Var-Matin (Grand Toulon)

« J’ai été frappé par des policiers italiens »

Ibrahim(1), 23 ans, Ghanéen

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«J’étais professeur d’arabe au Ghana. J’ai quitté mon pays parce que mon frère et moi étions suspectés d’homosexual­ité. En novembre , on s’est enfui tous les deux par le Niger, pour éviter d’être jetés en prison. Dans le désert libyen, mon frère a dit qu’il avait soif. Le chauffeur l’a sorti de la voiture, en plein désert. Je n’ai jamais revu mon frère, je pense qu’il est mort… Dans la ville de Sabha, en Libye, j’ai été vendu  dinars à un Libyen. Il m’a emmené dans une sorte de hangar, où au moins  Noirs étaient entassés, cernés par des hommes en armes. On mangeait une seule fois par jour, le soir, à  h, un morceau de pain. Chaque matin, ils nous frappaient pour qu’on appelle nos familles et que celles-ci envoient de l’argent. En fait, c’était un marché aux esclaves. Les Libyens venaient nous acheter pour nous faire travailler avec eux. Au bout de cinq mois, un peintre de Sabratah (ville lybienne sur la côte méditerran­éenne, Ndlr), Hassan, m’a acheté  dinars. J’ai travaillé avec lui de décembre à mai. Mais en juillet, un jeune Soudanais a tué un Libyen. En représaill­es, les Arabes ont commencé à tuer tous les Noirs qu’ils croisaient dans Sabratah. Dans les rues, sur les places, il y avait des corps partout. Le  juillet , vers  h du matin, Hassan m’a mis dans un bateau et m’a payé le voyage. Je suis arrivé en Sicile après deux jours de mer. J’ai déposé mes empreintes dès mon arrivée, c’est donc en Italie que je risque d’être renvoyé. Puis j’ai été transféré dans les Pouilles, dans un camp à Brindisi. Le  octobre, les Italiens ont refusé de m’accorder l’asile et m’ont donné l’ordre de partir. Mais je n’avais nulle part où aller et j’avais besoin d’un traitement pour un problème psychologi­que. Comme je ne voulais pas partir, trois policiers m’ont tiré dehors et m’ont frappé au visage avec une petite matraque. J’ai perdu une dent et j’ai encore des cicatrices... J’ai quitté le camp blessé, et ce n’est qu’à La Seyne que j’ai pu avoir un médicament contre l’anxiété et la dépression... » 1. Les prénoms ont été modifiés

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