Signé Roselyne
Mardi
L’Insee, l’Institut national de la statistique et des études économiques, nous apprend que le taux de fécondité s’établit pour à , enfant par femme et baisse pour la troisième année consécutive. C’est un signal qui mérite d’être analysé mais il faudrait se garder de conclusions hâtives et/ou catastrophistes. Des conclusions définitives méritent un recul plus important et on note d’ailleurs que ce taux de , était celui enregistré en avant de remonter à , en . Surtout, le taux de fécondité sur une année n’est pas un élément dirimant, ce qui compte est le chiffre de la descendance finale par femme. Il est très possible que cette inflexion soit due à des décisions de naissances plus tardives de la part de femmes qui souhaitent affermir leur carrière professionnelle avant de devenir mères. C’est ainsi que l’âge moyen à la première naissance est maintenant de ans alors qu’il n’était que de ans en . Ce recul est continu et infléchit les chiffres annuels pour se compenser par la suite. C’est d’ailleurs l’explication du bon chiffre de sans que cela soit le signe d’une volonté de faire plus d’enfants… Ce qui est amusant dans la parution de ces chiffres a été le festival d’âneries proférées devant les micros, la palme étant attribuée à un représentant de La France insoumise imputant cela à … Emmanuel Macron ! Pauvre bichon… alors que par définition, tous les enfants nés en ont été conçus avant son élection. Nous avons entendu les inaltérables litanies de l’explication sociale liant cette baisse au chômage et à la pauvreté, sauf que on ne peut faire cette corrélation nulle part en Europe et que des pays comme l’Allemagne ont un taux de fécondité bas et un chômage à , %. Caramba, encore raté ! La mise en accusation de François Hollande est plus factuellement pertinente tant il est vrai que la politique familiale a subi sous son quinquennat des coups de boutoirs sans précédent : modulation des allocations familiales, baisse du quotient familial, diminution des aides pour les emplois à domicile. Toutes ces décisions ont certes créé un climat d’insécurité qui considérait l’enfant comme un gêneur d’autant que les économies réalisées n’ont été d’aucune façon fléchées vers les familles pauvres. Toutefois soutenir qu’un ménage qui gagne € par mois aurait renoncé à un second enfant au motif que ses allocations familiales étaient passées de à euros paraît peu recevable. Le signal d’alerte des chiffres de l’Insee doit nous conduire à éviter les mises en causes partisanes qui ne servent aux politiques qu’à se défausser de leurs responsabilités.
Nous sommes aujourd’hui amenés à rénover en profondeur une politique familiale conçue avant tout comme redistributive en une vraie politique d’égalité des chances pour nos enfants et de promotion des femmes, à passer d’aides monétaires et parfois détournées de leur objet, à des offres de service, soutien à la parentalité, crèches, structures d’accueil périscolaire, management pro-famille dans les entreprises. C’est tout cela que les pères et les mères attendent aujourd’hui et non de voir augmenter l’allocation de rentrée scolaire de quelques euros.
Mercredi
La décision d’abandonner le projet d’aéroport sur Notre-Dame-des-Landes ne faisait plus mystère et le suspense n’a été savamment organisé par le gouvernement que pour enfumer l’opinion publique et les élus du Grand-Ouest. Rendons hommage à Emmanuel Macron et à Edouard Philippe pour cette opération menée de main de maître : nomination d’une mission d’expertise qui bâcle en quelques semaines un rapport tronqué qui se garde bien d’évoquer la finalité interrégionale du projet et ses enjeux démocratiques puis réception à Matignon des représentants politiques et économiques de la façade atlantique qu’on feint d’écouter avec la plus grande considération sur le mode “cause toujours, tu m’intéresses”… Pour donner crédibilité à une éventuelle démarche martiale, le gouvernement masse plusieurs escadrons de gardes mobiles autour du site faisant croire qu’on se prépare à une évacuation musclée. Vous pensez que je vois le mal partout ? Si vous doutiez que ces manoeuvres n’étaient que pure diversion, il vous suffirait de constater la parfaite équanimité de Nicolas Hulot pendant ces prolégomènes. Il affichait la mine sereine du responsable empathique qui ne conditionne plus son maintien au ministère de l’Écologie à l’abandon du nouvel aéroport et semble écouter avec intérêt les arguments de ses défenseurs comme si tout était encore possible. Il n’est pas besoin d’être grand clerc en politique pour savoir qu’une décision favorable à Notre-Dame-des-Landes aurait entraîné sa démission, sauf pour lui à tomber dans le déshonneur et le ridicule. La sérénité un peu lointaine dont il a fait montre, contrastant d’ailleurs avec certaines déclarations combatives proférées après sa prise de fonction, ne peut avoir qu’une origine, l’assurance qu’il a obtenue depuis belle lurette que l’équipement était – si j’ose dire – enterré. Notre-Damedes-Landes est devenu le symbole du renoncement et les ennuis ne font que commencer. Finalement, les questions de coût sont subalternes et je ne doute pas que la puissance publique jouisse de mesures d’intimidation assez fortes pour négocier au mieux le dédommagement dû à Vinci. Ce qui est plus grave est qu’Emmanuel Macron nous a vendu dans sa campagne le modèle d’une France qui gagne, qui innove, qui conquiert, celle des « premiers de cordée » qui entraînent tous les autres et il a cédé devant des activistes dépenaillés qui vivent de minima sociaux dans des cabanes lugubres en faisant litière du droit de propriété, en méprisant la démocratie représentative et en attaquant les forces de l’ordre. La mèche lente ainsi allumée dans notre vivre-ensemble n’a pas fini de faire des dégâts.
Vendredi
Je vous conseille la lecture du livre du journaliste Vincent Jauvert paru chez Robert Laffont Les Intouchables d’État. Au terme de deux ans d’enquête fouillée, l’auteur détaille toutes les turpitudes et les connivences qui sévissent dans la haute administration. Il révèle aussi les indécentes rémunérations complétées par de juteuses prestations, les allers et retours entre public et privé au risque majeur de conflits d’intérêts, l’impunité totale dont jouit cette noblesse d’Etat qui ne rend aucun compte même quand elle a failli. J’aurais pu moi-même compléter l’ouvrage par quelques anecdotes éclairantes qui ont jalonné mes parcours ministériels. Je me souviens de cet arbitrage rendu par Jean-Pierre Raffarin et que j’avais gagné contre Francis Mer, le ministre des Finances. Alors ministre de l’Ecologie, je me battais pour que ne soient pas vendues au privé nos autoroutes. En remontant dans la voiture, le conseiller qui m’accompagnait me présente ses félicitations pour cette victoire. Sans illusions, je lui ai rétorqué : « Vous verrez, à la fin, Bercy gagne toujours. » Deux ans après, Dominique de Villepin devenait Premier ministre et, pressé de réduire le déficit par le ministère des Finances, vendait les joyaux de famille… On sait ce qu’il en est advenu aujourd’hui. Le seul reproche qu’on pourrait faire au livre est ce sous-titre contestable Bienvenue en Macronie qui laisse accroire que ces scandales relèveraient du nouveau Président alors que ces ignominies sévissent depuis des décennies comme le prouvent d’ailleurs tous les exemples donnés par Vincent Jauvert. Dommage que l’esprit de système – à moins que ce ne soit une démarche commerciale peu scrupuleuse – ne risque de transformer une étude utile en un pamphlet racoleur.
« Notre-Dame-des-Landes est devenu le symbole du renoncement et les ennuis ne font que commencer. »