Cour d’assises : « La veuve noire » a réponse à tout
Veuve noire. L’expression dont Patricia Dagorn a été affublée paraît galvaudée à la voir si pâle, les yeux cernés, dans son survêtement informe, au troisième jour de son procès pour empoisonnement. Une policière l’a comparée, lundi, à « Zézette » du Père Noël est une ordure, avec sa valise à roulettes plutôt qu’à Marie Besnard et son élégante mantille. En 2011, quand elle s’est inscrite dans une agence matrimoniale de Saint-Raphaël, elle était décidée à séduire un riche retraité de la Côte d’Azur. Elle avait des atouts. Notamment son éloquence, qu’elle a gardée tout au long de son procès. Et son corps, qu’elle offrait à ceux qui l’hébergeaient.
Filippone, un faux chèque de euros
Après des débats parfois confus, Patricia Dagorn a été invitée, hier, à s’expliquer sur les vieux messieurs qui sont, à son contact, passés de vie à trépas. « Comment justifiez-vous ces relations si étroites en si peu de temps? », l’interpelle l’avocat général Annie Brunet-Fuster, qui sera chargée aujourd’hui de requérir une peine.
« Il y avait une recherche affective très forte. J’avais 50 ans. J’étais attirante[...] Je ne vais pas dire que c’était de l’amour, c’était de l’amitié profonde. C’étaient devenus des amis très chers ».
« Très chers, dans tous les sens du terme», remarque,
caustique, le magistrat de l’accusation. 85 ans, ancien du bâtiment il a été retrouvé mort, nu, à califourchon sur sa baignoire, en février 2011 dans sa villa de Mouans-Sartoux. Patricia Dagorn assure n’avoir passé seulement « deux nuits et une journée » chez M. Filippone. « Je le dis haut et fort, je n’ai pas porté atteinte à la vie de M. Filippone. ». Les aides à domicile qui intervenaient chez le vieux monsieur au caractère difficile ont toujours eu des doutes sur les circonstances de sa mort, lui qui ne prenait jamais de bains. Réputé avare, le retraité n’a pas hésité à signer un faux chèque de 750 000 euros, daté après sa mort, pour aider Patricia Dagorn à reprendre la gérance d’une bijouterie à Beausoleil. « Il fallait impressionner la propriétaire », précise l’accusé qui, sans un sou vaillant, a créé dix sociétés. « J’aimais cette bijouterie, et M. Filippone en était tombé amoureux », affirme-t-elle, micro en main, toujours aussi imperturbable. Quant aux retraits d’argent sur les comptes de M. Filippone ? « Jamais il ne m’a fait de retrait d’espèces pour moimême, jure-t-elle. La seule chose qu’il m’ait achetée, c’est un iPhone 6 ».
Le testament de Michel Knefel
Retrouvé mort en juillet 2011, dans un meublé de Nice. « Il n’avait rien mais je l’aidais de manière altruiste
», souligne l’accusée. Patricia Dagorn avait quitté leur chambre en la fermant à clef alors que Michel Knefel titubait. Devant la Cour, elle assure qu’elle avait alors obéi à ses injonctions : « Michel était très addict. » « Pourquoi lui avoir acheté du whisky ? », questionne l’avocat général. « Je ne voulais pas l’énerver». «Pourquoi ne pas avoir prévenu sa fille de son décès ? « J’étais en garde à vue. » L’acétone, une cordelette et du ruban adhésif retrouvés sur elle ? « J’avais un instinct de faire un cadeau à mes enfants (...), l’acétone était destiné à enlever les étiquettes des paquets cadeaux ».
« Vous avez réponse àtout!» , ironise à plusieurs reprises l’avocat général Brunet-Fuster. Interrogée sur les traces de Valium retrouvées dans le sang de la victime, Patricia Dagorn ne se démonte pas : « Michel achetait des médicaments à la sauvette ». Une affirmation en contradiction avec ses déclarations aux enquêteurs. « Sa volonté était de faire quelque chose pour moi, de me laisser ne serait-ce que sa retraite», assure-t-elle quand le président Delaunay évoque un testament de Michel Knefel en sa faveur et des procurations sur ses comptes. Documents qu’elle a tenté de dissimuler aux policiers. Le verdict est attendu aujourd’hui. Patricia Dagorn encourt la perpétuité.