Escale littéraire à Toulon
En , Blaise Cendrars publie « Boulinguer », qui évoque son passage dans onze ports du monde, dont Toulon. Son séjour à Toulon se situa entre et , à une adresse qu’il ne précise pas, si ce n’est que son appartement donne sur la darse, c’està-dire côté est du port. C’est le temps de Toulon porte des colonies, d’où partent les navires vers l’Afrique du nord, Saïgon ou Shanghaï, carrefour de marins venus du bout du monde, escale des romanciers de la mer comme Pierre Loti ou des « bourlingueurs » comme Cendrars. «… Comme j’ai eu vingtsept domiciles en France, j’en ai eu un à Toulon. Je payais francs par an le loyer de cette chambre haut suspendue. La fenêtre donnait sur la darse. Il y avait pour quatre sous de meubles. Comme il n’y avait pas d’eau à l’étage, un matelot allait la quérir à la borne-fontaine de l’arsenal… Le divan avait le mouvement et le ressort d’un éléphant qui se relève brusquement et vous fait chavirer comme une barque. Aucune dame ne m’a jamais demandé de qui je tenais ce meuble extraordinaire et quasi vivant. Je louais la chambre à un amiral. Mais peut-on compromettre un amiral? Puis je me moquais d’un amiral qui se trouvait dans la nécessité de me sous-louer entre et un dos d’éléphant à ressorts grinçants ? Le malheureux… Toulon est noyé comme dans un rêve d’opium. Adieu, belles estivantes et jeunes fous et vous, garçonnes au pied marin qui vous laissiez désarçonner, d’impromptu, par la volupté.»