La sexualité est finalement plus acquise qu’innée Sexo
On pourrait croire qu’elle va de soi, que chacun sait intuitivement comment (se) procurer du plaisir. Et pourtant, le poids de l’éducation est bien plus important que ce que l’on pense
La sexualité, est-ce ça s’apprend ? Sommesnous programmés pour savoir comment cela fonctionne ? Sait-on intuitivement comment procurer et se procurer du plaisir ? Ou est-ce le résultat d’un processus d’acquisition ? Lorsque la sexologue toulonnaise Sandra Guiadeur s’est penchée sur ces questions, elle a été surprise : « Quand je me suis plongée dans la littérature sur ce sujet, j’ai constaté qu’il avait été très peu traité. » C’est donc en s’appuyant sur son expérience professionnelle qu’elle a fait le ménage dans les croyances populaires et les a priori. Elle constate : « Dès la naissance, beaucoup de mécanismes pulsionnels sont déjà là. Le corps est en capacité à ressentir les caresses, par exemple. » Pourtant, la suite des événements est davantage liée à des acquisitions.
L’inceste, interdit universel
« Rapidement dans l’éducation, on va avoir des discours différents selon qu’il s’agit d’une fille ou d’un garçon. Et ce, dès la grossesse. À la naissance, on va inconsciemment plaquer des notions sur les bébés en fonction de leur sexe. On le voit par exemple dans le portage : on ne porte pas de la même manière un bébé fille qu’un bébé garçon », avance Sandra Guiadeur. Encore une fois, tout cela relève quasiment du domaine de l’inconscient… et du poids de l’héritage. Nous sommes des êtres sociaux. Peu importe où nous arrivons au monde, nous grandissons toujours au sein d’une famille, d’une société. Un ensemble de règles et de codes régit les rapports entre tous, y compris – et surtout, pourraiton ajouter – en ce qui concerne l’intimité et la sexualité. « La culture et la morale vont prendre en charge le corps sexué. La première règle, universelle, est l’interdit de l’inceste », souligne la sexologue. Ensuite, c’est autour de cela que s’érigent les normes et coutumes. « Lorsqu’on éduque un enfant, on lui apprend ce qui est autorisé et ce qui ne l’est pas. La sexualité est entourée de codes et de « La culture rites. Il y a là
et la morale une grande dimension
prennent sociale d’autant
en charge le que ces normes ont des aspects
corps sexué » juridiques, religieux, politiques. Sandra Guiadeur » Par exemple, le crime sexuel est devenu condamnable au fil de l’évolution. Car dans les premiers temps, ce que l’on définit aujourd’hui comme des agressions sexuelles ne l’étaient pas toujours. Mais les choses ont changé (et heureusement). Autre exemple, dans un registre moins dramatique : c’est encore la société (sous l’influence de l’Église) qui établissait le principe de virginité avant le mariage. Une règle que les garçons, et surtout les filles, ont intégrée et qui a donc dicté leur sexualité. À moins qu’ils ne soient sciemment allés à l’encontre de ces us avec lesquels ils étaient en opposition.
Elle évolue avec la société
Si la sexualité a une dimension acquise, elle évolue avec les normes. « Par exemple, des pratiques telles que l’excision sont de plus en plus remises en cause, malgré une tradition encore ancrée dans certaines cultures, note la Toulonnaise. La science, les données biologiques, les risques sanitaires (et les coûts qu’ils engendrent) mais aussi la psychologie permettent de faire bouger les lignes. » La sexualité n’est donc pas figée et suit les changements sociétaux. Aujourd’hui, il apparaît plus évident que le genre – qu’est-ce qu’être homme, qu’est-ce qu’être femme –, est aussi le fruit d’une construction intellectuelle. Sandra Guiadeur remarque toutefois que « malgré toutes les avancées en termes d’égalité, de liberté, il y a toujours des discours très sexués. Ainsi, la femme est toujours perçue comme un être à protéger, mais dans le même temps, les jugements sont toujours plus sévères à son encore. Les clichés sont tenaces : lorsqu’un homme enchaîne les aventures, c’est un séducteur, alors que si c’est une femme, elle sera perçue comme… légère. » Le poids de l’éducation, de l’apprentissage étant tellement prégnant qu’il apparaît logique que les générations ne vivent pas les mêmes choses et n’aient pas la même grille de lecture.
Sexologue
Sandra Guiadeur animera un café sexo sur le thème du harcèlement ce lundi 22 au
à Toulon de 19 h à 21 h. Rens. 06.78.42.14.96.