Un documentaire inédit sur Yann Piat
Près de 24 ans après l’assassinat de la députée, le réalisateur Christian Philibert revient pour France 3 sur cette affaire et livre ses pistes, jusqu’à l’affaire d’Etat. Avant-première ce soir au Liberté
Christian Philibert est notamment l’auteur et réalisateur des Quatre saisons d’Espigoule, mais aussi du premier documentaire sur le Débarquement en Provence. Avec son coscénariste Jacques Dussard, il s’attaque maintenant à L’affaire Yann Piat. Après une avalanche d’écrits, films, émissions reprenant ou démontant les thèses les plus diverses, à moins d’un rebondissement improbable, d’une nouvelle investigation, que pouvait encore apporter un énième retour sur l’histoire du meurtre de la députée, abattue à Hyères, en 1994 ? Pour Christian Philibert, il s’agit en fait du premier documentaire historique sur le sujet. « Quand on parle de l’affaire, il y a le meurtre, mais il y a aussi toutes ses conséquences et l’instrumentalisation de cette affaire… Ça va bien plus loin que chercher juste à savoir qui a tué Yann Piat». La motivation de ses auteurs rejoint un sentiment partagé par bon nombre de Varois. « On s’est senti concernés, Jacques et moi par cette histoire. Lui est de Solliès-Pont, moi j’habitais à La Seyne dans les années 1990, et puis tous ces personnages, Arreckx, Fargette… c’était des incontournables dans le Var. Donc ça avait été un gros choc, la mort de Yann Piat et puis cela ne s’est plus arrêté jusqu’au procès en 1998. J’ai stocké tous les articles de l’époque, j’ai archivé des kilos et des kilos…», explique-t-il.
Archives et témoignages
A travers un important travail à partir des archives télévisuelles de l’époque, et les témoignages de six journalistes qui ont couvert ou suivi l’événement, – dont certains de Var-matin –, les auteurs livrent la synthèse la plus claire qui n’ait jamais été donnée sur le meurtre de cette députée de la République et ses multiples rebondissements. « C’était l’enjeu du film, déjà arriver à y comprendre quelque chose nous-mêmes et le rendre accessible», avoue Christian Philibert. Puis peu à peu, cette synthèse s’étend vers une autre interprétation que celle d’un simple règlement de compte mêlant de petites frappes, la seule vérité établie jusqu’à présent par la justice. « L’idée était de travailler à partir de témoignages de journalistes qui connaissaient bien le sujet et qui se recoupent quand même plus ou moins. Sur l’essentiel, personne n’est satisfait de l’issue du procès, en vérité. On connaît les meurtriers, on sait que Gérard Finale est probablement le commanditaire direct auprès de ces jeunes (1), mais c’est l’arbre qui vraisemblablement cache la forêt ». Des pistes «de réflexion», comme il les définit, sont lancées. Des pistes seulement, avec une certaine profusion, qui peut virer à la confusion. Une amorce assumée. «C’est plus aussi pour les futurs journalistes, pour les futurs historiens qui vont travailler sur cette affaire », explique Christian Philibert, qui ne prétend pas donner sa résolution de l’affaire.
« La guerre RPR-UDF »
L’auteur revient sur des hypothèses de l’époque qui avaient suscité un déchaînement médiatique. Notamment la thèse du livre L’affaire Yann Piat : des assassins au coeur du pouvoir, qui avaient entraîné la condamnation de ses auteurs, Jean-Michel Verne et André Rougeot, pour diffamation, ainsi que le retrait de l’ouvrage des librairies. C’est un des partis pris du documentaire, reconnaît Christian Philibert. Concernant le prétendu « général », informateur du livre de Verne et Rougeot, « Jacques Jojon, par exemple mériterait un travail spécifique de recherche, d’investigation. La question de la guerre RPR-UDF est aussi fondamentale dans ce film », précise-t-il. Il évoque aussi le décès d’un témoin, Delphine Capel, dans des circonstances jugées troubles. Les analyses et interrogations des six journalistes, Claude Ardid et Jean-Pierre Bonicco (alors à Var-matin), Jacques Bertolotti (France 3 Toulon), Jean-Michel Verne (journaliste d’investigation), Patrick Lallemant (RadioFrance) et José Lenzini (Le Monde) se succèdent. «Ce sont des gens qui ont travaillé des années, voire toujours, comme Claude Ardid, sur cette affaire ». À travers eux, Christian Philibert en reste persuadé, « il y a encore beaucoup à chercher autour de tout ça ». Les commentaires off avec la voix de l’acteur Charles Berling, et la musique de Gilbert Kayalik, du groupe Massilia sound system ajoutent à la dramaturgie de l’histoire, «qu’on a voulu raconter comme un polar », explique le réalisateur. Une mention spéciale aussi aux extraits d’archives concernant Maurice Arreckx, ancien député-maire de Toulon, dont un moment hautement surréaliste dans lequel ce dernier confie avoir récupéré de l’argent pour son parti sur un marché public. Finalement, peut-on en apprendre encore sur ce meurtre ? Christian Philibert n’est pas optimiste. « Mon postulat de départ a beaucoup évolué. Je crois que, finalement, on ne saura jamais. L’affaire Yann Piat va devenir un véritable mythe. C’est incroyable comme tout est complexe dans cette histoire, jusqu’à la personnalité même de Yann Piat. » 1. Le patron du bar Macama à Hyères. Lire aussi cidessous.