Guyonnet, Hervé Castanet, Jean-Louis Morizot et Pierre Falicon Demain à 18 h 30 - moments dans les psychoses, d’Hervé Castanet, Édition Navarin. - livre collectif, Édition Anthropos Economica.

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(Photo DR) Le professeur marseillai­s Hervé Castanet sera à Toulon demain.

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