Var-Matin (Grand Toulon)

Cour d’assises : « La veuve noire » a réponse à tout

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr

Veuve noire. L’expression dont Patricia Dagorn a été affublée paraît galvaudée à la voir si pâle, les yeux cernés, dans son survêtemen­t informe, au troisième jour de son procès pour empoisonne­ment. Une policière l’a comparée, lundi, à « Zézette » du Père Noël est une ordure, avec sa valise à roulettes plutôt qu’à Marie Besnard et son élégante mantille. En 2011, quand elle s’est inscrite dans une agence matrimonia­le de Saint-Raphaël, elle était décidée à séduire un riche retraité de la Côte d’Azur. Elle avait des atouts. Notamment son éloquence, qu’elle a gardée tout au long de son procès. Et son corps, qu’elle offrait à ceux qui l’hébergeaie­nt.

Filippone, un faux chèque de   euros

Après des débats parfois confus, Patricia Dagorn a été invitée, hier, à s’expliquer sur les vieux messieurs qui sont, à son contact, passés de vie à trépas. « Comment justifiez-vous ces relations si étroites en si peu de temps? », l’interpelle l’avocat général Annie Brunet-Fuster, qui sera chargée aujourd’hui de requérir une peine.

« Il y avait une recherche affective très forte. J’avais 50 ans. J’étais attirante[...] Je ne vais pas dire que c’était de l’amour, c’était de l’amitié profonde. C’étaient devenus des amis très chers ».

« Très chers, dans tous les sens du terme», remarque,

caustique, le magistrat de l’accusation. 85 ans, ancien du bâtiment il a été retrouvé mort, nu, à califourch­on sur sa baignoire, en février 2011 dans sa villa de Mouans-Sartoux. Patricia Dagorn assure n’avoir passé seulement « deux nuits et une journée » chez M. Filippone. « Je le dis haut et fort, je n’ai pas porté atteinte à la vie de M. Filippone. ». Les aides à domicile qui intervenai­ent chez le vieux monsieur au caractère difficile ont toujours eu des doutes sur les circonstan­ces de sa mort, lui qui ne prenait jamais de bains. Réputé avare, le retraité n’a pas hésité à signer un faux chèque de 750 000 euros, daté après sa mort, pour aider Patricia Dagorn à reprendre la gérance d’une bijouterie à Beausoleil. « Il fallait impression­ner la propriétai­re », précise l’accusé qui, sans un sou vaillant, a créé dix sociétés. « J’aimais cette bijouterie, et M. Filippone en était tombé amoureux », affirme-t-elle, micro en main, toujours aussi imperturba­ble. Quant aux retraits d’argent sur les comptes de M. Filippone ? « Jamais il ne m’a fait de retrait d’espèces pour moimême, jure-t-elle. La seule chose qu’il m’ait achetée, c’est un iPhone 6 ».

Le testament de Michel Knefel

Retrouvé mort en juillet 2011, dans un meublé de Nice. « Il n’avait rien mais je l’aidais de manière altruiste

», souligne l’accusée. Patricia Dagorn avait quitté leur chambre en la fermant à clef alors que Michel Knefel titubait. Devant la Cour, elle assure qu’elle avait alors obéi à ses injonction­s : « Michel était très addict. » « Pourquoi lui avoir acheté du whisky ? », questionne l’avocat général. « Je ne voulais pas l’énerver». «Pourquoi ne pas avoir prévenu sa fille de son décès ? « J’étais en garde à vue. » L’acétone, une cordelette et du ruban adhésif retrouvés sur elle ? « J’avais un instinct de faire un cadeau à mes enfants (...), l’acétone était destiné à enlever les étiquettes des paquets cadeaux ».

« Vous avez réponse àtout!» , ironise à plusieurs reprises l’avocat général Brunet-Fuster. Interrogée sur les traces de Valium retrouvées dans le sang de la victime, Patricia Dagorn ne se démonte pas : « Michel achetait des médicament­s à la sauvette ». Une affirmatio­n en contradict­ion avec ses déclaratio­ns aux enquêteurs. « Sa volonté était de faire quelque chose pour moi, de me laisser ne serait-ce que sa retraite», assure-t-elle quand le président Delaunay évoque un testament de Michel Knefel en sa faveur et des procuratio­ns sur ses comptes. Documents qu’elle a tenté de dissimuler aux policiers. Le verdict est attendu aujourd’hui. Patricia Dagorn encourt la perpétuité.

 ?? (Photo AFP Valéry Hache) ?? Patricia Dagorn sera fixée sur son sort aujourd’hui. Elle a dû affronter hier les questions de l’avocat général Annie Brunet-Fuster qui doit requérir ce jeudi matin.
(Photo AFP Valéry Hache) Patricia Dagorn sera fixée sur son sort aujourd’hui. Elle a dû affronter hier les questions de l’avocat général Annie Brunet-Fuster qui doit requérir ce jeudi matin.

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