Financements libyens : A. Djouhri arrêté à Londres
Ahmed Djouhri, intermédiaire sulfureux, longtemps proche des cercles de pouvoir, notamment de Dominique de Villepin et de Nicolas Sarkozy, a été arrêté hier à Londres. Cet homme d’affaires a été interpellé à sa descente d’avion par la police britannique, mais dans le cadre d’une enquête française. Celle du présumé financement libyen de la campagne de 2007 dont les investigations conduisent directement sur la Côte d’Azur. Celui qui se fait appeler « Monsieur Alexandre » n’a pas laissé un grand souvenir à Mougins, dans ce petit hameau des Oliviers où « Alexandre » Djouhri aurait pourtant acquis l’une des plus belles villas du lotissement en 1998. C’est en tout cas ce dont semblent persuadés les magistrats parisiens qui, depuis près de cinq ans, enquêtent ans sur un possible financement par la Libye de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy.
À Mougins, la villa rachetée à prix d’or
À peine élu en 2007, l’ancien homme fort des Républicains avait été l’artisan du retour sur la scène publique du dictateur Libyen Mouammar Kadhafi, mis au ban de la communauté internationale depuis l’attentat de Lockerbie en 1988. Après l’avoir laissé planter sa tente en plein Paris, Nicolas Sarkozy avait aussi été l’artisan de sa chute en prenant la tête de la coalition qui allait conduire, à l’automne 2011, au renversement de Kadhafi et à sa mort. Depuis son bunker aménagé en plein Tripoli, le dictateur libyen avait menacé dans un message télévisé de tout balancer sur les arrangements financiers qui, selon lui, le liaient à l’ancien président de la République français. C’est sur ces soupçons de financement de campagne qu’enquête l’ancien juge niçois Serge Tournaire. Et ses investigations vont le ramener jusque sur la Côte d’Azur. À Mougins précisément. Le pôle financier de Paris s’intéresse en effet de près à une maison du hameau des Oliviers. Officiellement, la villa « Nabila », ainsi nommée parce qu’elle aurait appartenu à la fille du richissime marchand d’armes saoudien Adnan Khashoggi, a été rachetée en 1998 par une holding basée à Rotterdam. Néanmoins, l’ayantdroit économique de cette société offshore ne serait autre qu’Alexandre Djouhri. Jusque-là rien de bien extraordinaire, si ce n’est que la villa « Nabila » va voir sa valeur décupler au fil des ans. La propriété initialement acquise 762 000 euros va en effet faire l’objet d’une série de ventes en cascade jusqu’à cette ultime transaction avec un fond souverain libyen pour la bagatelle de... 10 millions d’euros ! Le marché immobilier de la Côte d’Azur, certes prospère, ne suffit pas à expliquer une telle plus-value. Encore moins les travaux d’aménagement de la villa « Nabila » puisqu’il n’y en aurait eu aucun ! La bâtisse a même un temps été squattée, au grand dam des autres copropriétaires. La question qui taraude dès lors les juges est : cette maison sur la Côte d’Azur a-telle été surestimée pour servir d’écran de fumée à une transaction d’une toute autre nature ? Car le fonds souverain qui a accepté de la payer à prix d’or n’est autre que le Libya Africa Investment Portofolio (LAP) dirigé à l’époque par Bechir Saleh, l’ancien directeur de cabinet de Mouammar Kadhafi ! Les interrogations de la justice semblent dès lors d’autant plus légitimes. Même si elles étaient jusque-là restées sans réponse. Alexandre Djouhri avait semble-til toujours refusé de se présenter aux convocations qui lui ont été remises. Il ne devrait plus pouvoir s’y soustraire cette fois.