Var-Matin (Grand Toulon)

Tour Odéon: plus de corrupteur mais des présumés corrompus

A Aix, le ministère public a estimé que les éléments étaient insuffisan­ts pour poursuivre les frères Marzocco. En revanche, il a requis de lourdes peines contre le maire de Beausoleil et Lino Alberti

- ERIC GALLIANO egalliano@nicematin.fr

Àmoins que la justice française ait encore quelques mystères pour vous, rentrez donc à Monaco messieurs. » Aces mots du président de la cour d’appel, Claudio et Paolo Marzocco hésitent. Leurs avocats, eux, sont déjà en train de ranger leur dossier. Celui de la tour Odéon, le plus haut building de la Principaut­é sur lequel plane depuis neuf ans une présomptio­n de corruption. Les frères promoteurs auraient payé des « pots-de-vin » au maire de Beausoleil. Relaxés en première instance, le parquet ayant fait appel, les Marzocco ont dû s’en défendre une nouvelle fois. Mais leurs avocats, eux, n’ont pas eu à plaider leur cause.

Abandon des poursuites

Après quelques tergiversa­tions, le ministère public a finalement abandonné ses poursuites à leur encontre. Et le président Vincent Turbeaux n’avait, dès lors, d’autre choix que d’en prendre acte. Ce sera fait officielle­ment le 20 février lorsque la cour rendra son arrêt. Mais il n’est d’ores et déjà plus question de corruption concernant les promoteurs de la tour Odéon. Le ministère public, pourtant à l’origine de ce nouveau procès, avait dû l’admettre un peu plus tôt dans ses réquisitio­ns : «Je vous le dis franchemen­t, en l’état, les éléments relatifs à la présomptio­n de culpabilit­é de Paolo et Claudio Marzocco ne sont pas suffisants. » L’avocat général Pierre-Jean Gaury avait donc demandé à la cour de confirmer la relaxe prononcée en première instance. Les avocats des promoteurs monégasque­s avaient bondi sur l’occasion: « Pourquoi ne pas abandonner purement et simplement vos poursuites ?» Après avoir vérifié si cela était juridiquem­ent possible, c’est ce qu’il s’est finalement passé. Et au terme d’une ultime passe d’arme avec le bouillonna­nt Eric Dupond-Moretti, l’incisif président Vincent Turbeaux a bien dû s’y résoudre.

Condamnati­on requise contre Spinelli

Exit l’affaire Odéon ? Pas tout à fait. À défaut de corrupteur­s, le ministère public a estimé qu’il y avait néanmoins des présumés corrompus dans cette affaire. Il a ainsi requis à l’encontre du maire de Beausoleil, Gérard Spinelli, qui, lui aussi, avait pourtant bénéficié d’une relaxe en première instance, une peine de deux ans de prison dont 18 mois avec sursis, 50 000 euros d’amende et trois ans d’inéligibil­ité. De quoi faire bondir ses avocats. Eux ont donc longuement plaidé la cause de leur client. Me Vincensini a insisté sur l’absence d’éléments constituti­fs de l’infraction. Me Szepetowsk­i a, quant à lui, démonté point par point ce fameux pacte de corruption. Un document comportant les dix « services » qu’était censé rendre le premier magistrat, sauf qu’il n’aurait de pouvoir sur aucun d’eux. Enfin, Me Canu-Bernard, a stigmatisé l’instructio­n qui aurait trop vite estimé que le «Gérard» dont il était question dans les écoutes et qui figurait même sur des enveloppes de billets était Spinelli. Il faut dire que l’intermédia­ire de ce présumé pacte de corruption entre les Marzocco et le maire de Beausoleil, Lino Alberti, l’a lui-même avoué en garde à vue. Si ce n’est que ses déclaratio­ns n’ont cessé de varier au cours de ces neuf dernières années. L’entreprene­ur italomonég­asque a même livré une ultime version à la cour cette semaine. Après avoir été décrit par la chambre de l’instructio­n comme le «citoyen modèle qui collabore à l’enquête », Ange-Roméo Alberti, alias «Lino», est ainsi devenu le « punching-ball » de cette affaire judiciaire, déplore son avocat Me Franck de Vita. «Il a reçu des coups de tous les côtés. » Les avocats des autres prévenus ne l’ont évidemment pas ménagé. Mais c’est bien l’accusion qui lui a asséné le coup de grâce hier, en requérant à son encontre la peine la plus lourde : 4 ans de prison dont 2 avec sursis et un million d’euros d’amende. Si la cour devait s’y conformer ce serait tout de même «cruel» souligne Me de Vita.

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