Le mouvement de grève se durcit à la prison
À la prison varoise, c’est du jamais vu. Hier matin, des agents pénitentiaires, surveillants et autres personnels de l’établissement ont refusé de prendre leur service. Une désobéissance rare
C’est l’agression de Borgo, qui a tout fait basculer. Hier matin, alors que les surveillants de la prison de La Farlède bloquaient l’entrée de leur établissement – mouvement de protestation entamé lundi dans toute la France – ils ont appris que deux de leurs collègues avaient été attaqués par des détenus, dans la prison de Borgo (Corse). Blessures sérieuses au thorax et au cou (voir en pages France). « L’établissement était bloqué depuis 5 h 15 du matin, relate Ezechiel Terrier, délégué régional adjoint en Paca pour la CGT pénitentiaire. Les forces de l’ordre nous ont délogés vers 10 h 15. Et dans le même temps, on a appris pour Borgo. On craignait même que le pronostic vital soit engagé, à ce moment-là .»
« Une telle action est exceptionnelle »
Dans les rangs des surveillants, la colère gronde. L’incident de trop ? Ils le disent et le répètent depuis des mois. Mais la succession des agressions ces derniers jours a exacerbé le mécontentement, profitant de la caisse de résonance du mouvement social. Fait rarissime, les portes de la prison ont donc été débloquées, mais ne se sont pas ouvertes pour autant. « Les collègues ont refusé de prendre le service, note David Mantion, secrétaire régional adjoint de l’UFAP Justice. Sachant qu’on est sous statut spécial, qui ne reconnaît pas le droit de grève, une telle action est exceptionnelle. » Selon les témoignages, des personnels administratifs, d’insertion, du secteur médical et même des prestataires privés n’ont pas bougé. « Personne n’a été empêché d’entrer », c’est « le personnel [qui] a refusé de prendre les clés », décrivent les syndicats, auxquels la section FO pénitentiaire de La Farlède s’est jointe. Plusieurs dizaines de personnes sont ainsi restées de marbre, debout et dehors, y compris lorsque le chef d’établissement est venu une première fois leur faire l’injonction d’usage de prendre le service. En cas de refus, les agents s’exposent à des sanctions, «qui peuvent aller de l’avertissement à la révocation », souligne la CGT. Après le deuxième coup de semonce de la direction, claironné à 12h25, les agents pénitentiaires ont repris les clés, comme ils disent – «mais la mort dans l’âme ; cela n’a pas été évident de se convaincre d’y retourner ».À13h,laprison avait achevé son mouvement spontané de solidarité. Si la direction de La Farlède a refusé de faire tout commentaire, il a été reconnu qu’un «certain nombre» d’agents pénitentiaires n’avait pas pris le service entre 10 h 30 et 13 h. La préoccupation de la direction étant «de faire tourner l’établissement de façon suffisamment sécure pour les agents à l’intérieur, et pour les détenus ». C’est sur les moyens d’y arriver que les avis divergent.