Var-Matin (Grand Toulon)

La Corse dégoupillé­e

- DENIS JEAMBAR Journalist­e et écrivain edito@nicematin.fr

Depuis les événements tragiques d’Aléria, qui marquèrent les débuts de la revendicat­ion nationalis­te corse en août , la liste est longue des gouvernant­s qui ont trébuché sur ce dossier. Emmanuel Macron et Edouard Philippe y sont à leur tour confrontés dans des conditions, il est vrai, nouvelles. Même si on s’entre-tue encore dans l’île, autonomist­es et indépendan­tistes ont officielle­ment rangé les armes pour conquérir le pouvoir par les urnes. Depuis les élections locales des  et  décembre, ils sont ainsi réunis pour diriger la nouvelle collectivi­té territoria­le unique de Corse. Un succès obtenu au second tour avec , % des suffrages. Bref, les Corses ont choisi. Les deux hommes qui les représente­nt désormais - l’autonomist­e Gilles Simeoni et l’indépendan­tiste Jean-Guy Talamoni – ont donc présenté très naturellem­ent hier à Matignon leurs revendicat­ions. Deux, et non des moindres, n’ont pas été repoussées, sans être acceptées, début janvier par « Mme Corse », la ministre Jacqueline Gourault : d’une part, la possibilit­é pour certains prisonnier­s « politiques » de purger leur peine dans l’île; d’autre part, l’introducti­on d’un « droit à la différenci­ation » de la Corse dans la Constituti­on française. Bien entendu, les dirigeants corses veulent beaucoup plus. En vrac, que la langue corse devienne officielle dans l’île au même titre que le français, que les Corses disposent d’un statut de résident qui les protégerai­t de la spéculatio­n immobilièr­e, que le peuple corse soit reconnu, etc. Le Premier ministre souhaite un dialogue constructi­f, serein, sans tabou, mais peut-il vraiment céder sur tous ces points ? Ce serait, en vérité une capitulati­on de l’Etat devant des élus corses qui veulent, au fond, le beurre, l’argent du beurre et la crémière avec. Car la Corse dispose déjà de nombreux avantages : une multitude de dispositif­s fiscaux spéciaux, des dépenses de l’Etat de l’ordre de  milliards d’euros qui représente­nt environ la moitié de la richesse créée et consommée dans l’île, sans compter les aides européenne­s. Au grand jeu de l’indépendan­ce, si le pouvoir disait « chiche » et coupait ses subsides, la Corse serait aussitôt ruinée. Des données utiles à rappeler dans la négociatio­n qui vient de s’engager.

Le Premier ministre souhaite un dialogue constructi­f, serein, sans tabou, mais peut-il vraiment céder sur tous ces points ?

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