Bernard Tapie renvoyé en correctionnelle
Neuf ans après s’être vu accorder un peu plus de 400 M€, l’homme d’affaires Bernard Tapie [doc RTBF] a été renvoyé en correctionnelle pour « escroquerie » et « détournement de fonds publics », dans l’affaire de l’arbitrage controversé qui devait solder son litige avec le Crédit lyonnais. L’ancien patron de l’Olympique de Marseille, qui lutte contre un cancer de l’estomac, doit être jugé avec cinq autres protagonistes, dont l’actuel patron d’Orange et ex-directeur de cabinet de la ministre de l’Economie Christine Lagarde, Stéphane Richard. Comparaîtront également un avocat de Bernard Tapie, Me Maurice Lantourne, l’un des trois arbitres ayant rendu l’arbitrage contesté, Pierre Estoup, ainsi que les anciens dirigeants des entités chargées de gérer le passif du Crédit lyonnais, le Consortium de réalisation (CDR) et l’Établissement public de financement et de restructuration, François Rocchi et Bernard Scemama. Ces cinq coprévenus ont été renvoyés pour « complicité de détournement de fonds publics » et pour « escroquerie », soit en tant qu’auteur, soit en tant que complice. S’y ajoutent pour Pierre Estoup le chef de « faux », pour avoir signé une déclaration d’indépendance vis-à-vis des parties malgré des liens antérieurs avec Bernard Tapie, et pour François Rocchi celui d’« usage abusif des pouvoirs sociaux par un dirigeant de société anonyme » pour avoir notamment agi « délibérément et de manière systématique et clandestine dans le sens des intérêts » de l’homme d’affaires, selon l’ordonnance des juges Serge Tournaire et Claire Thepaut.
« Soutiens politiques »
Dans ce document, daté du 18 décembre, les juges ont globalement suivi les réquisitions prises par le parquet de Paris en mars, sans retenir cependant la circonstance aggravante de « bande organisée ». Il y est aussi reproché à Bernard Tapie d’avoir activé « de façon incessante ses soutiens politiques » afin de substituer un arbitrage à la procédure judiciaire alors en cours pour régler son litige, d’avoir obtenu grâce à Me Lantourne la désignation comme arbitre de Pierre Estoup « qu’il savait acquis à ses intérêts » ou encore d’avoir « activ[é] à nouveau ses soutiens pour obtenir le renoncement du CDR à former un recours contre la sentence ». Joint par l’Agence France Presse, Bernard Tapie n’a pas souhaité réagir. « Enfin nous y voilà ! A l’audience, on verra la vérité sur le fond, qui est le voleur, qui est le volé », a déclaré son avocat, Hervé Témime, qui dénonce une instruction «exclusivement à charge ». « J’attends ce procès avec joie et gourmandise », a-t-il ajouté. Ce renvoi est « un non-événement dans le calendrier judiciaire », a commenté un porte-parole de Stéphane Richard, soulignant que le passage du motif d’« escroquerie en bande organisée » à « complicité d’escroquerie » était « une étape très importante dans la démonstration de son innocence ». « Cette ordonnance correspond à la vision que le CDR a du dossier », s’est félicité Benoît Chabert, son avocat.