Var-Matin (Grand Toulon)

«Les gens pensent à tort que c’en est fini de la LGV»

Avant une réunion publique ce vendredi soir à Signes, Didier Cade, président du collectif “Stop LGV Sud Ste-Baume”, se dit «très inquiet» de voir le grand projet ferroviair­e continuer sa route

- PROPOS RECUEILLIS PAR MATTHIEU DALAINE mdalaine@nicematin.fr

Quand on lui passe un coup de fil ce jour-là, Didier Cade est au grand air, en train de tailler sa vigne au Castellet. Loin des problémati­ques touchant aux grands travaux d’infrastruc­tures ? Pas vraiment. Pour le viticulteu­r et président du collectif « Stop LGV Sud Sainte-Baume », le combat contre le projet de nouvelle ligne ferroviair­e entre Marseille et Nice est plus que jamais d’actualité.

C’est vrai ce qu’on dit : le projet de LGV est abandonné ? Mais pas du tout ! D’ailleurs on ne dit plus LGV mais Ligne nouvelle Provence Côte d’Azur : LN PCA. Le nom a changé en , histoire de tenter de nous faire croire que la vitesse n’est plus la seule raison d’être de cette ligne. C’est de l’enfumage, quoi.

Pourquoi de l’enfumage ? La vitesse reste la raison d’être de cette ligne ? Le projet est exactement le même qu’avant ! Sauf que la communicat­ion, depuis peu, se fait autour de l’idée que la e ligne doit aussi « répondre aux besoins de déplacemen­ts du quotidien ».

C’est de la com’, d’accord. Mais ce n’est pas si grave… Ah si ! Car si vraiment c’est un nouveau projet, il faut relancer une procédure : un grand débat comme en , une enquête, une déclaratio­n d’utilité publique… Bref, qu’ils reprennent tout à zéro. On a d’ailleurs porté l’affaire devant le tribunal administra­tif de Paris.

Bon, revenons à nos wagons : le président Macron n’avait pas laissé entendre qu’il laissait tomber le projet ? Tout à fait. En tant que candidat, il s’était engagé à laisser tomber les grands projets d’infrastruc­tures pour prioriser les transports du quotidien. Promesse qu’il a réitérée une fois élu. Mais depuis, on est très inquiet de ce qu’il se passe. Et notamment des derniers signaux envoyés par la ministre des Transports Élisabeth Borne.

Qu’est-ce qu’elle dit la ministre des Transports ? Pas grand-chose. Mais c’est elle qui désigne les membres du Conseil d’orientatio­n des infrastruc­tures qui doit évaluer le caractère prioritair­e du projet de la LN PCA. Et le problème c’est que son président, Philippe Duron, c’est déjà celui qui avait mené ce travail lors du quinquenna­t précédent avec la commission « Mobilité  » et qui avait validé la ligne. En gros, le dossier n’est pas du tout remis en cause.

Vous dites que vous êtes inquiet mais elle semble quand même loin d’être sur les rails cette ligne, non ? Le tracé des métropoles a été validé par Borloo en . La première phase la désaturati­on des noeuds ferroviair­es de Marseille et Nice - a été validée par le gouverneme­nt précédent. La déclaratio­n d’utilité publique est prévue pour . Ça peut aller vite. Le train ne roulera pas demain mais c’est maintenant que se prennent les décisions. Et le problème, c’est que nos élus locaux n’ont pas l’air d’en avoir conscience.

Vous estimez que vous n’êtes pas soutenus ? Disons qu’ici, dans Sud Sainte-Baume, on a le soutien de la plupart des maires. Mais du bout des lèvres. Ceux qui savent désormais que le tracé ne passera pas sur leur territoire sont nettement moins virulents. Comme les élus du conseil régional font le forcing derrière la LGV - ils viennent de signer une motion et d’écrire au Président - ils se taisent.

Quels sont vos leviers d’action ? Communique­r auprès des population­s déjà. Ce sont elles qui peuvent motiver les élus. L’opposition au projet est assez forte dans le Var mais les trois quarts des gens pensent que c’en est fini de la LGV. Il faut à tout prix qu’ils comprennen­t que c’est tout l’inverse : le projet avance. Aujourd’hui, il faut un nouveau débat public.

Qu’est-ce qui vous déplaît le plus dans ce projet ? Son coût ? Déjà. Plus de  milliards d’euros pour le tout, ça en fait le projet le plus cher au monde jamais proposé. On a calculé : ça fait  millions d’euros au kilomètre ! Et six milliards d’euros pour gagner un quart d’heure entre Marseille et Toulon…

Il y a quand même du développem­ent économique derrière… Vu comme ça va plomber les finances publiques, je ne vois pas comment… Ou alors pour quelques privilégié­s. Pour désengorge­r, on peut rouvrir la ligne CarnoulesG­ardanne. Et pour améliorer les cadences sur la voie existante, il y a des solutions techniques.

Oui, enfin, elle date de  cette ligne… Ça aussi, c’est leur com’ ! C’est le tracé qui date de . La ligne a été refaite régulièrem­ent, et pourrait l’être encore.

Et sur le volet environnem­ental ? Le tracé épargne l’AOC Bandol quand même… Peut-être. Mais la pollution des travaux alors ? Trente ans de chantier, c’est trente ans de pollution. Avec les nombreux ouvrages d’art qui seront nécessaire­s - pont, tunnel… - va aussi se poser la question d’où on met les millions de mètres cubes de déblais. Et quid des sources, des rivières que l’on va détourner aussi ?

Bon, honnêtemen­t, si demain elle voit le jour, vous la prendrez quand même cette LN PCA, non ? Pour faire quoi ? Aller à Nice ? Jamais de la vie, je suis très bien ici.

C’est le projet le plus cher au monde ! ”

 ?? (Photo doc. Dominique Leriche) ?? Didier Cade craint que le nouveau gouverneme­nt ne renonce pas à la Ligne nouvelle Provence Côte d’Azur.
(Photo doc. Dominique Leriche) Didier Cade craint que le nouveau gouverneme­nt ne renonce pas à la Ligne nouvelle Provence Côte d’Azur.

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