La grande peur des catholiques
En un demi-siècle, le poids des catholiques a fondu dans notre société. Amorcé avant la révolution, le processus de déchristianisation de la France a pris une ampleur inédite, jusqu’à donner aux catholiques le sentiment d’être devenus une minorité paillasson. Alors qu’ils avaient accepté depuis des années une forme de modus vivendi avec la République, le mariage pour tous a constitué le casus belli qui a déclenché chez eux un « réarmement identitaire ». C’est cette volonté de peser à nouveau qu’analyse Jérôme Fourquet, patron du secteur Opinion à l’Ifop. « Beaucoup de catholiques, note-t-il, ont tiré la conclusion qu’il fallait désormais utiliser les armes de l’adversaire, puisque la sanctuarisation des valeurs chrétiennes n’était plus acquise. Les manifestations contre le mariage pour tous ont été un détonateur. » Ce mal-être né de l’affaiblissement implacable du christianisme se télescope avec le spectre d’une « islamisation de la France, version religieuse de la thèse démographique du grand remplacement ». Fourquet mesure, chez les catholiques, « l’inquiétude d’une concurrence entre une religion à la présence séculaire mais à l’audience déclinante, et une religion arrivée récemment et en pleine dynamique, au point qu’il faille doubler le nombre de ses lieux de culte ». Alors que moins d’un catholique sur deux se dit aujourd’hui favorable à l’accueil des migrants et que la tolérance au port du foulard islamique est de plus en plus faible, la crainte d’un régime de terreur où l’islam ferait passer le catholicisme sous ses fourches caudines, renforcée par le meurtre du père Hammel, s’est traduite par le soutien à une droite des valeurs. Cette bascule, remarque Jérôme Fourquet, « a généré à partir de une poussée du FN dans l’électorat catholique, qui était pourtant jusqu’ici l’un des plus réfractaires au vote frontiste. Ce vote est monté de % à % entre mars et décembre ». Marion Maréchal-Le Pen en a bénéficié lors des régionales, avant que François Fillon ne courtise à son tour Sens commun. L’électorat catholique pratiquant s’est mobilisé à % en sa faveur au premier tour de la primaire et à % encore à la présidentielle. Les débats à venir sur l’élargissement de la PMA diront l’état de mobilisation de cet électorat sur les questions sociétales, alors que le mariage pour tous est aujourd’hui une mutation majoritairement actée.