Var-Matin (Grand Toulon)

Renaud Muselier : « Donner du sens à mon action »

A Marseille avec Edouard Philippe, puis dans les Alpes-Maritimes, le patron de la Région a décliné hier sa fibre écologique au coeur d’un territoire rebaptisé Sud, jugé plus valorisant que Paca

- DENIS CARREAUX PROPOS RECUEILLIS PAR DENIS CARREAUX ET THIERRY PRUDHON

Afond, Renaud Muselier. Le matin à Marseille pour accueillir Edouard Philippe, l’après-midi à Grasse puis à Nice, le président de la Région a fait un crochet par le siège de Nice-Matin hier soir. Accueilli par le PDG Jean-Marc Pastorino, le successeur de Christian Estrosi s’est livré avec franchise. « Quand j’ai accédé à la présidence, ma fille m’a dit : c’est très bien pour toi, mais à quoi à ça sert, la Région ? J’ai voulu donner du sens à mon action… » Cette quête de sens passe par une priorité absolue à ses yeux : l’environnem­ent, à travers un Plan climat unique en France. C’est pour cette raison que le Premier ministre lui a rendu visite hier à Marseille pour le lancement du premier label Une Cop d’avance dans un lycée de la ville. « Je veux mettre en place des actions sur trois ans, avec des effets sur vingt ans », insiste Renaud Muselier, surnommé affectueus­ement hier par le Premier ministre « le Schwartzy de la Méditerran­ée », en référence à l’ancien gouverneur très écolo de Californie, Arnold Schwarzene­gger. C’est clair, Muselier entend laisser une trace là ou l’équipe précédente (celle du socialiste Michel Vauzelle, ndlr) « avait donné la carte de crédit de la Région avec le code à un certain nombre de collectivi­tés et d’associatio­ns ». Bien dans son costume de président, Renaud Muselier songe-t-il quand même à la mairie de Marseille ? « Je ne suis pas bien à la Région ? », répond-il en éclatant de rire. Une certaine confusion règne sur le changement de nom de la Région depuis le vote d’une marque Sud, vendredi dernier… Il n’y a aucune confusion. Provence-Alpes-Côte d’Azur, il n’est pas question d’y toucher. Mais Paca est un acronyme imprononça­ble, qui ne veut rien dire. Ça n’a aucun sens au niveau français ni internatio­nal. J’ai regardé ce qui pouvait être le plus fédérateur, sans perturber nos territoire­s ni nos habitudes. Et donc, tout en gardant Provence-AlpesCôte d’Azur, je préfère qu’on dise et qu’on écrive Région Sud plutôt que Région Paca.

Certains trouvent ce nom réducteur. Pourquoi ne pas lancer une consultati­on populaire, comme cela a été fait dans le Grand-Est et les Hauts-de-France ? Parce qu’on ne mettra personne d’accord. JeanJacque­s Aillagon, l’ancien ministre de la Culture, a suggéré Provence. Mais croyez-vous que je pourrais venir tranquille­ment à Nice en ayant rebaptisé la Région Provence ? Ça n’a aucun sens. Nous avons beaucoup travaillé là-dessus. Je ne me suis pas réveillé un matin en me disant ce sera Sud. J’ai regardé nos forces et faiblesses par rapport aux autres régions européenne­s. Je crois que Sud incarne tout ce qui est positif. Ce n’est en rien réducteur, au contraire. Sud, c’est un territoire d’excellence, c’est la qualité de vie, bien plus que Paca. Et je précise que ce changement est gratuit.

Quelles sont vos relations avec Christian Estrosi ? Vous semblez avoir pris vos distances… Non, j’ai les mêmes distances qu’avant avec lui, c’est-à-dire une très grande proximité. Toute ma vie politique, j’ai toujours été loyal. Quand nous avons été élus en , dans des circonstan­ces difficiles, nous n’avions jamais travaillé ensemble. Mais il n’y a jamais eu le moindre accrochage entre nous. Dans une Région aussi compliquée, c’est un exploit politique et amical assez incroyable. Il a souhaité revenir à Nice et me transmettr­e le flambeau, c’est son choix. Mais pour autant, nous avons gardé la même proximité.

Qu’est-ce qui vous a incité, contrairem­ent à lui, à soutenir Laurent Wauquiez pour la présidence de LR ? Comme député européen, j’appartiens au PPE, le Parti populaire européen, qui est une famille très variée. La droite hongroise n’a rien à voir avec la droite française, qui n’a rien à voir avec la droite italienne. Je crois donc qu’il est important de savoir se parler au sein d’une famille politique. Ensuite, il fallait quelqu’un de compétent pour diriger un parti compliqué. Au regard des trois candidats en présence, je ne pouvais soutenir quelqu’un d’autre que Laurent Wauquiez. J’espère qu’il réussira à ce que chacun puisse s’exprimer et que notre parti respecte toutes les sensibilit­és.

Sera-t-il en capacité de rassembler avec tous les mouvements satellites de la droite qui se sont créés ? Je le souhaite et je vais essayer de l’aider. Certains sont partis et se retrouvent SPF, sans parti politique fixe. Les Constructi­fs n’existent pas, Agir n’existe pas, ce n’est rien, sinon un moyen pour des ovnis sans maison de se poser quelque part. Je ne vois pas de leader charismati­que ni de pensée nouvelle chez eux, juste un opportunis­me d’agrégation. Laurent Wauquiez doit éviter de se refermer, après une victoire qui constitue un réel succès démocratiq­ue. C’est désormais le chef, à lui de démontrer qu’il est capable de cheffer, à savoir de donner un sens à son action, dans le respect des différence­s de notre droite.

Il est toutefois difficile aujourd’hui de devenir le premier opposant au chef de l’Etat, qui a réduit les opposition­s à néant… Oui, mais il faut offrir des possibilit­és alternativ­es. Pour ma part, je suis Macron-compatible. En politique internatio­nale, il faut reconnaîtr­e qu’il a fait zéro faute et a reposition­né la France. Quand je défends mon Plan climat, je m’inscris dans la trace de M. Hulot, même s’il n’est pas ma tasse de thé politiquem­ent. La prise de conscience écologique est essentiell­e. Mais quand je me retrouve avec le Premier ministre qui nous enlève  millions d’aide, ce qui veut dire un mois et demi de TER et un lycée en moins, je n’ai pas l’intention de me laisser faire. L’élection de Macron a fait basculer d’une opposition mécanique obligatoir­e à une analyse raisonnabl­e et adaptée, au coup par coup.

Il était reproché à Michel Vauzelle de délaisser les Alpes-Maritimes. Cela a changé avec l’arrivée de Christian Estrosi. Allez-vous continuer à les soutenir ? Quand Christian Estrosi était président, j’avais sa délégation de signature sur les AlpesMarit­imes. Tous les dossiers depuis , c’est moi qui les ai signés et les AlpesMarit­imes ont été bien traitées. Dès le départ, nous avons veillé à l’équité territoria­le, alors qu’avant un habitant d’Arles avait deux fois et demie ce qui était donné à un habitant des Alpes-Maritimes, ce qui était une folie. Toute la Région est traitée de manière équitable. Nous aidons ainsi le tramway de Nice à hauteur de  M€, parmi bien d’autres projets. Je vais continuer à mettre de l’essence dans le moteur.

Quels efforts avez-vous consentis pour compenser la baisse des dotations ? Quand nous avons été élus, notre Région était la plus mauvaise de France en matière de gestion. En septembre dernier, elle a globalemen­t été classée comme la meilleure. Des efforts de fonctionne­ment ont été réalisés dès notre arrivée sur le personnel et le parc de véhicules. Avec la SNCF, nous ne payons plus les factures qui ne sont pas justifiées. Et puis je ne suis plus le tiroir-caisse des associatio­ns multiples et variées qui avaient la carte de crédit de la Région avec le code. Je viens du privé, je sais ce que c’est que de payer des charges. Je veux une collectivi­té au service de nos concitoyen­s, dont on comprenne à quoi elle sert. Et la lisibilité passe aussi par l’exemplarit­é financière.

Outre l’environnem­ent, quelles sont vos autres priorités pour  ? J’en ai trois, à commencer par les transports, qui ne peuvent rester aussi défaillant­s. Le bras de fer engagé avec la SNCF va donc perdurer, en essayant d’en tirer du positif. Les trains doivent partir et arriver à l’heure, avec une facture qui soit claire. Deuxième volet, les fonds européens, un milliard de fonds structurel­s et un milliard pour des appels à projets. Ils sont essentiels, car ils touchent aussi bien le port de Marseille que les

Sud incarne ce qui est positif” Le fil rouge reste l’environnem­ent”

villages les plus reculés. Dernier volet, la formation et l’emploi. Trop de postes restent vacants alors que nous avons des offres de travail. En termes de retour à l’emploi, nous sommes passés de  % à  % de réussite et nous visons les  %. Le fil rouge reste l’environnem­ent, qui nous permet de faire beaucoup de choses. Je veux des résultats à trois ans sur une vision à vingt ans. L’abandon de direction politique entretenai­t jusqu’en  le flou et la facilité. Je veux donner du sens à mon action.

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