Var-Matin (Grand Toulon)

Modernité sur la forme, ambitions sur le fond

- de MICHÈLE COTTA

L’interview du président de la République enregistré­e mardi dernier après la conférence sur le climat qu’il avait organisée, et diffusée hier soir dans le cadre du journal télévisé, est originale à plus d’un titre. Dans la forme d’abord. Depuis les entretiens avec le général de Gaulle dans les années soixante – cela ne date pas d’hier –, les téléspecta­teurs avaient droit, deux ou trois fois par an, à la même mise en scène : le Président derrière son bureau, en majesté, le ou les journalist­es face à lui posant selon un rite inaltérabl­e leurs questions sur la politique intérieure, étrangère, sociale menée par le chef de l’exécutif. De ce point de vue, l’entretien d’hier soir est d’une tout autre facture, dont, il faut rendre à César ce qui est à César, le présentate­ur de France , Laurent Delahousse est l’initiateur. Il voulait pouvoir interroger Emmanuel Macron « en liberté », debout, et non avec, en arrière-fond quasiment immuable, la traditionn­elle horloge devant laquelle tous les présidents, dans un maintien légèrement compassé, se figeaient depuis . Il souhaitait qu’il se déplace d’une pièce à l’autre du palais de l’Élysée, comme pour une conversati­on décontract­ée et sans embarras. Emmanuel Macron a accepté cette propositio­n, dont il a vu tout de suite quel parti il pouvait tirer : celui de la modernité. Voir cheminer l’un à côté de l’autre, interviewe­ur et interviewé, abordant tour à tour sereinemen­t les grands problèmes du quinquenna­t, du réchauffem­ent climatique à la paix au Moyen-Orient, des rapports avec Donald Trump au terrorisme, a permis de donner une image nouvelle du traditionn­el exercice de l’entretien présidenti­el. Une conversati­on fluide, et pas un corps à corps, où chacun des deux hommes faisait en quelque sorte son métier, sans agressivit­é de part et d’autre, avec un souci commun cependant : de dire et d’expliquer les choses. Sur le fond, même si c’était de dégradatio­n climatique que le Président voulait d’abord s’entretenir, Emmanuel Macron a parlé d’abord et avant tout de lui-même et de la France. Le Président est donc un homme qui dort peu, qui travaille la nuit, quitte à déranger ses collaborat­eurs, qui veut aller vite car il sait que le quinquenna­t ne lui laisse guère de temps. Un homme qui veut mettre en oeuvre le plus tôt possible ses promesses de campagne, ce qui n’est pas souvent le cas, convaincu que les mesures prises dès le début de son mandat, en juillet dernier, qu’il s’agisse de la réforme du travail, de la formation ou de l’apprentiss­age, vont porter leurs fruits dans les deux ans. Et qui, enfin, veut démontrer au monde entier comme aux Français eux-mêmes que la France est de retour. Pas aimable pour ses prédécesse­urs ? Sans doute. Emmanuel Macron ne manque en effet pas d’ambitions, ni pour lui, ni pour le pays. Ses adversaire­s ? Tous ceux qui pensent que la France ne peut désormais que se rétrécir. Ceux qu’il veut réunir ? Tous ceux qui pensent au contraire qu’une France moderne, une France de son siècle, a un rôle à jouer dans le concert des nations. Vaste programme.

Emmanuel Macron veut démontrer au monde entier comme aux Français euxmêmes que la France est de retour

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