«Les gens pensent à tort que c’en est fini de la LGV»
Avant une réunion publique ce vendredi soir à Signes, Didier Cade, président du collectif “Stop LGV Sud Ste-Baume”, se dit «très inquiet» de voir le grand projet ferroviaire continuer sa route
Quand on lui passe un coup de fil ce jour-là, Didier Cade est au grand air, en train de tailler sa vigne au Castellet. Loin des problématiques touchant aux grands travaux d’infrastructures ? Pas vraiment. Pour le viticulteur et président du collectif « Stop LGV Sud Sainte-Baume », le combat contre le projet de nouvelle ligne ferroviaire entre Marseille et Nice est plus que jamais d’actualité.
C’est vrai ce qu’on dit : le projet de LGV est abandonné ? Mais pas du tout ! D’ailleurs on ne dit plus LGV mais Ligne nouvelle Provence Côte d’Azur : LN PCA. Le nom a changé en , histoire de tenter de nous faire croire que la vitesse n’est plus la seule raison d’être de cette ligne. C’est de l’enfumage, quoi.
Pourquoi de l’enfumage ? La vitesse reste la raison d’être de cette ligne ? Le projet est exactement le même qu’avant ! Sauf que la communication, depuis peu, se fait autour de l’idée que la e ligne doit aussi « répondre aux besoins de déplacements du quotidien ».
C’est de la com’, d’accord. Mais ce n’est pas si grave… Ah si ! Car si vraiment c’est un nouveau projet, il faut relancer une procédure : un grand débat comme en , une enquête, une déclaration d’utilité publique… Bref, qu’ils reprennent tout à zéro. On a d’ailleurs porté l’affaire devant le tribunal administratif de Paris.
Bon, revenons à nos wagons : le président Macron n’avait pas laissé entendre qu’il laissait tomber le projet ? Tout à fait. En tant que candidat, il s’était engagé à laisser tomber les grands projets d’infrastructures pour prioriser les transports du quotidien. Promesse qu’il a réitérée une fois élu. Mais depuis, on est très inquiet de ce qu’il se passe. Et notamment des derniers signaux envoyés par la ministre des Transports Élisabeth Borne.
Qu’est-ce qu’elle dit la ministre des Transports ? Pas grand-chose. Mais c’est elle qui désigne les membres du Conseil d’orientation des infrastructures qui doit évaluer le caractère prioritaire du projet de la LN PCA. Et le problème c’est que son président, Philippe Duron, c’est déjà celui qui avait mené ce travail lors du quinquennat précédent avec la commission « Mobilité » et qui avait validé la ligne. En gros, le dossier n’est pas du tout remis en cause.
Vous dites que vous êtes inquiet mais elle semble quand même loin d’être sur les rails cette ligne, non ? Le tracé des métropoles a été validé par Borloo en . La première phase la désaturation des noeuds ferroviaires de Marseille et Nice - a été validée par le gouvernement précédent. La déclaration d’utilité publique est prévue pour . Ça peut aller vite. Le train ne roulera pas demain mais c’est maintenant que se prennent les décisions. Et le problème, c’est que nos élus locaux n’ont pas l’air d’en avoir conscience.
Vous estimez que vous n’êtes pas soutenus ? Disons qu’ici, dans Sud Sainte-Baume, on a le soutien de la plupart des maires. Mais du bout des lèvres. Ceux qui savent désormais que le tracé ne passera pas sur leur territoire sont nettement moins virulents. Comme les élus du conseil régional font le forcing derrière la LGV - ils viennent de signer une motion et d’écrire au Président - ils se taisent.
Quels sont vos leviers d’action ? Communiquer auprès des populations déjà. Ce sont elles qui peuvent motiver les élus. L’opposition au projet est assez forte dans le Var mais les trois quarts des gens pensent que c’en est fini de la LGV. Il faut à tout prix qu’ils comprennent que c’est tout l’inverse : le projet avance. Aujourd’hui, il faut un nouveau débat public.
Qu’est-ce qui vous déplaît le plus dans ce projet ? Son coût ? Déjà. Plus de milliards d’euros pour le tout, ça en fait le projet le plus cher au monde jamais proposé. On a calculé : ça fait millions d’euros au kilomètre ! Et six milliards d’euros pour gagner un quart d’heure entre Marseille et Toulon…
Il y a quand même du développement économique derrière… Vu comme ça va plomber les finances publiques, je ne vois pas comment… Ou alors pour quelques privilégiés. Pour désengorger, on peut rouvrir la ligne CarnoulesGardanne. Et pour améliorer les cadences sur la voie existante, il y a des solutions techniques.
Oui, enfin, elle date de cette ligne… Ça aussi, c’est leur com’ ! C’est le tracé qui date de . La ligne a été refaite régulièrement, et pourrait l’être encore.
Et sur le volet environnemental ? Le tracé épargne l’AOC Bandol quand même… Peut-être. Mais la pollution des travaux alors ? Trente ans de chantier, c’est trente ans de pollution. Avec les nombreux ouvrages d’art qui seront nécessaires - pont, tunnel… - va aussi se poser la question d’où on met les millions de mètres cubes de déblais. Et quid des sources, des rivières que l’on va détourner aussi ?
Bon, honnêtement, si demain elle voit le jour, vous la prendrez quand même cette LN PCA, non ? Pour faire quoi ? Aller à Nice ? Jamais de la vie, je suis très bien ici.
C’est le projet le plus cher au monde ! ”