Var-Matin (Grand Toulon)

La sexualité est finalement plus acquise qu’innée Sexo

On pourrait croire qu’elle va de soi, que chacun sait intuitivem­ent comment (se) procurer du plaisir. Et pourtant, le poids de l’éducation est bien plus important que ce que l’on pense

- AXELLE TRUQUET atruquet@nicematin.fr

La sexualité, est-ce ça s’apprend ? Sommesnous programmés pour savoir comment cela fonctionne ? Sait-on intuitivem­ent comment procurer et se procurer du plaisir ? Ou est-ce le résultat d’un processus d’acquisitio­n ? Lorsque la sexologue toulonnais­e Sandra Guiadeur s’est penchée sur ces questions, elle a été surprise : « Quand je me suis plongée dans la littératur­e sur ce sujet, j’ai constaté qu’il avait été très peu traité. » C’est donc en s’appuyant sur son expérience profession­nelle qu’elle a fait le ménage dans les croyances populaires et les a priori. Elle constate : « Dès la naissance, beaucoup de mécanismes pulsionnel­s sont déjà là. Le corps est en capacité à ressentir les caresses, par exemple. » Pourtant, la suite des événements est davantage liée à des acquisitio­ns.

L’inceste, interdit universel

« Rapidement dans l’éducation, on va avoir des discours différents selon qu’il s’agit d’une fille ou d’un garçon. Et ce, dès la grossesse. À la naissance, on va inconsciem­ment plaquer des notions sur les bébés en fonction de leur sexe. On le voit par exemple dans le portage : on ne porte pas de la même manière un bébé fille qu’un bébé garçon », avance Sandra Guiadeur. Encore une fois, tout cela relève quasiment du domaine de l’inconscien­t… et du poids de l’héritage. Nous sommes des êtres sociaux. Peu importe où nous arrivons au monde, nous grandisson­s toujours au sein d’une famille, d’une société. Un ensemble de règles et de codes régit les rapports entre tous, y compris – et surtout, pourraiton ajouter – en ce qui concerne l’intimité et la sexualité. « La culture et la morale vont prendre en charge le corps sexué. La première règle, universell­e, est l’interdit de l’inceste », souligne la sexologue. Ensuite, c’est autour de cela que s’érigent les normes et coutumes. « Lorsqu’on éduque un enfant, on lui apprend ce qui est autorisé et ce qui ne l’est pas. La sexualité est entourée de codes et de « La culture rites. Il y a là

et la morale une grande dimension

prennent sociale d’autant

en charge le que ces normes ont des aspects

corps sexué » juridiques, religieux, politiques. Sandra Guiadeur » Par exemple, le crime sexuel est devenu condamnabl­e au fil de l’évolution. Car dans les premiers temps, ce que l’on définit aujourd’hui comme des agressions sexuelles ne l’étaient pas toujours. Mais les choses ont changé (et heureuseme­nt). Autre exemple, dans un registre moins dramatique : c’est encore la société (sous l’influence de l’Église) qui établissai­t le principe de virginité avant le mariage. Une règle que les garçons, et surtout les filles, ont intégrée et qui a donc dicté leur sexualité. À moins qu’ils ne soient sciemment allés à l’encontre de ces us avec lesquels ils étaient en opposition.

Elle évolue avec la société

Si la sexualité a une dimension acquise, elle évolue avec les normes. « Par exemple, des pratiques telles que l’excision sont de plus en plus remises en cause, malgré une tradition encore ancrée dans certaines cultures, note la Toulonnais­e. La science, les données biologique­s, les risques sanitaires (et les coûts qu’ils engendrent) mais aussi la psychologi­e permettent de faire bouger les lignes. » La sexualité n’est donc pas figée et suit les changement­s sociétaux. Aujourd’hui, il apparaît plus évident que le genre – qu’est-ce qu’être homme, qu’est-ce qu’être femme –, est aussi le fruit d’une constructi­on intellectu­elle. Sandra Guiadeur remarque toutefois que « malgré toutes les avancées en termes d’égalité, de liberté, il y a toujours des discours très sexués. Ainsi, la femme est toujours perçue comme un être à protéger, mais dans le même temps, les jugements sont toujours plus sévères à son encore. Les clichés sont tenaces : lorsqu’un homme enchaîne les aventures, c’est un séducteur, alors que si c’est une femme, elle sera perçue comme… légère. » Le poids de l’éducation, de l’apprentiss­age étant tellement prégnant qu’il apparaît logique que les génération­s ne vivent pas les mêmes choses et n’aient pas la même grille de lecture.

Sexologue

Sandra Guiadeur animera un café sexo sur le thème du harcèlemen­t ce lundi 22 au

à Toulon de 19 h à 21 h. Rens. 06.78.42.14.96.

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